Premier nocturne
Psaume 2
«Les rois de la terre s'insurgent, les princes tiennent tête au Seigneur
et à son Messie"
Psaume 21
La déréliction, mais aussi l'espérance du juste broyé par la
souffrance sont décrites de
manière prophétique dans
un psaume fameux dont
Matthieu met les paroles sur
les lèvres de Jésus en croix:
«Mon Dieu , mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné>>
Psaume 26
Mais au plus profond de
l'abîme, la foi du juste ne
chancelle pas:
«Ne me laisse pas, ne m'abandonne pas Dieu mon Salut...
Les lectures brossent le portrait du
juste, livré à mort
par ses frères.
Genèse 37,15-25a
évoque
Joseph, fils aimé de son
père, assailli, jeté dans un
puits asséché, puis vendu
par ses frères.
Job 16, 6-22
montre le
sage, ce saint homme Job
paradoxalement accablé de
malheurs, qui erre dans la
nuit de son épreuve : «Quand
je parle, ma souffrance ne
cesse pas; si je me tais, en
quoi disparait-elle?...
Pourtant, point de violence
dans mes mains, et ma prière est pure.
«ô terre, ne couvre point
mon sang, et que mon cri
monte sans arrêt!»
Hébreux 5, 7-10
dirige
notre regard sur le Christ lui-même:
«Lui qui, aux jours de sa
chair, ayant présenté, avec
une violente clameur et des
larmes, des implorations et
des supplications à celui qui
pouvait le sauver de la mort
( ... ) est devenu pour tous
ceux qui lui obéissent principe de salut éternel.»
On peut ici préférer
Éphésiens 2, l la. 12-22
: «En sa
personne il a tué la Haine ( ... )
il est venu proclamer la paix.»
Deuxième nocturne
Les psaumes formulent la prière
d'un homme dans
la détresse
Psaume 37
«Le coeur me bat , la force m'abandonne...>>
Psaume 39
Appelant Dieu à son S
cours, cet homme lui offre,
Pourtant librement l'offrande
de sa vie:
«Tu ne voulais ni sacrifice ni oblation...voici je viens>>
Et il renouvelle sa confiance
en Celui qui seul Peut le délivrer du mal :
«Ô Dieu par ton nom sauve -moi...>>
La lecture du nocturne est empruntée à saint Ephrem (v. 306-378)
diacre de l'Eglise de Syrie,
surnommé la lyre du Saint-Esprit» en raison du talent
Poétique avec lequel il traduit sa réflexion théologique.
«Aujourd'hui s'avance la
croix, la création exulte; la
croix, chemin des égarés,
espoir des chrétiens, prédication des Apôtres, sécurité
de l'univers, fondement de
l'Église, fontaine Pour ceux
qui ont soif. Aujourd'hui
S'avance la croix et les
enfers sont ébranlés. Les
mains de Jésus sont fixées
par les Clous, et les liens qui
attachaient les morts sont
déliés. Aujourd'hui le sang
qui ruisselle de la croix parvient jusqu'aux tombeaux et
fait germer la vie dans les
enfers. [)ans une grande
douceur, Jésus est conduit
à la Passion, bénissant ses
douleurs à toute heure :
est conduit au jugement d
Pilate qui siège au prétoire
à la sixième heure on 1
raille; jusqu'à la neuvième
heure, il supporte la douleur
des clous, puis sa mort me
fin à sa Passion. À la douzième heure, il est déposé de la
croix : on dirait un lion qu
dort. Alors il descend aux
enfers, désirant voir les
justes qui se reposent de
leurs fatigues et il les passe
en revue Comme un roi
regardant son armée au
repos à l'heure de midi. Il
dit : "Me voici, je viens." Et
toute l'armée se dresse
aussitôt.
Mais revenons à la Passion.
Pendant le jugement, la
Sagesse se tait et la Parole
ne dît rien. Ses ennemis le
méprisent et le mettent en
croix. Aussitôt, l'univers est
ébranlé, le jour disparaît et
le ciel s'obscurcit. On le
couvre d'un vêtement dérisoire, on le crucifie entre
deux brigands. Ceux à qui,
hier, il avait donné son corps
en nourriture le regardent
mourir de loin. Pierre, le premier des Apôtres, a fui le
premier. André aussi a pris
la fuite, et Jean qui reposait
sur son côté n'a pas empêché un soldat de percer ce
côté de sa lance. Le choeur
des douze s'est enfui. lis
n'ont pas dit un mot pour lui,
eux pour qui il donne sa vie.
Lazare n'est pas là qu'il a
rappelé à la vie, l'aveugle
n'a pas pleuré celui qui a
ouvert ses yeux à la lumière,
et le boiteux, qui grâce à lui
pouvait marcher, n'a pas
couru auprès de lui. Seul un
bandit, crucifié à son côté,
le confesse et l'appelle son
roi, au scandale des juifs. Ô
larron, fleur précoce de
l'arbre de la croix, premier
fruit du bois du Golgotha.
Désormais, par la croix, les
ombres sont dissipées et la
vérité se lève, comme nous
le dit l'Apôtre : "L'ancien
monde est passé, toutes
choses sont nouvelles." La
mort est dépouillée, l'enfer
livre ses captifs, l'homme est
libre, le Seigneur règne, la
création est dans la joie. La
croix triomphe et toutes les
nations, tribus, langues et
peuples viennent pour l'adorer. Nous trouvons en elle
notre joie avec le bienheureux Paul qui s'écrie : "Loin
de moi la pensée de trouver
ma gloire ailleurs que dans
la croix de Jésus Christ notre
Seigneur." La croix rend la
lumière à l'univers entier
elle chasse les ténèbres et
rassemble les nations de
l'Occident, du Nord, de la
mer et de l'Orient en une
seule Église, une seule foi,
un seul baptême dans la
charité. Elle se dresse au
centre du monde, fixée sur le
calvaire...
Armés de la croix, les
Apôtres s'en vont prêcher et
rassembler dans son adoration tout l'univers, foulant
aux pieds toute puissance
hostile. Par elle, les martyrs
ont confessé la foi avec
audace et n'ont pas craint
les ruses des tyrans. S'en
étant chargés, les moines
dans une immense joie ont
fait de la solitude leur séjour.
Cette croix paraitra lors du
retour du Christ, la première
dans le ciel, sceptre précieux, vivant, véritable et
saint du Grand Roi : "Alors
dit le Seigneur, apparaîtra
dans le ciel le signe du Fils
de l'homme." Nous la verrons, escortée par les anges,
illuminant la terre, d'un bout
de l'univers à l'autre, plus
claire que le soleil, annonçant le jour du Seigneur.
(Sancti Ephraem Syri Hymni
et Sermones, 1886, vol. 11, p. 65-67.)
Troisième nocturne
Les psaumes du
troisième nocturne dirigent toujours nos regards
vers ce Fils de l'homme,
couvert d'injures par ceux
qui veulent sa mort, mais
dont le coeur demeure fidèle.
Psaume 58
« Et moi je chanterai ta force...>>
Psaume 87
Il est pourtant descendu jusqu'au fond de la détresse,
jusqu'au bout de la nuit :
«Déjà compté comme descendu dans la fosse je suis un homme fini...>>
Psaume 93
Mais s'il meurt, c'est en gardant une certitude :
«Dieu ne délaisse pas son peuple...>>
Lecture
:Saint Germain,
évêque de Constantinople (t 733),
médite sur le
mystère de la croix, victoire
du Christ sur le mal et la
mort. Si Jésus est monté sur
la croix, c'est pour y retrouver Adam, l'homme perdu.
«Le peuple qui était assis
dans les ténèbres a vu une
grande lumière et sur les
habitants du sombre pays
une lumière a resplendi, la
lumière de la rédemption. En
voyant le tyran blessé à
mort, il revient des ténèbres
à la lumière; de la mort, il
passe à la vie. La victoire de
Jésus seule est le salut de
ceux qui, par leur faute,
s'étaient éloignés de lui. Le
bois de la croix porte celui
qui a fait l'univers, Celui qui
y est fixé est celui-là même
que le patriarche autrefois
avait vu au sommet de
l'échelle. Subissant la mort
pour ma vie, il est fixé au
bois comme un mort, celui
qui porte l'univers; il rend le
souffle sur le bois, celui qui
insuffle la vie aux morts. La
croix ne lui fait point honte,
mais comme un trophée
atteste sa victoire totale. Il
siège en juste juge sur le
trône de la croix.
La couronne d'épines qu'il
porte sur le front confirme
sa victoire : «Ayez confiance, j'ai vaincu le monde et
le Prince de ce monde, en
portant le péché du
monde.» Et cette victoire du
Christ passe dans toute
l'humanité dont il a pris les
prémices. Que la croix soit
un triomphe, les pierres
elles-mêmes le crient, ces
pierres du calvaire où,
selon une antique tradition
des Pères, fut enterré
Adam, notre premier père.
Cette tradition manifeste
qu'Adam fut la cause de la
venue du Seigneur sur la
terre, que tout le mystère de l'humiliation avait en vue
son rappel et son salut. Tout
cela eut pour but la libération d'Adam et pour motif
l'amour que son créateur lui
portait.
«Adam où es-tu?» crie à
nouveau le Christ en croix.
Je suis venu là à ta
recherche et, pour pouvoir
te trouver, j'ai tendu les
mains sur la croix. Les
mains tendues, je me tourne
vers le Père pour rendre
grâces de t'avoir trouvé,
puis je les tourne aussi vers
toi pour t'embrasser. Je ne
suis pas venu pour juger ton
péché, mais pour te sauver
par mon amour des
hommes; je ne suis pas
venu te maudire pour ta
désobéissance, mais te
bénir par mon obéissance.
Je te couvrirai de mes ailes,
tu trouveras à mon ombre
un refuge. Ma fidélité te
couvrira du bouclier de la
croix et tu ne craindras pas
la terreur des nuits, car tu
connaîtras le jour sans
déclin. Je chercherai ta vie,
cachée dans les ténèbres
et à l'ombre de la mort, je
n'aurai de repos, jusqu'à ce
que, humilié et descendu
jusqu'aux enfers pour t'y
chercher, je t'aie reconduit
dans le ciel.»
(in Domini corporis sepulturam,
Patrologie grecque 98,
col. 251-260.)