Contemplation...

 

Il y a certainement une limite à la logique et à la raison discursive...
Gödel et son théorème ont bien montré l'existence de cette limite...

faut-il alors basculer dans la méditation analytique et la contemplation directe de la nature de l'esprit qui transcende les concepts ?

La connaissance rationnelle  dérive d'un processus intellectuel qui construit un système élaboré de concepts et de symboles abstraits qui  s' exprime le plus souvent de manière abstraite dans le langage hautement structuré des mathématiques
elles sont limitées par ce que dit Gödel...
alors pour aller plus avant? Convient-il de passer sur l'autre rive ?...
délaisser le processus analytique de la connaissance..et purifier sa pensée des concepts et des formes de pensée ?...
  réduire le raisonnement au silence... ?...afin d'arriver à une saisie immédiate de la Réalité ?

Certes
la logique elle ne sera pas entièrement évacuée... on distinguera  toujours une connaissance conventionnelle qui renseigne sur l'apparence ...et une seconde plus profonde permettant d'appréhender sa nature... la vacuité ...à notre raisonnement...

Ne faut-il  pas dès lors passer par l'éveil ?
 non pas pas pour  une connaissance de la multiplicité des phénomènes ou des événements ... mais Éveil à leur nature essentielle...
là où la dualité sujet-objet disparaît...
et où l'intellect raisonnant fait place à une conscience directe des choses...de leur nature ultime... jusqu'à ne plus faire qu'Un avec elles...
connaissance intuitive directe et immédiate...
 sans être pour autant  réduite à un pressentiment vague... invérifiable...
 ou une impression floue surgie du subconscient...
 Une vraie union mystique...
union intime et non duelle avec la nature de l'Esprit... union claire, lumineuse et libre de concepts...
sans rester dans l'extase... 
mais en laissant reposer les concepts, les impressions, les images...
pour aller au delà des concepts...
 pour saisir dans un état de simplicité lumineuse  combien et commentla réalisation de la nature ultime de l'esprit se fait vaste... profonde... et immuable ...
 remonter à la source des pensées...
 observer ce qui en reste quand elles disparaissent...
état indescriptible..ineffable...
.non pas obscur ...mais les mots sont impuissants pour décrire...( apophase)
est-t-il possible de décrire une couleur à un aveugle ?
si ce n'est par des métaphores  et des allégories...

Le Théorème de Gödel nous a montré que la logique a des limites...
une compréhension réelle nécessite de briser le carcan des constructions mentales... de sortir du système... car il est incomplet en soi...
de transcender la raison...
mais l'éveil  contredit-il la raison ? non......simplement il en dépasse les limites...


Car on peut décrire à l'infini les choses ...
mais la compréhension directe et intégrale de leur nature n'est pas dans la simple addition à l'infini des connaissances descriptives... et des propositions mathématiques...

Tant qu'on reste prisonnier d'un mode de pensé linéaire il est impossible à notre esprit de saisir sa propre nature... et notre compréhension demeure incomplète...
il faut faire éclater cette gangue...
 atteindre une connaissance directe de l'essence des choses...
 compréhension qui n'est plus fragmenté par l'analyse... ni limitée par notre incapacité à percevoir... 
Cette connaissance fonctionne sur un mode différent...
 et la majeure partie du vécu échappe à la science...

Avons nous  le droit de donner seulement une interprétation réificatrice des choses?
les particules ne sont-elles  que des "observables." ?..
passer de ces observables à la notion d'objet montre à quel point l'interprétation est conditionnée par la formation du chercheur

Bohme disait:

" la réalité est ce que nous tenons pour vrai
ce que nous tenons pour vrai est ce que nous croyons
ce que nous croyons prend appui sur nos perceptions
ce que nous percevons est lié à ce que nous cherchons
ce que nous cherchons dépend de ce que nous pensons"

 

Le scientifique ne peut observer la nature de manière objective...
et il y a interaction constante entre son monde intérieur et le monde extérieur...
il ne voit jamais les faits nus..sans interprétation...
et le monde extérieur modifie son monde intérieur...
la société ...la culture... la réification de la réalité...
alors ?
Alors y a-t-il même un but ? vers laquelle on tend de manière asymptotique ?...
une possibilité de connaissance complète et détaillée des phénomènes de l'inanimé et du vivant ?

Évidement on peut argumenter sur la valeur du savoir du contemplatif...qui ne peut être vérifié tangiblement...
et l'idée que seule la mesure permet d'éviter les illusions d'optique et les mirages...
mais si on n'étudie que le mesurable n'ignore-t-on point ce qui ne peut être mesuré?
en se penchant sur l'objectif ...on néglige le subjectif
en étudiant le visible...  se soucie-t-on  de l'invisible ?...

La "réalité " dépend ainsi des questions que l'on se pose et des instruments de mesure qu'on utilise pour y répondre...
quand on circonscrit un domaine d'étude..on ne voit plus le reste...
le phénomène vécu à la première personne  ou tout phénomène immatériel...
l'univers se limite à tout ce qui est objectifiable à  la 3ème personne et uniquement ce qui est matériel...
consciemment ou non c'est prendre ainsi une position métaphysique...
faire un choix et exclure...

Il est vrai...
ne sommes nous pas les champions de la société matérialiste ?
mais n'y a-t-il pas d'autres manières d'exister et de vivre ?

Pourtant m
ême dans la démarche méditative les étapes sont vérifiables...par les effets...et les étapes franchies... tout n'est pas subjectif...St Jean de la Croix...Thérèse d'Avilla...ne diront pas non...
on peut se référer aussi valablement à la méditation du Buffle

Cela ne dispense pas cependant de
comprendre que les pensées n'ont ni forme ...ni couleur... ni localisation... et qu'elles s'évanouissent quand on les scrute..
qu'elles ne viennent de nulle part et n'ont nulle part à aller...
ou d'un ailleurs incompréhensible pour nous...
peu à peu ne convient-il pas d'apprendre à  les reconnaître... à  apprendre à les maîtriser..
jusqu'à la paix intérieure et le détachement...

L'éveil n'est ni un anéantissement dans l'indifférence et l'apathie...
 ni l'extinction des sensations et de tout ce qui fait la richesse de l'être
c'est au contraire une libération qui s'accompagne des qualités les plus positives: amour, compassion, joie devant le bonheur des autres,...
 équanimité envers tous
nous cessons d'être les esclaves de notre ego et le jouet des émotions vaines et contradictoires ...devant le plaisir ou la peine, le gain ou la perte, la louange ou la critique, la célébrité ou l'anonymat...

 L'introspection est expérimentée depuis des millénaires et  chaque religion est un guide de voyage sans  données quantifiables. .sans images...sans  graphes...
bien que certaine imageries du cerveau puissent confirmer le voyage...
sans renseigner nullement sur la qualité du vécu...

Certes si la psychologie se penche sur les sentiments, les comportements, les souvenirs et tous les mécanismes qui conditionnent nos état de conscience
et les sciences cognitives les processus mentaux liés à la perception, à la mémoire, à l'apprentissage aussi...
hélas... elles ne visent JAMAIS a engendrer une transformation profonde de l'individu...et on se satisfait d'un statut quo de l'ego...
c'est même là un sujet tabou...honte aux manipulations mentales !...
En Orient par contre on essaie de dissiper cette illusion du moi...et ce cheminement comporte une dimension de joie intérieure et de totale libération jamais prise en compte en Occident...

Dans les sciences" naturelles" le regard de l'observateur est tourné vers l'extérieur
dans la science contemplative c'est l'esprit qui s'observe lui même ou analyse la réalité par un processus intérieur... cela ne rend pas l'une plus objective que l'autre

Einstein disait :

 « Les concepts physiques sont de fibres créations de l'esprit humain, même s 'ils ont l'air d'être déterminés uniquement par le monde extérieur. Nos efforts pour appréhender la réalité ressemblent à ceux de quelqu'un qui cherche à comprendre le mécanisme d'une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles qui bougent il entend même le tic-tac, mais il n"a aucun moyen d'ouvrir le boîtier. S'il est ingénieux il se forme l'image d'un mécanisme qui serait responsable de tout ce qu'il observe, mais il ne pourra jamais être certain que son image soit la seule capable d'expliquer ses observations. Il ne pourra jamais comparer son modèle avec le mécanisme réel, et ne peut même pas imaginer la possibilité que cette comparaison ait un sens »

Ainsi lorsque plusieurs théories plausibles mais incompatibles sont avancées sur un sujet le choix en définitive se fait sur des préférences métaphysiques... ainsi Einstein en raison de son attachement au réalisme n'a jamais pu accepter la description probabiliste de la réalité atomique...

Le chercheur occidental suppose à priori qu'il existe un Réel pur et dur derrière le voile des apparences et il cherche une cause première à l'univers...
c'est bien sûr un choix...un acte
de foi...lié à une Rencontre...
dans une culture orientale on remet plus facilement cela en cause...
on sera plus ouvert à l'interdépendance des choses...
lequel est plus vrai que l'autre ?...
les deux ne vont-ils pas ensemble ?

Le chercheur a ainsi des préjugés... moteurs même de la science
la réalité est donc inévitablement transformée par son monde intérieur et le scientifique ne voit que ce qu'il peut ou veut bien voir...
On peut même  aller plus loin et penser que l'observateur modèle est celui qui voit dans des objets familiers ce que personne d'autre n'y a encore vu...fruit d'une longue maturation intérieure...
il en est de même dans l'éveil...

 Est-il possible dans ces conditions de capter la Réalité à l'état brut ?
 Quand un astrophysicien  perçoit le message lumineux  à un moment dans son cerveau
le système de mesure capte un objet... toute suite une image mentale non conceptuelle est créée aussitôt puis de suite les mécanismes mentaux s'enclenchent, se mêlent à la mémoire et aux tendances acquises et une multitude d'instants de conscience identifient l'objet comme étant ceci ou tel, l'interprètent, éprouvent à son égard des sentiments positifs, négatifs ou neutres...
entre temps l'objet qui est impermanent a déjà changé...
on ne perçoit en définitive que des images mentales de phénomènes disparus...
Ce décalage est encore plus important en astronomie à cause de la vitesse de la lumière
et..plus les instruments deviennent sophistiqués ... 
plus l'astronome s'éloigne de la réalité brute... filtrée à travers des circuits électroniques... réalité manipulée... numérisée... reconstituée...
pour être assimilable à notre petit cerveau...

Seul celui qui a connu l'Éveil... peut distinguer la perception pure non conceptuelle de 
l'image...  l'Être? ..la Présence ...

Car à la fin du voyage on en revient toujours au cerveau... à la conscience
or la conscience passée n'existe plus... la future pas encore...et quand à la présente peut-on  y déceler une réalité solide ?
elle  ressemble plus à une fonction, à une continuité de relations  qu'à une entité distincte...
Cette conscience qui interprète les faits selon ses connaissances et ses conceptions de l'événement qu'elle perçoit
on ne peut séparer son mode de fonctionnement des conclusions qu'elle tire de l'observation.. .des concepts qu'elle projette 
ainsi la brillance ou la taille d'une étoile ne sont pas des désignation intrinsèques ..il s'agit bien là de désignations conceptuelles... d'un code permettant au cerveau de se répérer...d'évaluer...de comparer...

Et c'est seulement lorsque ces désignations deviennent de plus en plus précises et nombreuses, lorsqu'elles sont reproductibles et indifférentes à l'ordre de détection au lieu, au temps et à l'individu qui les observe que nous en venons à penser que leur ensemble correspond à une "réalité" indépendante de nous...

Ainsi nous n'avons qu'une connaissance partielle de la lumière ...celle que nous donne différent protocoles expérimentaux...
mais une réalité indépendante de nos sens et de nos concepts a-t-elle une signification pour nous ?
avons nous le choix?

Quelle théorie pourrait représenter une réalité qui existerait de façon totalement étrangère à notre intellect ?
Comment ses caractéristiques pourraient elles apparaître sans être affectées par l'acte de chercher... ?
même s'il existait un monde aussi extérieur il nous serait inaccessible...
de là ne vient-il pas l'idée d'un Dieu ?

Allan Wallace dit que pour que pour souscrire au réalisme il faut:

1) accepter que le monde et la matière existent indépendamment de l'expérience humaine
2) accepter l'idée qu'il soit accessible aux concepts humains
3) accepter l'idée que parmi le nombre potentiel infini de systèmes un seul unique soit vrai
4) que la science soit capable de découvrir cette vérité
5) que d'autres scientifique peuvent adhérer à cette vérité

Mais y a-t-il un réel autonome?
on ne peut pas dire qu'il y a rien car il y a quelque chose d'observable...
mais, on ne peut pas dire non plus que les phénomènes ont une réalité immuable... ni qu'ils  existent uniquement dans notre esprit...

...on rejoint l'apophase...ou le neti...neti ( pas cela...ni cela) des hindous...une réalité voilée ;..

La réalité ultime semble au delà...voilé pour Platon...vide pour d'Espagnat

Observateur et observé demeurent inséparables.. .agissant l'un et l'autre sur la globalité , se façonnant mutuellement comme 2 couteaux qui s'aiguisent...
Nous sommes structurés par notre environnement tout autant que nous façonnons le monde par nos projections nos concepts, nos tendances...

il n'y a ni tableau dans l'esprit
ni esprit dans le tableau
et pourtant peut-on trouver un tableau
en dehors de l'esprit ?

 

 et la beauté ?

 me direz vous peut-être...?
Normalement l'activité scientifique est considérée comme rationnelle, froide dépourvue de toute émotion esthétique...
mais les scientifiques parlent toujours de la beauté...
beauté intrinsèque des phénomènes observés...
beauté abstraite des théories...qui savent montrer l'interraction...la complexité et la nécessité de chaque chose.. .le luxe des détails.. et que la nature semble avoir pensé à tout... ...
beauté semblable à  une fugue de Bach à laquelle on ne peut changer une note..ou les traits d'un Fra Angélico que l'on ne saurait modifier;..
beauté de la simplicité dans la complexité apparente...
beauté de la Relativité qui a relié et unifié des concepts distincts... espace et temps... matière et énergie... et mouvement... accélération et gravité
et qui a su révéler tant des choses inconnues vérifiées ...bien après :
univers en  expansion...trous noirs...lentilles gravitationelles qui savent courber l'espace

mais...


s'agit-t-il  là d'une "réelle" beauté ? ou simplement d'une parfaite adéquation à la nature profonde de l'être ?
la beauté procure un sentiment de plénitude ...qui selon les circonstance peut être ressenti comme du plaisir ou du bonheur...et il y a tant de niveaux...
divers niveaux de beauté...divers niveaux de plénitude...
beauté relative et momentanée...
beauté absolue qui conduit à une plénitude durable...irréversible comme dans l'Eveil
car les beautés superficielles varient suivant les cultures et les époques...

En creusant plus profond pourtant  on trouve des constantes...
amour de l'altruisme...du don..de la compassion...de l'amour gratuit...de la liberté...de la nature et de de la vie... 
 et...plus nous sommes en accord avec notre nature profonde et plus on découvre la beauté intérieure présente au fond de nous...


L'ermite qui contemple la transparence ultime de l'esprit n'éprouve pas  un tel besoin...son harmonie avec la nature de l'esprit et des phénomènes se situe à un autre plan...
pour lui toutes les formes sont perçues comme  manifestation de la pureté primordiale et tous les sons comme l'écho de la vacuité ...et toutes les pensées comme le jeu de la connaissance...
il ne fait plus la distinction entre l'harmonieux et le discordant...
le beau et le laid...
la beauté est devenue omniprésente ...et la plénitude immuable..

 

suite