Alors une vérité ?
Un auteur contemporain donnait ces remarques concernant la vérité:
"1) Toute vérité
ne vaut qu'en rapport au contexte historique dans lequel elle a été produite,
c'est à dire qu'elle est historiquement conditionnée et de ce fait soumise à
un changement constant
2) En plus de ce conditionnement il y a l'orientation des actions, c'est à dire
l'intention qui est à la base d'une action pratique
3) La vérité se rapporte à un point de vue, c'est à dire que le milieu
culturel où vivent celui qui communique une vérité et celui qui l'écoute, la
classe sociale à laquelle ils appartiennent et leur sexe, ont une influence sur
la vérité communiquée
4) La vérité est liée au langage, et donc limitée aux
frontières de celui-ci; autrement dit elle exprime toujours une vision de la réalité
qui est partielle, sélective et associée à une certaine perspective
5) La vérité est sujette à interprétation, c'est à dire que toute expérience
se rapporte
à un champ de compréhension préalable, à la pré-compréhension de la
personne qui en fait l'expérience. Le sujet connaissant est impliqué dans la
connaissance car il connaît d'une façon qui lui est propre. Il ne peut y avoir
de connaissance purement objective, absolue, détaché du sujet connaissant
6) La vérité est dialogique, c'est à dire que la connaissance s'obtient, non
pas à la manière d'une acceptation unilatérale de choses données, mais réciproquement,
en dialogue avec la réalité, sur le modèle des questions et des réponses..."(
L. Swidler)
Il y aurait
beaucoup à développer là-dessus...
Si nous prenons ces six tendances ...il est impossible de faire une nette
distinction entre elles...
ainsi vérité ne signifie point non plus déclarations absolues, détachées,
isolées et inconditionnelles sur la réalité
Elle est relationnelle et se rapporte à un système qui est conditionné par de
nombreux facteurs...mais avant tout liée à celui qui la reçoit et l'exprime
elle est et reste attachée au point de vie de cette personne, à sa
perspective, à son langage...
il ne peut plus être question d'absolu dans le sens de quelque chose qui
transcende le temps et la culture, qui est indépendant d'une vision du monde et
de l'histoire...
Nous avons tout au long de cette longue réflexion
essayé de montrer combien étaient fragiles nos connaissance et combien
limité l'horizon de la pensée et de nos connaissances...les lois physiques ont-elles une valeur absolue ?...ou dépendent-elles
aussi de
notre manière d'appréhender la nature ?
Bref ,le monde platonicien des idées.. existe-t-il ?.
Faute de connaître l'intérieur de notre fonctionnement cérébral...peut-on
donner valeur à notre perception de la transcendance des choses?
Une loi en physique est une proposition générale qui constate des rapports
constants et des régularités entre des phénomènes a priori déconnectés...
Ces lois ont tendance a être considérées comme des entités immanentes
douées d'une existence intrinsèque... tendance renforcée dans les
cultures modelées par des religions qui affirment l'existence
d'entités créatrices qui auraient établis de façon plus ou moins directe ces lois pour régler l'harmonie de
l'univers...
le finalisme d'Aristote débouche sur un principe organisateur de l'ensemble...
L'idée de "lois imposées" par un créateur a engendré la science occidentale...
En Asie par contre... prévaut nous l'avons déjà dit une conception
holistique... l'idée d'un tout
harmonieux... qui empêche
toute découpe d'analyse...
pas de mécanisme à rouage... pas de morcellement ,mais des interdépendances multiples
qui impliquent une
vision globalisante de la réalité...
Il faut convenir cependant que la méthode analytique du découpage et du
rouage a permis à la science de faire les progrès que l'on sait et ce en
raison de 2 propriétés communes à de nombreux systèmes :la linéarité et la localité...
Linéarité veut dire que le tout est égal à la somme des
parties....
ainsi quand une chose parait trop vaste pour être étudiée
facilement il
suffit d'étudier séparément chaque composant et d'additionner...
la linéarité des sons permet de distinguer le violon du piano dans une
symphonie... où les sonorités se mélangent sans perdre leur identité...
de même la linéarité de la lumière permet de voir un feu rouge sans être
submergé par la luminosité du soleil.
Mais bien évidemment le monde n'est pas un assemblage de systèmes
linéaires.. tout comme une symphonie une simple addition de sonorités....et il
faut bien envisager quelque part des émergences, des convergences
aussi...
Pour la localité le principe consiste à isoler
un phénomène sans se préoccuper du voisinage immédiat
ainsi pour calculer la
chute d'un corps on ne considère que la force de
gravitation ( on néglige les forces électromagnétiques, qui tissent ensemble
les atomes ,les molécules et qui confère une solidité aux choses , la force nucléaire-
forte responsable de la cohésion des noyaux atomiques et la force
nucléaire-faible responsable de la
radioactivité et de la transmutation des atomes.
Pour calculer l'orbite d'une sonde on négligera l'influence gravitationnelle du soleil et des neufs planètes... et des cents milliards d'étoiles de la voie lactée...
Une conception orientale préférerait donner la priorité à la compréhension du tout... à l'irréalité des phénomènes... n'acceptant point ce découpage des choses...
Reste que demeure la question de savoir si on peut-on restreindre le savoir à ce qui peut être mesurable,
quantifiable, traduit en équations... et exclure par là même certaines influences aussi minimes soit-elles ?
éliminer aussi l'expérience vécue...
comprendre
que la bonté réchauffe le coeur et que la haine l'afflige...tout cela se
répercutant sur l'ensemble comme nous l'avons vu...
Certes l'importance de Mathématiques est immense dans la description de la
Réalité...
et que de fois l'on pourrait montrer que lorsque un phénomène physique nouveau
est découvert... les mathématiciens sont déjà passés là...
nos découvertes semblent ainsi précédées...guidées par la pensée pure...
et quand Einstein a découvert que la gravité courbait l'espace observé...il
n'a que re-utilisé les principes mathématiques que Rieman avait développé
dès le 19èsiècle...
Il semble normal d'ailleurs que nous concevions en accord avec
la réalité que nous perçevons...tous deux étant des produits de notre
esprit...
mais l'arithmétique et la géométrie existent-t-elles par elles même ?
ou bien nulle part... ou seulement dans
notre esprit comme une grille de lecture...?
Ainsi on peut se demander si le monde extérieur tel que nous nous le
représentons n'est pas seulement une image de notre pensée
?
...ou bien de notre
structure mentale...?
une empreinte du monde extérieur sur notre système neuronal
?
En étudiant les mathématiques les chercheurs ne font-ils pas qu'étudier la façon dont leur
cerveau fonctionne.. dont notre pensée élabore peu à peu une grille de
lecture des phénomènes ?
Si nous voulons trouver la Lumière ne convient-il pas de chercher
ailleurs ?...autrement...?
revient alors l'incitation méditative...
Platon lui pensait qu'il y avait 2 niveaux de
réalité...
le physique accessible à nos sens, instruments de mesure, monde impermanent
changeant et illusoire
Et celui du Vrai..des idées et des maths ...
le mythe de la caverne est bien connu: nous sommes comme ces pauvres créatures
qui ne voient que les ombres sur le mur de la caverne dans laquelle ils sont
prisonniers...caverne de leur corps...de leurs sens limités...
les ombres indiquent pourtant l'existence d'un autre univers plus vaste et
lumineux...une autre compréhension des choses...peut-être cette globalité que
nous manions avec tant de difficulté...peut-être aussi le monde de cette
illumination à laquelle le Mystique parvient et qui au delà des choses
perçues et au delà des sens met en contact l'homme avec ce Tout Autre et lui
fait vivre cet enchantement décrit si merveilleusement par Wagner dans
Parsifal...l'enchantement d'un Vendredi Saint !
Pour Platon il y a quelque part une idée de l'arbre ... principe essentiel de tous les arbres de
la nature qui n'en sont en fait que des manifestations grossières...étiquette mentale ?
comment une idée immuable pourrait-elle avoir une interface avec ce qui est
transitoire ?...mais là dans ce raisonnement on retombe déjà...
Cela rejoint directement notre foi
fortement teintée de pensée grecque...trop fortement peut-être,...
elle qui a
su transformer déjà Jésus cet oriental en une abstraction cosmique,
l'identifiant au Logos et donnant par la même à la pensée chrétienne une
philosophie sous -jacente crédible...
Car ou bien Dieu est créateur du monde et cause et alors il est contingent et temporel
ou bien il est immuable et sa création l'est elle aussi...logiquement...
un dieu invariant ne peut créer un monde changeant...
sauf en s'incarnant...
Dieu peut être hors du temps... et l' univers donne libre cours à sa
créativité en choisissant dans certaines limites...
invariant immuable qui s'occupe de changements... qui a des desseins...
fini
l'immuable ?
Mais là encore s'arrête la logique et la raison... le vrai Dieu est au
delà il est le Tout Autre...le bouddhisme le sait bien qui le rejoint dans le
vide...dans le néant...dans l'apophase... et
notre conceptualisation de Lui est une nouvelle étiquette mentale...
Il est... l'ineffable...
Il y a ceux qui pensent que toutes nos idées ne sont que des copies de nos impressions
: les constructivistes
et ceux qui s'opposent aux constructivistes, les réalistes pour qui les
mathématiques et les lois scientifiques ont une réalité distincte de la
pensée...
Quoiqu'il en soit la pensée humaine semble guidée vers une
Vérité qui a sa réalité propre
et qui n'est que partiellement révélée à chacun de nous...
et les mathématiques semblent bien posséder aussi une vie propre qui entraînent le chercheur...
les formules semblent avoir aussi une vie propre et en savoir plus que leurs
découvreurs et en donner plus que ce que l'on leur a donné...
ce qui peut expliquer l'intuition... qui ne serait dès lors qu'une entrée en contact avec le monde des
idées...ce
qui permettrait la communication entre mathématiciens qui ont accès à ce même
absolu
Là où le problème se pose c'est quand ces entités abstraites issues de l'esprit
correspondent exactement à
la nature... pourquoi ?
car si la conscience était indépendante des phénomènes...elle ne
pourrait les voir, ni les concevoir, ni les percevoir... ils n'existeraient pas pour
elle...
L'exemple de Ramanu jan est à cet égard édifiant:
Bien sur les neuro -physiologistes avancent que les mathématiques sont étroitement liés au
fonctionnement du cerveau
idée qui rejoint celles du bouddhisme qui dit lui aussi que les mathématiques ne sont qu'une manière de lire
les phénomènes...une grille de lecture qui n'implique pas l'existence d'entités douées d'existence
propre...
selon notre degré d'intelligence les concepts mathématiques mettant seulement en
évidence certains aspects de l'interdépendance des phénomènes...
Le poète interprète ces interdépendances en termes de beauté
le physicien en mathématiques
c'est notre conscience qui détermine notre univers...
Pour les contemplatifs la compréhension de la vacuité conduit à l'éveil
à ce stade la connaissance s'accompagne d'une certitude immédiate qui transcende
toute forme de pensée discursive...
la faculté de percevoir l'harmonie de l'univers est inhérente à notre
esprit...
la formulation de lois en équations, nombres, relations est un produit de la
pensée conceptuelle ...
Reste l'Essentiel éternellement Présent, informulable; l'Être infini au delà de tout concept et modes de pensée, au delà de tout objet mental...
YWZH JE SUIS !