Quelque chose échappe... alors Quelqu'un ?

 

Devant la complexité du monde tel qu'il nous apparaît
devant sa stupéfiante  évolution...
devant notre incompréhension aussi...
les scientifiques sont à nouveau tentés par l'hypothèse  d'un  Dieu créateur...
une quête de Dieu qui a le mérite d'exister et qu'il ne faut pas rejeter trop vite...

Pourtant ...
 seul un travail interdisciplinaire sérieux entre scientifiques, philosophes et théologiens peut éviter de tomber dans le piège de "fabriquer son dieu"
forme que l'on retrouve par exemple dans le New-âge...
mais aussi hélas chez de nombreux croyants...
Un Dieu univers... grand ordonnateur... tout teinté de panthéisme...
une chosification de Dieu...
un Dieu bien à soi...souvent hostile aux "autres"
ceux qui ne sont pas du clan, de la race, de la région ou de la même culture...
un Dieu bouche-trou aussi...

Recherche d'une cause première situé sur le même plan que les autres causes...
fabrication d'une idole à sa convenance
un Dieu dont l'accès serait réservé à une élite riche et cultivée...

En conséquence un Dieu souvent inaccessible... Principe... plus que Dieu personnel 
ou fusion dans un Grand Tout...ou tout est alors Dieu... l'Univers...l'homme...
la distance alors s'estompe...le sens de la Transcendance aussi...
le sens de l'altérité entre Dieu et sa création itou...
il n'est plus le Tout-Autre...

Et chacun de boucher ainsi facilement et à bon compte le trou d'incompréhension... pour apaiser ses angoisses existentielles...
et de recréér ce Dieu sécurisant.. celui que l'homme se construit pour combler ses manques...
bref, une idole !..

Le tout se doublant de finalisme, de concordisme : d'observation à postériori des convergences... entre ce que la science peut dire de l'univers...et ce que la Religion peut en dire...
forme de paresse... ou d'impatience...
 qui en fait court-circuite les recherches véritables...
que ce soit sur Dieu ou sur la science...

Doit on rappeler ici que le Dieu chrétien résulte d'une rencontre personnelle... inscrite dans l'espace et le temps...
une émergence à autre chose... un appel à Plus  être... 

Qui  ne pousse pas au fidéisme...  principe qui sépare trop facilement les domaines de la science et de la foi ... estimant  qu'aucun dialogue n'est possible...
...ce sont des raidissements et crispations  d'un autre âge...

Il convient aussi de se méfier  du finalisme...
celui qui faisait dire à certains nobles abbés de l'Église catholique...
 que si les citrouilles sont divisées en tranches... c'est pour mieux être mangées en famille,...
il faut  se méfier comme la peste de ce confort intellectuel que représente l'idée d'un principe organisateur qui aurai tout prévu...
au grand ébahissement des niais...et des crédules...

Ce qui  est vrai...  c'est que la cosmologie moderne a découvert que l'existence de l'être humain, était inscrite dans les propriétés de chaque atome... de chaque étoile ... de chaque galaxie ...
dans chaque lieu physique qui régit le Cosmos...
et il aurait fallu que ces propriétés ou ces lois ne soient pas ... 
...pour que nous ne soyons pas là pour en parler...
ainsi l'Univers contenait bien en germe dès le début les conditions requises pour l'émergence d'un observateur...

" l'univers savait quelque part que l'homme allait venir"
 (  Freeman Dyson)

L'évolution de l'univers est ainsi déterminée mathématiquement à nos yeux par des conditions initiales... ... et une quinzaine de nombres appelées constantes physiques...
 ceux qui régissent la loi de la gravitation...
ceux qui contrôlent l'intensité des forces nucléaires fortes et faibles...
ceux de la force électromagnétique ...
auxquels on peut ajouter la vitesse de la lumière... la constante de Planck (qui détermine la taille des atomes) ...et les nombres qui définissent la masse des particules élémentaires: proton, électron...
Toutes ces constantes ne varient ni dans l'espace ...ni dans le temps...
Elles conditionnent l'émergence à long terme de la Vie et de la pensée qui va les découvrir...

Tous ces nombres déterminent aussi non seulement la masse et la taille des galaxies, des étoiles et de la terre... mais celle des êtres vivants...la  hauteur des arbres...la  forme d'un pétale de rose...le poids et la taille d'un insecte , d'un hippopotame...ou d'un  homme...
 et la réalité autour de nous serait autre ,si ces constantes avaient des valeurs différentes...
et ne serait même peut-être pas...

Quand aux  conditions initiales elles concernent la quantité de matière ou le taux d'expansion initial de celle-ci...
des simulations sur ordinateur montrent que si ces constantes étaient légèrement différentes... l'univers serait dépourvu de vie...
un changement même infime de ces constantes entraînant la stérilité de l'univers...

Ainsi,  la matière exerce une force gravitationnelle attractive qui s'oppose à l'impulsion de l'explosion du big bang et ralentit l'expansion universelle....
Si la densité initiale était trop élevée, l'univers s'effondrerait sur lui même au bout d'un million d'année... d'un siècle... ou d'un an.....
Temps trop court pour que les transformations chimiques des étoiles produisent les éléments lourds ,comme le carbone, nécessaires à la vie...

Inversement, si la densité initiale était trop faible... la force de gravité serait insuffisante pour que se forment les étoiles...par agglutination de matière
or sans étoiles pas d'éléments lourds  ...pas de carbone... et pas de vie !...

Cette "densité" au temps de Planck devait " être réglée" avec une précision extrême... de l'ordre de 10-60...
c'est à dire que si l'on changeait un chiffre après 60 zéros l'univers serait stérile !... performance équivalente à celle d'un archer plantant sa flèche dans une cible carrée d'1 cm de côté... et qui serait placée aux confins de l'Univers...à 15 milliards d'années-lumières...

Tout n'était-il pas dès lors prévu pour qu'apparaisse la pensée ?

Il "fallait" un temps minimum nécessaire pour donner aux étoiles le temps de fabriquer les éléments chimiques indispensables à la vie...
permettre à la matière de gravir les échelons menant à l'homme ... à sa conscience...
permettre l'appréciation de son harmonie ..
ce principe anthropique... cher à Teilhard... cette loi de centro-complexité développée dans le phénomène humain....existe dans les faits...
...l'univers tend vers l'homme...

Mais ce principe n' est-t-il pas encore trop empreint de finalisme ?
un finalisme inconscient...ou subconscient peut-être...?

Faut-il dès lors se tourner vers le hasard...?
un réglage accidentel de ces constantes ?
un hasard supposant une multitude d'autres univers parallèles...avec d'autres combinaisons perdantes...?
une seule ayant "réussie" par "hasard" ...comme le pensent Monod et Jacob...

 Hugh Everett le pensait aussi...
pour lui  l'univers se divise en deux exemplaires identiques chaque fois que s'offre une alternative ou un choix...... un univers quand je décide d'aller à droite...un quand je décide d'aller à gauche...
ce qui a l'avantage d'expliquer le hasard vrai que nous avons  rencontré en mécanique quantique...
on aboutit alors à des séries d'univers parallèles...
univers qui ne peuvent communiquer... car alors des informations incompatibles existeraient...
ainsi un être pourrait être vivant dans un univers...mort dans l'autre...ce qui expliquerait la position inconfortable du chat de Shrödinger...

On peut imaginer aussi différents univers se succédant dans le temps... séparés par des big- crunch répétitifs...
théorie rejetée pour l'instant... car il ne semble pas que la quantité de manière présente  soit suffisante... à moins que les trous noirs ( ces lieux de matière si dense et de si grande gravité qui fait qu' aucune information ne peut en sortir) en recèlent plus que prévu...!!

Mais le hasard est-il  concevable devant la beauté et l'harmonie du monde ?
 des couchers de soleils...? des pétales de rose...? des bras des galaxies...?
mais évidement... qu'est-ce que cette beauté ?
La manifestation d'une Transcendance ?  ...de Lois qui nous dépassent ?
ou tout cela n'est-il beau que pour nous même...?
seulement à nous même..?.
et sans signification  aucune pour d'autres êtres...

Notre cerveau ne colore-t-il pas là  quelque chose en lui donnant un sens qui n'existe pas en réalité ?

Même si tout  n'est que hasard  il semble bien que l'univers tende cependant vers l'UN...
et à mesure que la physique a progressé, des phénomènes que l'on croyait distincts ont pu être unifiés:
Newton au 18ème siècle avec la gravitation...la pomme qui tombe c'est comme la lune autour de la terre...
Maxwell au 19ème  qui unifie magnétisme et électricité

Einstein qui lie le temps et l'espace
et actuellement encore l'on tend a unifier les 4 forces fondamentales...que nous avons évoquées plus haut...
Et.. qui proclament qu' une fois fixées  les conditions de départ ...ces conditions contiennent en elles les germes de l'éclosion de la conscience et de la gestation cosmique qui mène inexorablement jusqu'à nous...
une trame sur laquelle la Nature peut et va bien sûr broder... nous n'étions pas sur des rails...

 "il est certain que la conviction apparentée au sentiment religieux que le monde est rationnel ou au moins intelligible est à la base de tout travail scientifique un peu élaboré. Cette conviction constitue ma conception  de Dieu...c'est celle de Spinoza"

Une montre ne s'assemble pas toute seule...
même si des systèmes très complexes peuvent résulter d'une évolution tout à fait "naturelle" selon les lois biologiques et physiques...
il y a un Plan..

...et il ne peut y avoir une chaîne infinie de causes...tout doit s'arrêter à une cause première...
 cela suppose il est vrai un concept linéaire du temps... que l'on peut rejeter si l'on conçoit que le temps est cyclique...ou spiral...comme en Asie...

 Heisenberg en 1927  a tout remis en cause avec son principe d'incertitude:

"flou et incertitude sont inhérents au monde subatomique
on ne peut connaître simultanément l'énergie et et la durée de vie d'une particule
dans une particule de très courte durée de vie l'incertitude liée à sa quantité d'énergie est immense...aussi pourra-t-elle se matérialiser spontanément et de manière imprévisible sans avoir besoin d'aucune cause..."


et l'espace regorge de telles particules fantômes et éphémères...
Par la grâce d'une fluctuation quantique une particule  peut en théorie surgir spontanément du vide...
pourquoi pas l'Univers qui en est formé...?

et disparaître tout autant... sans pourquoi...

 
La notion même de cause à effet d'ailleurs a-t-elle encore un sens quand il s'agit de l'univers...?
cette notion suppose l'existence du temps : la cause précède l'effet...
or le temps et l'espace sont apparus en même temps que l'Univers...
et l'acte de création n'a de sens que dans le temps..!

Bien sûr me dira-t-on Dieu est hors du temps.
un dieu dans le temps ne serait plus Tout Puissant... IL serait soumis lui aussi  aux variations de ce dernier...
mais  peut-il encore être invoqué?...ou peser sur le cours des choses?...
 car s'il transcende le temps il connaît le futur...
sommes nous dès lors encore libres ?...libres de penser ?...
et de conduire le monde à notre guise ?

Spinoza  parle seulement d'un alpha qui règle l'univers à son début... mais peut-on en rester là?

Car les lois physiques ressemblent aux qualificatifs du divin: universelles, absolues...intemporelles...omnipotentes... elles s'appliquent partout...
omniscientes...elles savent à l'avance sans que les objets aient à les informer...

Pourquoi y aurait-il quelque chose plutôt que rien ( Leibniz)
Pourquoi y aurait-il un principe créateur plutôt que rien?

Les philosophes et autres dialecticiens nous disent que s'IL  décide de créer IL n'est plus tout puissant car influencé par ce désir même...
s'IL est sa propre cause IL est immuable... mais alors comment peut-il encore créer?...
un créateur immuable peut-il avoir deux états ?

Même la notion de Dieu nous échappe !
Heureusement !
N'est-il pas le Tout Autre ?
Au delà, bien au delà de toute représentation ou concept mental que l'on peut se faire de Lui?
N'est ce pas d'ailleurs pour cela qu'existent des médiateurs ou voyants: Krishna, Gautama, Jésus
n'est-ce point pour cela que les Pères anciens concevaient le Logos et sa possible incarnation...
et se référaient sans cesse à l'Esprit...qui ne peut se saisir...mais seulement s'accueillir ?

La loi de la causalité nous dit que si un événement ne se produit pas c'est parce que certaines causes ou conditions font défaut...
ainsi si une graine ne germe pas c'est qu'il manque quelque chose...
à l'inverse quand toutes les causes sont réunies l'effet doit se produire...
...donc... si un principe  porte en lui toutes les causes...ne devrait-il pas sans cesse créer la totalité de l'univers... en un big bang permanent...
à moins que la pensée et le raisonnement ne soient faux...

« Causes et circonstances réunies au complet quand bien même le créateur ne voudrait pas créer, il ne pourrait l'empêcher : impuissant à ne pas créer, il créerait. Sans la totalité de ces causes et circonstances, voudrait-il créer qu'il n'en aurait pas le pouvoir et ne créerait rien "....
 Si, sans le vouloir, le créateur produit des effets comme les souffrances infernales, il n'est plus libre, mais dépendant; et même s'il le veut il dépend de son vouloir et son indépendance sera ébranlée.
 Quand bien même le créateur créerait toutes ces souffrances, en quoi serait-il un dieu saint puisque plonger autrui dans la souffrance, ce n'est guère là l'oeuvre d"un saint"? »

on le voit la dialectique n'est pas près d'admettre Dieu...


comment en  sortir ?...

 Par une création progressive?...
qui suppose que le créateur ne possède pas toutes les cartes au début de la création... 


L'apparition des phénomènes par le jeu de relations interdépendantes sans début ni fin échappe à ce déterminisme...
Là...pas de cause première unique...
et si on adopte la philosophie quantique ...on peut penser qu'à la manière d'un danseur exécutant diverses chorégraphies  il y aurait des actualisations et des manifestations d'effets dans notre monde...au hasard...
Ne faut-il pas alors opter pour pour l'impermanence... ou chaque instant est une cessation et un  commencement qui s'enchaîne suivant les lois de cause à effet...
événements sans débuts ni fin véritables...
dénués d'existence propres ?
une position Bouddhique en somme...

à moins  que...nous sachions accueillir l'Esprit...qui seul permet l'ineffable rencontre...
l'Eveil...
où les questions n'ont plus cours et leur coque tombe résonnant dans le vide...
désormais l'on sait...sans savoir exprimer pourquoi
et les raisonnement des hommes paraissent  bien des arcannes inutiles...

car l'on a expérimenté et accepté un instant le Tout Autre...et le grand Tout !

Parole d'ermite !

Écoutons ce qu'en dit un grand ermite de la fin du 20ème siècle Henri Le Saux ou Abhishiktananda:

" il n'y a pas de place en moi mon Dieu et pour moi à la fois.
S'il y a Dieu je ne suis pas...
s'il y a Dieu comment Dieu pourrait-il être?
Dilemme de l'homme qu'il faut que lui ou bien Dieu disparaisse
Il n'y a que Toi au fond de moi, Toi au fond de tout.
Toi qui me regardes, qui m'appelles, 
qui me donne l'être en me disant Toi, 
en me faisant partenaire de Toi, 
autre à Toi, et cependant de Toi inséparé, akhanda, advaïta.
Je suis dans ce Toi seulement que Tu me dis. 
Je suis celui que Tu appelles à travers tous les moments du temps, 
tous les mouvements des choses, toute l'expansion de l'être. 
Je suis celui qui en tout reçoit ton appel. 
Je suis celui à qui, en qui Tu achèves ton oeuvre de manifestation 
et qui la retourne à Toi.
Je suis celui à qui Tu te dis, celui en qui Tu te dis.

Je suis l'écho de Toi, le retour à Toi de tout cela. je ne suis que ce retour.
Ce OM en lequel tu te dis à moi, à travers tout,Tu me dis à Toi,
Tu me dis à moi- c'est le OM même qui jaillit de moi, en lequel je Te
dis.
Car qui suis-je, si je suis, sinon Toi.
Car il n'y a que Toi qui es.
Si je suis je ne puis être que Toi. 
Non pas ce Toi à Toi que je dirais en parlant de moi,
 mais je suis le Toi que Tu te dis à moi. 
Tant que Tu ne m'as pas dit toi, je ne suis pas, 
Tu n'es pas.
Car si je ne suis pas, Tu n'es pas pour moi; 
et tant que Tu n'es pas pour moi comment Te connaîtrais-je ?

Pour m'appeler, pour me regarder, 
pour faire naître et jaillir vers Toi mon regard, 
Tu prends toutes les formes, sarvarupa. 
Toi qui es le Sans-Forme, a-rupa, alinga. 
Tout cela est quant Tu m'appelles. 
Tout cela es dans Ton appel seulement. 
C'est du sein de tout que Tu me cries Toi. 
De la montagne, du fleuve, de la forêt,
des arbres piqués sur la falaise à pic,
 de chaque homme que je croise, 
de chaque événement
sur la route du pélerinage, tout croisement est une grâce,
 il fait jaillir le OM des deux coeurs: l'appel et la réponse
 qui ne se distinguent plus.
Au delà du moi et du toi qui se distinguent, le OM du purnam ( plénitude)

Moi, je te réponds, au sein de Toi. 
Quel est donc le sein de moi, sinon le sein de Toi ?
OM ! tout est là
Tout ce qui est, fut, sera.
Tout ce qui est Je, Tu, Il est tout ce qui est au delà des 3 temps et des trois personnes.
C'est le mystère le plus profond des trois. 
Non à part d'eux, mais au plus profond d'eux. Chacun au sein de l'autre. 
Jamais un pur Toi. 
Le Toi qui délivre le Moi.
 Purnam "

 

suite