Lundi 7 Août

Le langage et un reflet
où l'on essaye de copier le visible avec un miroir de pierres blanches
et l'invisible avec un miroir de pierres noires
pour dire arbre je rassemble tout cela
et je copie

Copier c'est dire

Dire c'est refléter

Un oiseau dans mon miroir est un oiseau
en le copiant je dis l' oiseau

( inspiré de Angel Asturias)

 

Les préparatifs se poursuivent et le tukusipan est prêt
demain  il faudra que tous les hommes se lèvent tôt pour aller couper les lianes nécessaires à la grande pêche : La Nivrée
et puis tous l'après midi reviendront pêcher...

Alors que Nat était comme d'habitude à la rivière avec ses copains  et Jess auprès de ces dames j'ai été bavarder avec le grand chef...

Je voulais le remercier encore de sa délicate compréhension pour l'autre jour...
Ils m' a dit que nous étions très proches et que c'est pour cela qu'il voulait que nous allions ensemble voir un vieux chamane  "successeur de Kalaïwa"  figure mythique véritable fondateur de la nation wayanaise... et que nous nous pourrions comprendre alors...

Je voulais aussi le prévenir que nous n'assisterions pas à la fête qui suivrait la "Nivrée"
ces déferlements de passion humaines nous sont par trop étranger à nous ermites...
nous aimons les fêtes... mais en petit groupe d'amis... en connaissances...

Il m'a confessé que lui non plus... d'ailleurs les jeunes se chargeront tout seul de la faire terminer avant l'heure...
"avant" ce n'était pas pareil... la fête se faisait entre gens d'un même village... 20-30 personnes au plus... tous se connaissant !
désormais on "débarque de toute la contrée... l'appât du gain ...et de la jouissance...

En me quittant il a dit que "les enfants" étaient comme ses fils..et qu'il me considérait désormais comme son frère...frère françois ...
akon eimit... frère aux enchantements...

...

Il m'a remercié aussi pour ses deux jeunes fils : je lui ai redit que Guy était prêt à les accueillir chez lui à Cayenne pour qu'ils puissent suivre des études l'un au lycée , l'autre à la fac...
des études suivies et dignes de ce nom... et hors de l'ambiance délétère de St Laurent ou de Maripasoula ou tant de jeunes jetés là  " placés chez l'habitant" comme on dit sont exploités ou déviés et se perdent dans l'alcool , la drogue, la prostitution, la délinquance... ou tout simplement ratent leurs études...
Je les pense solide et je suis sûr que Guy saura les aider sans contrainte excessive en toute amitié complété d'une longue habitude de ce pays...

André qui était là approuva...
il savait lui aussi que la voie entre la perte de l'identité et la nécessaire modernité est étroite...
il aurait aimé faire une sorte de lycée... un lycée amérindien... et plus tard une université ou au moins un institut soit créé... où la culture indienne serait étudiée en même temps que les techniques occidentales...
à égalité !

En tous cas déjà ce qu'il a promu avec des enfants qui apprennent à lire et écrire le Wayana avant toute chose est déjà merveilleux.
 Des médiateurs culturels permettent aux indiens de préserver leur identité culturelle qui s'effrite hélas et tout ça sur la base du volontariat et de la liberté...sans nulle contrainte..
en autogestion
l'équipement est là avec ordinateurs... audiovisuel, télé , magnétos...et équipements... mais pas encore de connexion internet... j'espère que ce sera pour bientôt ne serait-ce que pour garder un contact futur...

 

 

 

L'après midi il nous a présenté à quelques "vieux" gardiens des traditions... les nom m'ont échappé
celui-ci spécialiste de la construction des Maluana ( sommet de tukusipan )
tel autre gardien du chant kalau dont la mélopée évoque le grégorien et les psaumes...et qui comme eux sont gardiens de la mémoire collective et du vocabulaire
tel autre spécialiste de la flutte et de son chant nostalgique
tel autre qui construit déjà les oloks du prochain maraké
tel autre spécialiste de la construction des flèches

 

Tous gardiens de cette culture si proche de la nature
en symbiose avec elle
la flutte rappelle le chant du Toucan,
le cri de l'aigle ou le pépiement des oisillons au nid
les ancêtres fondateurs vivaient en intimité avec le cosmos
 se métamorphosaient avec lui
 le plus célèbre vivant  même avec une femelle de singe rouge...

Complicité profonde et respect réciproque d'un monde en équilibre
 instable
reposant sur une connaissance intime de la forêt et le respect de ceux qui l'habitent..
.même les fourmis ou les guêpes qui par leur piqûres permettaient à l'homme de passer de l'enfance à l'âge adulte
 maraké...

*

Le jour se lève déjà
dansons en arrière
je chante le topucan
le coq chante déjà
le jour se lève
la souris danse
la maraille secoue les ailles
le hocco secoue les ailes
le canard lisse ses plumes avec son bec
des plumes tombent sur l'eau
le flamant wakalaïme
balance son cou d'avant en arrière
le petit oiseau kuliamek
chante sa jolie mélodie
C'est lui qui de tous chante le mieux
Dansons en arrière pour le lever du jour
il n'y a plus beaucoup de gens
la plus part sont allé dormir

*

Dansons en avant le kalau est presque fini
l'oiseau oglae danse dans la nuit
les jeunes qui viennent de passer le maraké
prennent l'arc et vont chasser en forêt
le maraké donne la force aux ados ipotka
les jeunes filles qui ont pris le maraké ne seront pas paresseuses
Vous ne tirerez pas quel animal
quand vous aurez reçu le maraké

(chants kalau)

 

*

Que voulez-vous faire  maintenant ?

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