S' il y a créature, il y a Dieu.
S'il y a ego, il y a Dieu.
C'est curieusement lorsque l'on part en recherche de l'ego, de son
ego...de son moi...de ce que l'on est... que l'on trouve
Dieu...que l'on trouve le Soi... comme le montre bien la trajectoire du Père Le
Saux
et à condition bien sûr que l'on adopte pour
Dieu la définition du Soi comme semble le prouver le texte de réflexion sur un livre de Goldschmidt
pendant à celui-ci...
ou tout simplement si Dieu signifie le Mystère...devant lequel
nécessairement cette démarche aboutira...
(ou enfin si l'on désire donner du sens aux démarches
et interrogations scientifiques qui émaillent notre époque...)
Mais bien sûr ce raisonnement comme tout raisonnement ou comme toute
prise de conscience n' est rien d'autre qu' une construction cérébrale établie à
partir de sensations, de sentiments reçus,
ponctuées parfois aussi d'expériences numineuses vécues
( quel sens
leur attribuer ?)
le tout mêlé au besoin que notre cerveau a de donner du sens aux choses qu'il enregistre
,
besoin de "conceptualiser " de "réifier"afin de classer aussi...
Un peu comme votre ordinateur adopte un système fait de fichiers et de dossiers
pour se retrouver dans ses calculs...
cette façon de faire est aussi une manière qu'à notre petite encéphale de classer
ses idées...pour les mémoriser peut-être ?...les analyser pourquoi pas ? .. les
rendre "compréhensible à lui même" ?.... pour pouvoir
"traiter" les informations fournies par les organes sensoriels
?...
en
tout cas pour pouvoir les exprimer par l'écrit et l'oral et ainsi pouvoir les
transmettre à d'autres...
Le monde des arts de son côté pourrait montrer à sa manière d'autres
"façon de faire", de mémoriser, classer ou de transmettre... conceptualisations souvent moins rigides
que celles liées au langage et aux mots et aux idées...
d'autres analyses adaptées à d'autres formes d'expression....
d'autres façon de classer, ou de "comprendre"...qui font entrer en
leurs plis le monde des sentiments ,des sensations ou des impressions...
un
tableau, une mélodie, voire une senteur en disent souvent plus long sur le Réel,
le "ressenti "ou l'Absolu qu'un long discours...
Mais pourtant si on se pose la question de ce qui se trouve derrière l'image, la construction
mentale, voire les mots que va -t-on trouver ?
derrière la sensation que se trouve-t-il ?...
Quelque chose ? Quelqu'un ? Rien ?
et de quelle nature ?
Même si notre cerveau "colore" l'explication en pressentant "Quelqu'un" de nombreux psychologues voient dans cette interprétation un reflet
de l'Oedipe...un souvenir du Père...un besoin de se sécuriser...
bref un "bouchon" ou un "cautère" permettant d'obturer, la
béance et l'angoisse du Mystère
Si l'on veut vraiment investiguer sur ce point de manière scientifique ou
logique ...il convient de faire appel au Bouddhisme...
pourquoi lui me direz vous ?
Parce que c'est la seule démarche spirituelle au long cours qui a su accepter de se passer du nom
de Dieu , du cautère, de l'obturation de l'inconnu par ce bouchon, ce masque verbal constitué des 4
lettres D- I- E- U
qui accepte de dire et d'envisager honnêtement avec l' état des
connaissances de la science actuelle ..
qu'il n'y ai rien....
ou plutôt rien de ces images mentales... de ces conceptualisations illusoires
rien qu' un Réel
vide de toute conceptualisation accessibles à notre compréhension humaine....
un Mystère...
...et
surtout pas de D-i-e-u !...
en tout cas rien de ce que l'on place habituellement derrière ce vocable
et je suis pas loin de penser qu'il ai raison..
.
cela vous étonne ?...
pourtant cela n'enlève rien de ma foi...cela l'épure bien au
contraire !..
car chante toujours au fond de moi
" ce je ne sais quoi...ce petit rien que je ne saurai dire"
et que je ne peux expliquer
Peut-être Sylvie Germain ( Echos de silence DDB) et cité par Marc-Alain Ouaknin ( dans Dieu et l'art de la pêche à la ligne Bayard) saura le faire mieux que moi quand elle énonce elle aussi:
"Je pense à Élie le Prophète...(...) dans cet épisode fameux
" Sors et tiens toi sur la montagne devant l'Éternel....
Et voici l'Éternel passait...
et un vent grand, impétueux, détachant des
montagnes , brisant des rochers était devant l'Éternel
mais l'Éternel n'était point dans le vent
et
un tremblement de terre se produisait...
L'Eternel n'était pas dans le tremblement....
Après le tremblement il y eu du feu
L'Eternel n'était pas non plus dans le feu
mais après le feu il y eut une voix de fin silence...(...)
" une révélation qui évacue, annule, renie la gloire et la puissance...
qui renonce au grandiose.
Une révélation de rien...d'une infinie discrétion...
Éclatent coup sur coup: un grand ouragan, un séisme, un feu violent
A chaque fois il est précisé que Dieu ne s'y trouve pas...
Le spectaculaire n'est mentionné que pour mieux être rejeté,
dénoncé comme illusion, voire imposture.
Trois formidables coups pour rien
ou plutôt, s'il s'agissait des trois coups annonçant le lever du rideau
appelant le spectateur à l'attention, à la concentration, à la plus vigilante
écoute ?
Car c'est effectivement alors, alors seulement que quelque chose advient..
....un
inouï je ne sais quoi ( ...)
" Une voix de fin silence"
" Il faut avoir aiguisé son ouïe à l'extrême,
s'être entraîné à
l'absolu de l'attention pour devenir apte à percevoir un souffle si ténu...
Il faut s'être sondé
s'être soi même exploré jusqu'au plus obscur de sa conscience
au plus lointain de ses pensées
avoir maintes fois accompli le tour de son domaine intérieur par cercles
toujours croissants et cependant plus resserrés
enfin avoir atteint l'intime désert de l'oubli de soi
pour pouvoir être effleuré, touché visité par un inaudible soupir...
Aux confins de la Pensée d'Élie, exténué par la marche et le jeûne
épuré par ses 40 jours et nuits au désert
passe un soupir
un brin de silence
qui vibre à peine
et qui déjà s'en va
Dieu !
Ainsi s'il y a cependant un Dieu...une logique ou un être au Réel...il est
loin au delà de nos conceptions et de nos catégories mentales...( la
conception de Dieu de l'Islam s'en approcherait peut-être dans certaines
interprétations)
Le Bouddha
historique lui même n'aimait point trop en parler...
à quoi sert de spéculer disait-il ?...seul importe l'Expérience et le Message ...le
reste nous ne pouvons le porter...ce sont les fins ultimes...
Le Nazaréen ne disait-il pas lui aussi la même chose ?
Dans ces conditions si l'on admet que Dieu est dépendant de la
créature qui le pense... quand la créature n'est
point là pour le concevoir où est Dieu ?
Ce dernier n' est-il point une façon dont l'esprit humain aime à donner
du sens à ce qu'il n'arrive pas à saisir ?
une façon de nommer un créé qui le dépasse ?
un paravent
anthropomorphique pour masquer la béance d'un Mystère qui le transcende ? ( voir
à ce sujet le chapitre sur la Science... et bien sûr la magnifique méditation de
Goldschmidt encore...)
Convient-il d'ailleurs de raisonner en dissociant observateur et
observé ?...
si pas d'observateur l'observé existe-t-il encore ?
peut-être...
Certes pour d'autres observateurs mais pas sous la même forme...
plus jamais sous la même forme si l'individu est unique
de plus la simple observation ou présence de l' observateur suffit à modifier l' état réel
de l'observé...
c'est du moins une des leçons du
quantisme qui nous démontre que observateur et observé sont bien liés en une même
monade, une même unité...
et cela ne peut-être que réciproque...
Dans ces conditions le véritable Dieu ou le Réel ( à quoi bon vouloir
unifier sans cesse) n'est-il pas au-delà du Dieu de la création. et de la
conception que l'on s'en fait ?
C'était déjà la conception de Maître Eckhart
Le Dieu en tant que Dieu de la créature apparaît et disparaît en même temps que la
créature, comme en une prolongation de son ego.
C'est pour cela peut-être qu'il ressemble beaucoup
à l'humain dans l'iconographie.
Dieu, le monde et sa création sont une seule chose: une seule et même
pensée...une
seule et même expérience d'observation....
Une seule et même illusion ?
Peut être...
Est-ce simplement cela que voudrait dire l'allégorie évangélique du Dieu fait homme..?
Seul le Silence...
.Dans l'inconnu du Réel, du Mystère il n'y a ni Dieu ni créature.... dit le
bouddhiste...seul le silence...
Un silence qui n'est pas lié à la création et donc pas celui que nous
connaissons...
aussi aucun concept ne peut s'y appliquer...
( notre vocabulaire occidental tout imprégné de positivité n'a pas de termes
à sa disposition)
Cela explique sans doute pourquoi en Orient on favorise toujours l'absence....
ce qui est en sans substance, relatif, dépourvu de consistance
ontologique
c'est à dire ce qui ne possède même pas pour essence cette absence de consistance...
(l'essence étant l'esse, la nature "réelle" "véritable" d'un être
indépendamment de son
existence "matérielle" et concrète...)
Et dépourvus d'essence les êtres ne sont ils pas inexistants dans
l'Absolu?
car exister c'est toujours être ceci ou cela, être une chose ou une autre
être ...c'est être quelque chose ...et toute chose a de l'être... toute chose existe par présence sensible
une présence qui n'est rien d'autre que son essence
"matérialisée"
acte concret de sa
présence au monde...
Ainsi l'existence se manifeste-t-elle grâce à l'essence
et si l'essence vient à manquer l'existence disparaît
il n'y a pas d'être abstrait
l'être est toujours l'être de quelque chose...
Alors nier l'essence ne veut pas dire que les choses n'existent pas,
mais qu'elles sont vide de nature propre,
ce sont des apparences dénuées de toute
consistance réelle
et seul demeure ce qui ne demeure pas...
Curieux pressentiment de ce que la science découvrira plus de 20 siècles après ces
formulations d'un penseur bouddhiste nommé Nagarjuna en scrutant la matière
où chaque chose se montre
formé de quelques particules navigant dans un vide omniprésent que ce soit
dans l'infiniment petit...ou dans l'espace le plus grand...
Particules d'ailleurs impalpables puisque convertibles elles aussi en énergie
ou en lumière...
Forces, potentiels, puissances, énergies... plutôt que matérialité ( sensu
stricto)...
ou plutôt autre façon de concevoir la matière...
autre façon que notre cerveau a de l'appréhender.. .ou de classer...de
conceptualiser...
Mais le Bouddhiste poursuit ainsi son raisonnement :
Tout ce qui existe est le résultat d'une action qui lui donne naissance...c'est
la loi de la dépendance de toute chose
mais à ce qui n'est que relatif, dépendant, causé
et n'est-ce point le cas de tout ce qui existe ?...
peut-il être encore
permis de
conférer une essence ?
une existence propre ?
Seul est important l'interaction de toute chose...et c'est elle
qui Est...
du moins en une première approche...
et toute chose n'EST et ne doit son existence qu'à cette interaction .
à cause de cette Dépendance
Évidement qui naît d'une cause n'est pas réellement existant...
ce n'est pas naître
vraiment...
Aussi peut-on dire que rien n'existe vraiment , rien n'a
d'essence car tout relève d'une
dépendance
et de ce simple fait il ne peut y avoir d'attribution d'essence à nulle
chose...
à nul être...
Dès lors même un dieu peut-il être "existant"...?
et l'existence d'un Réel a -t-il encore un sens ?
Tout cela illustre bien la célèbre formule d'Eckhart: toutes les créatures sont un
pur néant,
je ne dis pas qu'elle sont peu de chose, c'est à dire quelque
chose,
non je dis qu'elles sont un pur néant !
Ce qui n'a pas d'être est néant
et aucune créature n'a d'être en vérité !
Ainsi au sein d' un vide de nature propre, l'inconsistance de toute
chose et de tout être,
inconsistance sans production ni disparition est attributive
de rien !
Voilà un fameux moyen de déblayer la voie à l'expérience mystique !
Par ailleurs on peut considérer en suivant le raisonnement des
bouddhistes que l'Absolu tel que nous
l'établissons n'est pas le vide
mais il est vide en tout cas de dualité ( c'est a dire du dilemme est/n'est pas)
C'est à dire que l'Absolu est inexistant des constructions mentales que nous surimposons à la réalité
et seul celui qui se libère de ces dichotomies et de ces limites conceptuelles peut
espérer percevoir les choses telles qu'elles sont véritablement...
...par le
dedans...
et cela est le travail de la méditation...
car c'est toujours notre "cervelle" qui crée ces catégories pour s'y
retrouver...
et il convient d'orienter son fonctionnement dans d'autres directions ou façon
de percevoir et de comprendre...
ce qu'elle sait faire...
Mais si les phénomènes sont vides de substance propre car eux aussi
causés,
ils sont par
conséquent
vides de toute essence eux aussi
et leur essence n'est pas de ne pas posséder de soi...
on ne substantialise pas le
vide.
La vacuité n'est pas une base à partir de laquelle on peut faire subsister
une nature
et l'absence de nature propre est absence absolue de toute nature
ainsi le vide
ne peut posséder une nature
le vide n'est rien, ne possède rien, ne se spécifie par rien
ne se réduit ni à l'absence ni à la présence,
ni à l'être ni au non-être
autant de concepts dualistes et modes limités de compréhension de l'ontologie substantialiste,
cette ontologie qui réifie, qui chosifie à loisir ce qui nous entoure et nous même.
Et c'est ainsi que l'on peut estimer que pousse et semence n'ont pas de naissance réelles,
elles ne sont que transformations d'états antérieurs
Elles ne connaissent pas de disparition non plus: car leur disparition concorde avec l'apparition
d'autres semences
pas d'éternité...: elles sont en perpétuel devenir
pas de devenir réel ... elles tournent dans le même cycle
pas d'unité...: elles qui ne cessent de se subdiviser en graines et en pousses nouvelles
pas de pluralité non plus... puisque la même espèce originelle les englobe...
dont elles sont issues
Remarque: On pourrait à loisir faire le même raisonnement en considérant les
gamètes: spermatozoïdes et ovocytes ,les cycles de reproduction d'un animal ou
un végétal et les lignées germinales...souches de cellules différenciées
très tôt dès la 1ere division de l'oeuf et à l'origine des gamètes...
ce qui fait que l'on peut se
demander où est donc l'individu ?
Tout le cycle de vie et de reproduction tourne en
continu avec de temps à autre l'émergence d'une structure plus importante, un
soma, un corps à durée de vie limitée... capable de fabriquer des gamètes et
d'en modifier ou mélager les gènes permettant la variabilité et
l'évolution de se faire...
mais à la capacité de réfléchir et de
penser sur lui même aussi...du moins dans l'espèce humaine...
mais l'individu où
est-il ?
tour à tour gamète oeuf, embryon ou soma...et immortel donc...( un
morceau de soma pensant) se détachant de temps à autre comme on perd des
cheveux ou d'autres cellules...moins conscientes il est vrai...
N'existe donc et ne subsiste dans l'être que la relation de dépendance
( un phénomène qui n'a pas par ailleurs de substance propre et qui donc
est vide lui aussi dans l'absolu ou la réalité ultime)
permanente suite de productions, corruptions, disparitions,
cycle sans origine ni fin de mouvements et de cessations
ni vie, ni mort, ni essence, ni existence
tout est depuis toujours et jusqu'à jamais une suite éternelle de
transformations
mais dans l'Absolu tout cela n'est que vide au sein de la vacuité
Car comme tout cela est vide il n'y a "dans l'Absolu" ni productions, ni destructions ...et les choses perdent toute consistance à quoi on eût pu encore se raccrocher...
en fait d'être il n'y a que le vide
en fait d'essence que l'absence
ceux ci n'existant bien évidement pas..."réellement"
Le Mystique ne dit rien d'autre...
quand il affirme que la libération ou la " réalisation" ne peut s'établir que sur les ruines de la réalité
mondaine,
sur l'effondrement des certitudes illusoires et limitées
apparaît dès lors l'immense champ de l'Éveil
domaine invisible, vide de substance propre et non différencié de la vacuité
: sunyata
ni abolition
ni création
ni anéantissement
ni éternité
ni unité
ni multiplicité
ni arrivée
ni départ
mais cette doctrine de la vacuité chère à Nagarjuna n'est point à confondre avec l'inexistence ou le
non-être...
elle est évacuation de ces deux catégories
Pour elle rien n'existe véritablement puisque tout est vide de nature
propre
rien n'a donc besoin d'être annihilé
et puisque toute dualité est une construction de l'esprit
cela veut dire aussi que en réalité la délivrance réside au coeur même de la servitude
dans l'absolue vérité la servitude se mêle à la délivrance
et la délivrance n'est point différente de la servitude
c'est notre cerveau qui crée ces catégories illusoires...
L'absence de toute nature propre dans l'Absolu supprime la nécessité de cessation
aussi perçue
comme annihilation
et la "connaissance" dit clairement que le vide est l'absence de vue propre
car il n'est pas possible d'avoir une vue
propre et spécifiée sur ce qui possède en propre aucune nature
du vide on ne peut le qualifier de vide
ni de non vide
ou des deux ou d'aucun
mais pour le désigner et donc communiquer
on est bien besoin de l'appeler
et on l'appellera vide !