Partant d'une constatation simple que tous
les êtres organisés, même les plus inférieurs s'orientent et se déplacent dans la
direction qui leur apporte le plus de bien être, Teilhard a écrit des pages magnifiques
sur ce thème, pages que l'on pourra retrouver dans un petit ouvrage paru en livre de
poche ( collection Points Sagesse "
Sur le Bonheur et sur l'Amour" édition du Seuil)
Je me contenterai donc de donner ici
quelques réflexions qui nous concernent tous, Teilhard refusant le scepticisme de ceux
qui ne croient pas pouvoir obtenir le bonheur en ce monde, ainsi que de l'opinion de
ceux qui estiment que la solution est tout a fait personnelle...du style " a chacun
ses goûts à chacun sa chance"..." Vous aimez le vin et la bonne chère...moi
je préfère les automobiles, la poésie ou la bienfaisance..."
Il existe bien en fait un Axe de Bonheur
Véritable qui s'inscrit dans l'évolution de notre monde...
Prenons une comparaison :
"Supposons des excursionnistes partis
pour l'escalade d'un sommet difficile; et considérons leur groupe quelques heures après
le départ...A ce moment on peut imaginer que l'équipe se divise en trois sortes
d'éléments
les uns regrettent d'avoir quitté l'auberge...la fatigue, les dangers leurs paraissent
disproportionnés avec l'intérêt du succès...ils décident de revenir en arrière....
Les autres ne sont pas fâchés d'être partis. Le soleil brille, la vue est belle...mais pourquoi monter plus haut ? Ne vaut-il pas mieux jouir de la montagne là où on se trouve...en pleine prairie ou en plein bois ?...et ils s'étendent sur l'herbe ou explorent les environs en attendant l'heure du pique-nique...
D'autres enfin, les vrais alpinistes, ne détachent pas leurs yeux des cimes qu'ils se sont jurés d'atteindre...et repartent en avant..."
finalement 3 catégories d'hommes...et 3 catégories de bonheur...
Les premiers s'apparentent au pessimisme
"schopenhauerien"...l'univers est une illusion...ou une chaine de problèmes à
résoudre...d'ennuis à surmonter...
Ceux ci proposent un bonheur de
tranquilité...pas d'ennuis ...pas de risques...restreignons nos
besoins et baissons nos lumières...rentrons dans notre coquille...
Les seconds sont des bons vivants...des
jouisseurs...
pour les disciples de cette école vivre n'est pas agir mais se remplir de l'instant
présent...jouir de chaque moment...de chaque chose...jalousement sans rien en laisser
perdre...
bonheur de de plaisir immobile...le but de la vie n'étant pas d'agir et de créer mais de
profiter...
Pour les troisièmes enfin , le seul bonheur
intéressant est de devenir "PLUS"...bonheur de croissance..
Quoique l'on puisse en penser ce sont ces derniers hommes qui nous ont
"faits"... et c'est d'eux que s'apprête à sortir la Terre de demain...mais ce
modèle comporte bien sûr des dérives...devenir "PLUS "pouquoi ? ...dans quel
sens progresser ?...à quel prix payer cet effort ?
et Teilhard de formuler 3 règles simples de bonheur:
"1 ) Pour être heureux...il faut
réagir contre la tendance au moindre effort qui nous porte ou à rester sur place ou à
chercher de préférence dans l'agitation extérieure le renouvellement de nos vies...
La chose la plus importante disait Nansen est de se trouver soi-même...
C'est dans le travail de notre perfection intérieure, intellectuelle, artistique et
morale que le bonheur nous attend...
c'est la CENTRATION
2) Pour être heureux ...il faut réagir
contre l'égoïsme qui nous pousse, ou bien à nous fermer en nous -mêmes, ou bien à
réduire les autres sous notre domination...il faut aimer ( peut-on apprendre ?)
Il y a une façon d'aimer, mauvaise et stérile, par laquelle nous cherchons à posséder
au lieu de nous donner...
Le seul amour vraiment béatifiant est celui qui s'exprime par un progrès spirituel
réalisé en commun...
C'est la DECENTRATION.
3) Pour être heureux...tout à fait
heureux...il nous faut d'une manière ou d'une autre directement ou à la faveur
d'intermédiaires graduellement élargis ( recherche, entreprise, idée , cause...)
transporter l'intérêt final de nos existences dans la marche et le succès du Monde
autour de nous...ajouter un seul point aussi petit soit-il à la magnifique broderie de la
Vie...discerner l'immense qui se fait et qui nous attire au coeur et au terme de nos
activités infirmes...le discerner et y adhérer...
c'est la SURCENTRATION"
en fin de compte...nous incorporer et nous subordonner à une Totalité organisée dont nous ne sommes cosmiquement que les parcelles conscientes...Un centre d'ordre supérieur nous attend...déjà il apparait...non plus seulement à côté mais au delà et au-dessus de nous mêmes...
Finalement le bonheur consiste non plus seulement, bien que nécessairement à se développer soi-même...ni même seulement se donner à un autre égal à soi....mais bien plus à soumettre et ramener sa vie à un plus grand que soi...
Autrement dit: ÊTRE d'abord...AIMER ensuite...et finalement ADORER...
C'est finalement très important tant pour atteindre le bonheur dès içi bas que pour donner sens à notre vie et surtout... pour en aperçevoir le sens...
" Toutes les apparences du Monde
demeurant les mêmes ( déterminismes matériels, vicissitudes du hasard, loi du Travail,
agitation des hommes, et le pas de la mort) ...celui qui ose croire aborde une sphère de
créé où les choses, gardant leur texture habituelle, semblent faites d'une autre
Substance...
Tout reste inchangé dans les phénomènes...et tout devient cepandant lumineux...
animé... aimant...
Par l'opération de la Foi, c'est le Christ qui apparait... naissant... sans rien violer
au coeur du Monde" ( La Foi qui opère 1918)
OUI mon Dieu je le crois...
et je le croirai d'autant plus volontiers qu'il y va pas seulement de mon apaisement...
mais de mon achèvement...
c'est VOUS qui êtes à l'origine de l'élan, et au terme de
l'attraction dont je ne fais pas autre chose, ma vie durant, que de suivre ou favoriser
l'impulsion première et les développements...
c'est VOUS aussi qui vivifiez pour moi, de Votre omniprésence
( mieux encore que mon esprit ne le fait pour la Matière qu'il anime) les myriades
d'influences dont je suis à chaque instant l'objet...
Dans la Vie qui sourd en moi, et dans cette Matière qui me supporte, je trouve mieux
encore que Vos dons....
c'est VOUS même que je rencontre...
VOUS qui me faites participer à Votre Être...et qui me pétrissez...
Vraiment,
dans la régulation et la modulation initiale de ma force vitale...
dans le jeu favorablement continu des causes secondes...
je touche d'aussi près que possible les deux faces de Votre Action Créatrice... .
je rencontre et je baise vos deux merveilleuses mains: celle qui saisit si profondément
qu'elle se confond en nous avec les sources de la Vie...et celle qui embrasse si largement
que, sous la moindre de ses pressions, tous les ressorts de l'Univers se plient
harmonieusement à la fois.
Par leur nature même , ces bienheureuses
passivités que sont pour moi la volonté d'être...le goût d'être tel ou tel...et
l'opportunité de me réaliser à mon goût, sont chargés de Votre influence...une
influence qui m'apparaîtra plus distinctement, bientôt, comme l'Energie organisatrice du Corps Mystique...
Pour communier avec Vous en elles, d'une communion fontale ... la Communion aux sources de
la Vie... je n'ai qu'à Vous reconnaître en elles...et à Vous demander d'être de Plus en Plus..."
AMEN !
( le milieu Divin)
"VOUS êtes Jésus,
le résumé et le faîte de toute perfection humaine et cosmique...
Pas un trait de beauté...pas un charme de bonté...pas un élément de force, qui ne
trouve en VOUS son expression épurée et son couronnement...
Quand je Vous possède...je tiens vraiment ramassée en un seul
objet la réunion idéale de tout ce que l'Univers peut donner et faire rêver...
La saveur unique de Votre Être admirable a si bien extrait et synthétisé les goûts les
plus exquis que la Terre contienne et suggère, que nous pouvons maintenant, suivant nos
désirs, les trouver l'un après l'autre, indéfiniment en VOUS,
ô Pain qui renfermez toute délectation !
Plénitude Vous-même de l'être créé -
plenitudo entis creati- Vous êtes aussi Jésus, la Plénitude de mon être personnel
- plenitudo entis mei- et celle de tous les vivants qui acceptent Votre
domination.
En VOUS et en VOUS SEUL, comme dans un abîme sans bornes, nos puissances
peuvent se lancer et se détendre...donner leur pleine mesure, sans se heurter à aucune
limite...plonger dans l'Amour et dans l'Abandon avec certitude de ne trouver dans Vos
profondeurs l'éceuil d'aucun défaut... le fond d'aucune petitesse... le courant d'aucune
perversion...
Par VOUS et par VOUS SEUL, objet total et approprié de nos affections...Energie Créatrice qui sondez le secret de nos coeurs et le mystère de nos accroissemnents.. . notre âme est éveillée... sensibilisée... agrandie... jusqu'à la limite extrême de ses latences...
Sous VOTRE influence et VOTRE INFLUENCE SEULE enfin, l'enveloppe d'isolement organique et d'égoïsme volontaire qui sépare les monades, se fond, éclate, et la foule des âmes se précipite vers l'Union nécessaire à la maturité du Monde...
Ainsi, une troisième plénitude s'ajoutant
aux deux autres, VOUS êtes Jésus, en un sens très VRAI...
l'ensemble de tous les êtres, qui s'abritent en Vous se retrouvent à jamais unis
dans les liens mystiques de Votre organisme - Plenitudo entium-
En Votre sein, mon Dieu, mieux que dans aucune étreinte, je possède tous ceux que
j'aime... illuminés de Votre Beauté...et Vous illuminant à leur tour des rayons qu'ils
ont reçus de Vous et qu'ils Vous renvoient...
La multitude décourageante des êtres, sur qui je voudrais agir pour les éclairer
et les conduire, elle est là...groupée
en Vous, Seigneur !
Par Votre intermédiaire, je puis toucher à l'intime de chaque être...et faire passer en
lui ce que je désire...si je sais Vous prier...et si Vous le permettez .
( le prêtre 1918)
AMEN !
Teilhard un mystique ? celà peut paraitre paradoxal après tout ce que nous avons dit içi...et pourtant...concilier l'inconciliable...réunir Marthe et Marie dans un même acte unique d'adoration...celà n'est plus incompatible...grâce à lui :
" Le chrétien est à la fois le plus attaché et le plus détaché des humains"
dira-t-il dans un de ses textes...
Mais écoutons le un peu à travers ses textes...
" je me suis remis à songer à un
sujet qui pour moi a toujours été le problème de ma vie intérieure...la conciliation
du progrès et du détachement, de l'Amour passionné et légitime de la plus grande Terre
et de la recherche unique du Royaume des Cieux..
.comment être aussi chrétien que pas un...tout en étant homme plus que personne ?...
Plus j'avance dans la vie, plus je sens que
le vrai "repos" consiste à "se renoncer à soi-même"...c'est à dire
à admettre résolument... que cela n'a aucune importance d'être heureux ou
malheureux...Réussite et satisfaction ne méritent pas qu'on s'y arrête si on les a...ni
qu'on se trouble si elles échappent ou tardent...
Seule vaut l'action fidèle pour le Monde en Dieu...
( lettre de voyage 126)
La première chose que nous subissons...et que nous acceptons ( avant même la souffrance et la mort) est la Vie...encore faut-il en prendre conscience... or, seule la méditation le permet...
"J'ai pris la lampe et ...
quittant la zone claire en apparence de mes occupations et de mes relations journalières,
je suis descendu au plus intime de moi-même...dans l'abîme profond d'où je sens
confusément qu'émane mon pouvoir d'action.
Or... à mesure que je m'éloignais des évidences conventionnelles dont est
superficiellement illuminée la vie sociale, je me suis rendu compte que je m'échappais
à moi-même...
A chaque marche descendue, un autre personnage se découvrait en moi, dont je ne pouvais
plus dire le nom exact...et qui ne m'obéissait plus...
Et quand j'ai dû arrêter mon exploration, parce que le chemin manquait sous mes pas, il
y avait à mes pieds un abîme sans fond d'où sortait, venant je ne sais d'où, le flot
que j'ose bien appeler ma Vie "
(le milieu divin p. 75)
En fait tel un iceberg dont la partie
immergée est la plus importante nous subissons des forces que nous ne maitrisons
pas...que nous ne connaissons pas ...et qui déterminent pourtant notre
"action"...
La nécessité première est donc bien sûr de découvrir ces forces cachées, dans la
méditation mais aussi parfois l'action...
Les ayant mis à jour suffisament ( le pouvons nous ?) nous devons inscrire notre
vie dans le courant et la direction qu'elles indiquent...là est notre seule action
finalement... celle de nous orienter par rapport aux forces titanesques qui animent
l'univers...
... et nous rejoignons Thérèse...et le Père Louf...dont la seule théologie est
de s'abandonner au gré de "Sa
Grâce..."
La vie spirituelle ( détachement) devient
lieu de la Vraie réalisation temporelle...elle assume la Réalité d'un monde en voie
d'achèvement...
elle est aussi prise en charge consciente et dynamique des tranformations et des
seuils
qui constituent la vie humaine...
" J'admet fondamentalement que
l'achèvement du monde ne se consomme qu'à travers une mort, une "nuit", un
retournement, une excentration et quasi dépersonnalisation...
L'Union au Christ suppose essentiellement que nous reportions en Lui le centre ultime de
notre existence, ce qui signifie le sacrifice radical de l'égoisme...
Cependant, il faut absolument pour que le Christ prenne toute ma vie...Toute LA Vie... que
je croisse en Lui... non seulement par les restrictions ascétiques et les arrachements
suprêmement unifiants de la souffrance, mais encore par tout ce que mon existence
comporte d'effort positif, de perfectionnement naturel...
La formule du Renoncement pour être totale doit satisfaire à cette double
condition: nous faire dépasser tout ce qu'il y a dans le monde...et cependant nous
assujettir en même temps à pousser ( avec conviction et passion) le développement de ce
même monde"
( le milieu divin p.100)
Au bout de cette démarche se tient la
Croix...nous en avons déjà parlé...je replace ici 2 textes déjà cités...car de
toutes les façons au terme des efforts...spirituels...ou temporels...la Croix
est le passage obligé...pour entrer dans la Vérité...
La souffrance, l'épreuve physique ou morale sous leurs différentes formes inscrivent
dans nos existences ce terrible combat entre les forces d'accomplissement et celles de
diminution....cependant , jamais la Main de Dieu n'est lâchée...Il est bien le Rocher,
présent dans l'invisible ou au coeur des tumultes est des dislocations...
" La fleur que je tenais s'est fanée
dans mes mains, un mur s'est dressé devant moi au tournant de l'allée...une flamme a
consumé la feuille qui portait ma pensée...l'épreuve est venue...et je n'ai pas été
définitivement triste...pourquoi donc Seigneur ?
Parce que , dans cette faillite des supports immédiats que je risquais de donner à ma
vie, j'ai expérimenté, d'une manière unique, que je ne reposais plus que sur Votre Consistance "
( ecrits du temps de guerre p.167)
Cette consistance est de plus en plus
perçue au fur et à mesure que l'âge avance...et que faiblissent nos forces...ou
s'altère notre apparente liberté...
Ici le renoncement s'impose de l'extérieur...et le progrès s'identifie à l'acte d'union
à Dieu.
"Lorsque sur mon corps ( et bien plus
sur mon esprit) commencera à marquer l'usure de l'âge...
Quand fondra sur moi du dehors ou naîtra en moi du dedans le mal qui amoindrit ou qui
emporte..
A la minute douloureuse où je prendrai tout à coup conscience que je suis malade...ou
que je deviens vieux..
A ce moment dernier surtout... où je sentirai que je m'échappe à moi-même...absolument
passif aux mains des grandes forces inconnues qui m'ont formé...
A toutes ces heures sombres, donnez -moi mon Dieu de comprendre que c'est VOUS... qui écartez
douloureusement les fibres de mon être...
pour pénétrer jusqu'aux moëlles de ma substance... pour m'emporter en Vous "
AMEN.
(Le Milieu Divin p. 95)
Progrès et détachement sont UN au sommet de la Vie mystique...
" Le mystique ne prend que peu à peu
conscience de la faculté qu'il a reçue de percevoir la frange indéfinie et commune des
choses avec plus d'intensité que leur noyau individuel précis.
Longtemps, se croyant pareil aux autres hommes, il cherche à voir comme eux...à parler
leur langage...à se plaire aux joies qui le satisfont...
Longtemps, pour apaiser le mystérieux besoin d'une plénitude dont l'influence l'obsède,
il cherche à détourner sur quelque objet particulièrement stable, ou précieux, auquel,
parmi les jouissances accessoires, s'accrochent la substance et le trop plein de sa
délectation...
Longtemps il demande aux merveilles de l'Art l'exaltation qui donne accès à la zone, sa
zone à lui, de l'extra-personnel et du supra-sensible...et il essaie de faire palpiter
dans le Verbe inconnu de la Nature, la Réalité supérieure qui l'appelle par son nom...
Heureux celui qui n'aura pas réussi à étouffer sa vision !...
Heureux celui qui n'aura pas craint d'interroger passionnément sur son Dieu, et les
Muses, et Cybèle !...
Mais heureux surtout celui qui, surmontant le dilettantisme de l'art et le matérialisme
des couches inférieures de la Vie, aura entendu les êtres lui répondre, un à un, et
tous ensemble: << Ce que tu
as vu passer comme un monde, derrière le chant, derrière la teinte, derrière les yeux
n'est pas ici ni là...c'est une Présence répandue partout...Présence vague encore pour
ta vue débile... mais progressive et profonde, en qui aspirent à se fondre toute
diversité et toute impureté ...>> "
( le Milieu Mystique )
Quelle magnifique définition...elle nous invite naturellement à la prière...
Quand votre Présence Seigneur, m'a eu
inondé de Sa Lumière... j'ai voulu y trouver en elle la Réalité tangible par
excellence...
Maintenant que je Vous tiens, Consistance Suprême... et que je me sens porté par Vous,
je me rends compte que le fond secret de mes désirs n'était pas d'embrasser...mais
d'être possédé !
Ce n'est pas comme un rayon, ni comme une
subtile matière... c'est comme du Feu que je Vous désire...et que je Vous ai deviné,
dans l'intuition de la première rencontre.
Je n'aurai de repos, je le vois bien que si, de Vous, une influence active fond sur moi
pour me transformer...
Voici l'Univers ardent !
Que les profondeurs astrales, donc, se
dilatent en un réceptacle toujours plus prodigieux de soleils assemblés...
Que les radiations prolongent sans fin, de part et d'autre du spectre, la gamme de leurs
nuances et de leur pénétration...
Que la vie tire de plus loin encore la sève qui circule en ses branches innombrables...
Que notre perception grandisse, sans fin, des puissances secrètes qui dorment... et des
infiniments petits qui grouillent... et des immensités qui nous échappent parce que nous n'en
voyons qu'un point...
De toutes ces découvertes, dont chacune
l'enfonce un peu plus dans l'Océan d'énergie, le Mystique retire une Joie sans
mélange...
Il en est insatiable...
Car jamais il ne se sentira assez dominé par les Puissances de la Terre et des airs pour être
subjugué par Dieu au gré de ses désirs...
Dieu, Dieu seul agite de son Esprit la masse de l'univers en fermentation .
AMEN
( le milieu mystique 1917)
Telle sera la Voie...celle du bonheur bien
sûr et de la réalisation de chaque individu...
Mais elle n'aboutira jamais au" quiétisme "et ne saurait être prétexte à la
fénéantise et à l'indolence...
"Reploie tes ailes ô ,mon
âme...
que tu avais ouvertes toutes grandes pour atteindre aux sommets terrestres où la Lumière
est la plus ardente...et attends que le Feu descende...
s'il veut bien que tu sois à Lui ...
Pour attirer Sa puissance, détends d'abord
les affections qui te rattachent encore à des objets trop chéris pour eux-mêmes...
La Véritable union que tu dois poursuivre avec les créatures qui attirent, ne se
réalise pas en allant droit à elles..
mais en convergeant avec elles vers
Dieu... cherché à travers elles...
Ce n'est pas en se matérialisant
dans un contact charnel...c'est en se spiritualisant en Dieu, que les choses se
rapprochent, et qu'elles arrivent suivant leur pente invincible à ne faire plus qu'UN,
toutes ensemble...
Sois donc chaste, ô mon âme...
Et lorsque tu auras allégé ton être...
dénoue plus loin encore les fibres de ta substance...
Tu es semblable, dans l'amour exagéré que tu te portes...à une molécule fermée sur
elle même, et qui ne saurait entrer facilement dans aucune combinaison nouvelle...
Dieu attend de toi plus d'ouverture et plus de souplesse...
Pour passer en Lui, tu as besoin d'être plus libre et plus vibrante...
Renonce donc à ton égoïsme et à ta peur de souffrir. ...
Aime les autres comme toi même, c'est à dire introduis -les en toi, TOUS, même ceux que
tu ne voudrais pas, si tu étais païenne...
Accepte la douleur...
Prends ta Croix ô mon âme..."
( Le milieu mystique 1917)
"In manus tuas commendo spiritum meum..."
"Dans les Mains qui ont rompu et
vivifié le pain, qui ont béni et caressé les petits enfants, qui ont été percées...
dans ces Mains qui sont comme les nôtres...dont on ne saurait jamais dire ce qu'elles
vont faire de l'objet qu'elles tiennent, si elles vont briser ou soigner, mais dont les
caprices, nous en sommes sûrs sont pleins de bonté, et n'iront jamais qu'à nous serrer
plus jalousement...
dans les Mains douces et puissantes qui atteignent jusqu'à la moelle de l'âme, qui
forment et qui créent...
dans ces Mains par où passe un si grand amour...il fait bon abandonner son
âme....surtout si on souffre ou si on a peur...
Et il y a un grand bonheur... et un grand mérite à faire celà..."
( lettre 1917)
"Par tout ce qui subsiste et résonne
en moi, par tout ce qui me dilate au dedans...m'excite, m'attire ou me blesse du dehors
vous me travaillez Seigneur !
Vous modelez et spiritualisez mon argile informe...
Vous me changez en VOUS ...
Pour vous emparer de moi mon Dieu,
Vous qui êtes plus loin que tout et plus profond que tout, Vous empruntez et Vous alliez
l'immensité du monde et l'intimité de moi-même...
Je sens porter au plus secret de de mon être l'effort total de l'Univers...
A ces bénies passivités, je ne me laisse pas aller passivement Seigneur...mais je m'y
offre et je les favorise de tout mon pouvoir...
La Puissance vivifiante de l'Hostie, je le
sais, se heurte à notre libre arbitre...
Que je ferme l'entrée de mon coeur et je demeure dans les ténèbres...non seulement mon
âme individuelle... mais encore tout
l'Univers...
en tant que cet Univers agit pour soutenir mon organisme et réveiller ma connaissance..
en tant aussi que je réagis sur lui pour en extraire les sensations, les idées, la
moralité des actes, la sainteté de la vie...
Que je le veuille au contraire...
et aussitôt , par la voie de mon intention pure, le Divin remplit l'Univers, dans la
mesure où celui-ci est centré sur moi...
Parce que je suis devenu, grâce à mon consentement, parcelle Vivante du Corps du
Christ...tout ce qui influe sur moi sert finalement à développer le Christ...Le Christ
m'envahit, moi et mon Cosmos...
O Seigneur, je le désire
Que mon acceptation soit toujours plus entière...plus large...plus intense !
Que mon être se présente toujours plus ouvert...plus transparent, à votre influence !
Et qu'ainsi je sente Votre action toujours plus proche...Votre présence toujours plus
dense...partout autour de moi
FIAT ! FIAT !
( Le prêtre 1918)
S'élever encore de quelques degrés...ne
plus avoir simplement conscience de vivre comme un élément d'un grand tout ...de vivre
dans le sillage d'un plan immense de réalisation et de divinisation...de vivre pour la
Source de l'Etre...
mais aussi...
se faire soi- même antenne, porte, messager porteur des autres vers cette connaissance
suprême...
se faire Christ pleinement nous qui en sommes déjà en tant que chrétien ses
frères...pour vivre dans un avenir que nous ne pouvons imaginer de la vie même de
Dieu...notre père ...
" Pour favoriser Votre action, par
toutes choses en moi, je ferai plus encore mon Dieu que de m'ouvrir et de m'offrir aux
passivités de l'existence...
Je m'associerai avec fidelité à votre travail sur mon corps et sur mon âme...
Je m'efforcerai de suivre et de prévenir vos moindres impulsions...
Oh ! si je pouvais vous résister si peu, Maître, que vous n'arriviez , pour ainsi dire,
plus à me distinguer de Vous !...
Dans la mesure de mes forces, parce que je suis prêtre, je veux être désormais le
premier à prendre conscience de ce que le Monde aime, poursuit, souffre...
Le premier à chercher , à sympathiser, à peiner...
le premier à m'épanouir et à me sacrifier...
plus largement humain et plus noblement terrestre qu'aucun serviteur du monde "
(ecrits du temps de guerre P.325).
Dans cette recherche d'identification toujours plus grande avec le Divin et de sa Volonté , l'Eucharistie tient un rôle pivot...tout à la fois symbole...véritable nourriture...et union totale d'Amour...
"Elle est le premier des
sacrements...ou plus exactement le sacrement unique auquel se réfèrent tous les
autres...et ceci pour la bonne raison que par elle passe directement l'axe de
l'Incarnation...c'est à dire de la Création...
Lorsque le prêtre dit ces mots " Ceci est mon Corps" la parole tombe
directement...et directement le transforme en la Réalité individuelle du Christ...
Mais la grande opération ne s'arrête pas à cet événement local et momentané..
à travers tous les jours de chaque homme...et tous les âges de l'Eglise...et toutes les
périodes du monde..
il n'y a qu'une seule Messe et qu'une seule Communion...!
(le milieu divin p.151)
Ainsi pour Teilhard ce sacrement est
"signe" par excellence de la Présence de Dieu au Monde...et les conséquences
de la Communion dépassent largement les limites sensibles ou l'espace-temps dans lequel
nous vivons notre foi...
véritable agent d'action tranformante elle nous assimile...pour nous faire participer à
la Vie même de Dieu...
"morceau de pain...puissance dévorante
qui suivant l'expressin de vos plus grands docteurs m'assimile bien loin de se laisser
assimiler par moi...
Dans l'hostie c'est ma vie que vous m'offrez Jésus !"
( le milieu divin p.154)
La notion de Corps Mystique reprend alors
toute sa dimmension...
le Christ-Universel nous rassemble en une grande communion d'Amour et d'Action.
"Au fond depuis les origines de la
préparation messianique jusqu'à la Parousie...un seul évènement se développe dans le
monde: L'incarnation
...réalisée en chaque indivdu par l'Eucharistie...
Toutes les communions d'une vie forment une seule communion...
Toutes les communions de tous les hommes actellement vivants ne forment qu'une seule
communion...
Toutes les communions de tous les hommes présents, passés et futurs forment une seule
communion "
(le milieu divin p. 151)
ainsi en élargissant le sens de la présence eucharistique la communion nous conduit à la "vision autre"...à la contemplation du Christ en Vérité et devant Lui l'Univers qu'il appelle en même temps que chacun en particulier...enchantement du Vendredi Saint...ou de Siegfried ayant vaincu le dragon...
Présence de Dieu partout...y compris en nous même...
"Une brise passe dans la nuit...Quand
s'est-elle levée ?...D'où vient-elle ?...Où va-t-elle ?...
Nul ne le sait...
Personne ne peut forcer à se poser sur soi l'Esprit...le Regard...la Lumière de Dieu...
Un jour l'homme prend conscience qu'il est devenu sensible à une certaine perception du
Divin répandu partout...
Interrogez-le...
Quand cet état a-t-il commencé pour lui ?
Il ne pourrait le dire...Tout ce qu'il sait c'est qu'un Esprit nouveau a traversé sa
vie..."
(le milieu divin p. 159)
L'eucharistie transforme ainsi la vie du chrétien l'enfonçant toujours plus profondément dans l'étreinte enveloppante du Christ
" Celui qui mange ma chair et boit mon
sang demeure en moi et moi en lui
Et comme le Père qui est vivant m'a envoyé et que je vis par le Père... ainsi celui qui
me mange vivra par moi" ( Jn 6,56)
Véritable union par le centre...compréhension par le centre...par l'Amour..ce qui exclu tout sentiment de possession...
"Si mince que fut l'Hostie je me
perdais en elle, sans parvenir à la saisir ni à coïncider avec Elle...
Son centre fuyait en m'attirant...
A mesure que je pensais l'enserrer, ce n'étais
point elle que je tenais mais quelqu'une des mille créatures au sein desquelles est prise
notre vie: une souffrance, une joie, un
travail, un frère à aimer ou consoler "
( hymne de l'univers p. 155)
"Mon Dieu, quand je m'approcherai de
l'autel pour communier...
faites que je discerne désormais les infinies perspectives cachées sous la petitesse et
la proximité de l'hostie où vous vous dissimulez...
Déjà je me suis habitué à reconnaître, sous l'inertie de ce morceau de pain, une
Puissance dévorante qui, suivant l'expression de vos plus grands Docteurs m'assimile,
bien loin de se laisser assimiler par moi...
Aidez-moi à surmonter le reste d'illusion qui tendrait à me faire croire que Votre
contact est circonscrit et momentané...
Je commence à le comprendre...sous les espèces sacramentelles...
c'est premièrement à travers les "accidents" de la Matière mais c'est
aussi par contre coup, à la faveur de l'Univers entier que vous me touchez, dans la
mesure où celui-ci reflue et influe en moi sous votre influence
première...
En un sens vrai, les bras et le coeur que Vous m'ouvrez, ce ne sont rien moins que toutes
les Puissances réunies du Monde qui, pénétrées jusqu'au fond d'elles-mêmes par Votre
volonté, Vos goûts, Votre tempérament se reploient sur mon être pour le former,
l'alimenter, l'entrainer jusqu'aux ardeurs centrales de votre feu...
Dans l'hostie c'est ma vie que vous
m'offrez Jésus !
AMEN !
( le coeur de la Matière)