L'inde prise içi comme
exemple à généraliser...L'Inde est l'Expérience de Le Saux mais on pourrait
chaque fois remplacer ce texte par l'Orient
Dans ces textes le Père dévoile l'essentiel du Message nécessaire à un
Chrétien du 21èsiècle
La grâce de l'Inde est une grâce d'intériorité.
C'est dans la
mesure où soi-même on vit au-dedans qu'on est apte à comprendre
l'Inde, et aussi à être entendu et compris de l'Inde. Inversement,
à mesure que l'on pénètre au secret de l'Inde, on se découvre
soi-même au-dedans, on pénètre de plus en plus profondément dans
l'abîme de soi.
Nul message venu de l'Occident, fût-ce celui qui fut
recueilli et transmis depuis le Verbe de Dieu, n'arrivera jamais à
éveiller d'écho profond dans l'âme de l'Inde s'il n'est pas présenté
sous ses aspects du « dedans ».
L'Inde assurément peut vivre très « au-dehors ».
Son culte
revêt souvent des formes très extérieures, grossières même parfois.
Et l'on s'étonne alors de voir des âmes pures et profondes prendre
part à de telles manifestations.
Mais précisément cette vie au dedans, ce culte au-dehors, ne sont jamais que lîla, que jeu,
le
jeu divin du Seigneur dans et par sa création.
L'Inde ne saurait
jamais le prendre totalement au sérieux. Ou plutôt si...
elle joue le
jeu avec conviction et le sérieux requis, elle sait toujours que cela
se passe dans l'orbe du temps et de l'espace, et n'a point de valeur
définitive.
Pour le véritable hindou, l'Hindouisme ne saurait se concevoir
sans une ouverture par le sommet, sans cet essentiel débouché vers
le Mystère transcendant en lequel il se dépasse tout en s'achevant.
Et n'est-ce pas là la grandeur unique de l'Hindouisme, combien
plus caractéristique vraiment de son esprit profond et réel que les
superstitions et les dégénérescences où il s'enlise
parfois...
ce sens
de son propre achèvement atteint dans le seul dépassement de soi,
et ne témoigne-t-il pas de la vérité profonde incluse en l'intuition
primordiale des Voyants auxquels il s'origine ?
Rien n'a d'être en vérité sinon le Suprême, le Brahman qui
est au-delà de tout nom.
« Il se joue dans la naissance, la durée, la
destruction de tous les mondes », comme chante Râmânuja, au
début de son Shrî Bhâshya.
Le dévot lui aussi se joue dans le jeu
de son Seigneur. Il s'y donne comme on se donne à un rêve - un
rêve vigile s'entend.
Il y prend part comme le fait l'acteur dans
une pièce de théâtre.
Il y joue son rôle en toute sincérité, agissant,
se mouvant, se réjouissant, se désolant, sans que jamais pourtant
soit affecté l'arrière-fond,
le Réel, qui demeure l'impassible témoin,
inébranlable et fixé dans l'Absolu, de ce jeu de scène.
L'Inde sait
en se prosternant devant une idole, que l'idole n'est que pierre ou
métal,
mais aussi que ce relais lui est nécessaire pour pénétrer
au delà.
Quand elle lit ses Purânas, - les mythes transmis par la tradition - elle n'est pas troublée par les histoires qu'elle y lit
au
sujet des dieux.
Elle sait en effet que tout y est symbole.
Brahman
Vishnu, Shiva eux-mêmes, sans parler des autres mûrtis ou « formes » divines, n'ont d'existence que sur le plan de mâyâ,
plan de la manifestation du Seigneur....
Ils ne durent qu'autant que,
dure le « mental » de l'homme dans le temps de la personne aussi bien que dans le temps de l'univers....
Au-delà est le Brahman, le Réel
et l'Absolu en soi, l'unique Vérité
(satyam), que nul acte culturel
ne saurait atteindre ni émouvoir,
que nulle austérité ne
saurait
obtenir,
que nulle pensée ne saurait découvrir.
Le spirituel hindou est celui qui sait cela, le tadvid.
Mais
savoir cela ne signifie pas simplement l'avoir lu dans les Écritures ou l'avoir entendu des lèvres de son guru
, ni même être capable
d'en disserter doctement.
Le vrai spirituel est seulement celui qui
a fait passer dans sa vie
cette conviction essentielle et qui a décidé
de
se libérer
de ce monde de mâya, quelque prix qu'il faille y mettre - la « perle » de l'Évangile pour l'achat de laquelle
tout
donner n'est donner rien encore.
Sans doute se sent-on suffisamment
à l'aise dans ce monde de mayâ, avec un culte approprié aux besoins
ordinaires des âmes,
avec une imagerie religieuse séduisante, une
moralité de sévérité raisonnable et tempérée,
la perspective enfin
d'un séjour agréable dans le ciel des dieux, le svarga, et même de
retours indéfinis sur cette terre pour qui en garde le désir.
Mais celui
qui a compris, lui, ne peut plus se contenter de cela.
..
Il n'a qu'un
désir, c'est celui d'en sortir ;
c'est pour lui un feu qui le brûle.
Il lui
faut à tout prix tracer son chemin vers le Réel, dans le kevala, -
l'esseulement final -, dépassant les rites, dépassant toute symbolique et toute mythologie,
au-delà même des enseignements prononcés et transmis dans le Véda
au sujet de ce Réel.
Chemin
ardu s'il en est,
chemin de nuit et de dépouillement,
atteignant des
profondeurs sans cesse plus abyssales au sein de son propre être,
« car la voie transcendante
ne se laisse atteindre qu'avec peine aux mortels>>
Rien d'extérieur ne peut aider à franchir l'abîme - le Guru
lui-même ne peut qu'indiquer le chemin et témoigner de son
aboutissement certain - rien non plus de l'ordre de l'imagination,
ni du concept.
Seul un désir unifié, drastiquement purifié, clos à
tout ce qui n'est pas le Suprême,
le désir
transformant de la Délivrance, du Salut
,Mumukshutvam, la métanoia de l'Evangile, cette conversion fondamentale,
totale demandée de quiconque veut avoir accès au Royaume...
Le Royaume n'est
ouvert que pour
celui qui se renonce, pour
celui qui abandonne tout ce qu'il a,
tout ce qu'il est au-dehors comme au-dedans adhuc et animam suam, jusqu'à sa
propre vie.
Désir qui réduit toujours et toujours davantage les besoins du corps, des sens, ceux aussi de l'esprit, de l'entendement : soit en vue de se libérer de tout cela et de recouvrer sa
nudité primordiale, soit comme une conséquence de l'appel irrésistible.
L'emprise du dedans en effet, se fait de plus en plus envahissante,
l'âme se retire de plus en plus en l'intérieur de soi.
Jusque là l'âme avait adoré Dieu sous les formes multiples
transmises par la tradition et matérialisées dans les idoles des temples, sous les formes aussi
des puissances de la Nature, du Soleil,
source de lumière et de vie, de l'Espace presque immatériel, l'akasha, du prâna, - à la fois souffle de l'air et souffle vital.
Elle
réalise maintenant que Dieu, que le Mystère divin, c'est avant tout
et essentiellement Celui ce tad qui habite au plus profond d'elle-meme, de soi, au lieu même de son origination méta-temporelle,
le Soi de son soi, anima animae mea, cela même qui réside
au plus intime de chaque être de la Création, hommes, animaux,
plantes, soleil, étoiles... Réalité unique et sous-jacente à chacune
de ses manifestations.
<< Cet âtman , ce soi, c'est le lieu de tout être ».
(Br.
Up. 1, 4, 16).
<<C'est le Soi en vérité qu'il faut regarder, qu'il. faut
écouter, le Soi qu'il faut penser, qu'il faut méditer,
ô Maitreyi ! .
C'est seulement en regardant le Soi, en l'écoutant, en le
pensant et en en prenant conscience,
qu'on connaît tout ce qui est ». (Br. Up. 2, 4, 5)
·<<C'est lui la non-mort, c'est Brahman, c'est le tout »,
(Br. Up. 2, 4, 6).
C'est alors que l'âme rencontre Dieu ...et qu'elle le « réalise >,
dans un état aussi ineffable et indescriptible que ce Dieu qu'elle
découvre, avec lequel plutôt, disent les docteurs védantins, elle
reconnaît sa transcendante non-dualité : tat tvam asi, « tu es
cela ».
« On considère comme quatrième état, turya (l'état
mystique transcendant) ce qui n'a ni connaissance intérieure, ni connaissance extérieure, ni connaissance de
l'un
et de l'autre, ni connaissance globale, ni connaissance ni non-connaissance à la fois - qui est invisible, inappro
chable, insaisissable, indéfinissable, impensable, innommable, qui n'a pour essence que l'expérience de son propre
soi, qui annule la diversité, qui est apaisé, bienveillant
sans dualité : shantam shîvam advaitam » (Mân. U
7) .
« Cet atman ne se définit que par des négations : neti neti,
insaisissable, car il ne peut être appréhendé indestructible car il ne peut être détruit
sans attache, car il ne s'attache à rien ;
sans lien, inaccessible à toute inquiétude et à toi
souffrance » (Br. Up. 4, 5, 15) .
L'Inde mystique ne s'intéresse pas à un au-delà de la sphère
de l'Univers, à un ciel plus ou moins spacialisé où régnerait un
Dieu-monarque entouré d'une cour d'anges et de saints et intervenant à loisir dans notre monde.
C'est à l'intérieur du centre
même de cette sphère, - de l'univers, au"delà" par le dedans, inverse
de l'au-delà par le dehors, mais tout autant « ineffable » -
que
l'hindou spirituel place (si placer on ose dire) le Dieu réel dépouillé
de tout attribut, de toute multiplicité de formes (rûpa) et de tout
nom (nâma), sanmâtra, rien-qu'être, cininâtra, pensée pure, ânandamdtra, pure et essentielle félicité,
Dieu vivant d'une vie que sa
simplicité même et sa proximité rend comme inaccessible au regard
de notre esprit.
Le sage qu'a formé l'Inde
vit dans le présent,
sa préoccupation
n'est pas de se réaliser en un futur imprévisible,
Il ne s'agit
pour lui que de se réaliser soi-même en son éternel présent, de découvrir
son propre être en l'éternité de l'instant présent.
La présentation du message chrétien doit de toute nécessité,
pour être efficace, avoir intégré d'abord cette donnée fondamentale de l'intuition religieuse indienne - nous parlons de l'intuition
et non pas de ses conceptualisations philosophiques ou théologiques,
encore moins des déviations panthéistiques auxquelles elle n'échappe
pas toujours.
Autrement, si haut et si merveilleux parût-il à ceux
qui le prêchent, le message chrétien apparaîtra inévitablement à
l'hindou comme demeurant au niveau inférieur du nama-rûpa, du monde des noms et des formes, du monde de la manifestation, de
maya.
Il sera immédiatement classé au niveau des récits mythologiques des Purânas ; le culte qu'il propose sera
ramené au rang des
cultes innombrables que connaît déjà l'Inde.
On lui reconnaîtra
sans doute une utilité indéniable dans son ordre, une valeur « provisionnelle » à tout le moins pour les esprits formés au sein de la
culture où lui-même s'est développé, les Occidentaux par exemple.
Mais la valeur dans l'ordre du Réel et de l'Absolu, une valeur
,salvatrice proprement dite, nul ne pensera jamais à lui en attribuer,
et pas davantage d'efficacité véritable, encore moins -unique, dans
'la quête de ce Réel.
Les valeurs du « dedans»
ne sont certes pas absentes de la
religion du Christ. Ne devrait-on pas dire, plus encore, qu'elles en constituent l'essentiel ? La révélation de
Jésus n'a-t-elle pas été
essentiellement l'intériorisation de l'attente messianique du peuple
juif ?
- « Est-ce enfin en ce temps, Seigneur que Tu vas relever
le royaume d'Israël ?
- Il ne vous revient pas de connaître le temps qu'a pu choisir
le Père... Ne vous encombrez pas de tant de soucis inutiles ; une seule chose compte : vous recevrez l'Esprit...
- Qui m'aime, sera aimé de mon Père, moi aussi je l'aimerai
et je me manifesterai à lui.
- Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, mon Père
l'aimera. Nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre
demeure » (Jn. 14).
Ces valeurs du dedans ne sont point demeurées, Dieu merci
simplement latentes dans le Christianisme.
Tout au long des siècles
les âmes mystiques s'y sont succédées, habitantes du « fond »
chacune traduisant son expérience unique à la façon dont le lui
rendait possible sa propre culture et celle de son milieu.
Les théologiens aussi sont venus. Quand par grâce divine, eux aussi pénétrèrent au-dedans ils surent faire rentrer ce
Mystère du fond
dans
leurs grandes synthèses, autant du moins que cela est possible à
l'homme.
On pense tout particulièrement à un Cyrille, un Augustin, entre tant d'autres.
Il en est même plus d'un parmi eux
dont
les accents, souvent incompris de leurs contemporains trouveraient
ici des échos émerveillés - ce Jean Scot Erigène par exemple « génie » de l'époque carolingienne et le contemporain de Maître
Shankara ,
ces mystiques rhénans et flamands de la fin du
Moyen-Age, un Ruysbroeck, un Tauler, un Maître Eckhart
aussi, quoi qu'il en soit des expressions trop risquées en lesquels
il s'essayait à évoquer pour ses auditrices l'Informulable, l'Incompréhensible.
Ces expériences et leurs formulations sont bien connues dans
le Christianisme. Elles n'obtinrent peut-être pas cependant toute
l'influence qui eût dû leur revenir dans le développement
spirituel
- qu'il s'agisse d'ordre intellectuel ou moral, théologique ou mystique, - de l'ensemble des chrétiens,
pas même malheureusement de ceux qui sont consacrés spécialement à Dieu dans la vie sacerdotale ou religieuse.
Le rationalisme d'Occident a toujours été plus
ou moins en défiance - et en crainte - devant le Mystère de l'au
delà, de l'au-delà intérieur surtout.
Le Méditerranéen a trop goûté à son « humanité » et à sa « terrestrialité » pour ne pas
être .effrayé, quand il s'agit de sauter dans l'abîme... alors que pourtant
là seulement se trouve Dieu,
au-delà du Vide essentiel.
Il a trop
peur de se perdre, de perdre son acte de penser, de perdre ce qu'il
imagine son individualité, de perdre ces limitations et ces contingences avec lesquelles il s'identifie.
Pourtant...
Pourtant ce n'est qu'en acceptant de perdre son âme qu'on la trouve et qu'on la sauve a dit
Jésus dans l'Évangile...
L'Inde n'a pas de ces angoisses aux bords de l'abîme de la
Déité.
Elle fait trop bon marché de ce monde, de la matière, de la
pensée, de la conscience individuelle elle-même qui sous-tend cette
pensée et ce corps et leur demeure si indissolublement attachée.
,Attitude qui n'est pas sans danger certes - mais fut-il jamais conquête sans risques ?
Quel gain obtient jamais celui qui jamais ne
risque ?
L'homme n'en serait pas encore au stade du Néanderthal
s'il n'avait jamais osé risquer quelque chose.
Et l'Église elle-même,
sans l'audace des Etienne, des Pierre et des Paul, n'était-elle pas
destinée - humainement parlant - à demeurer dans le cercle
étroit des chrétiens judaïsants de Jérusalem ?
Que ce fut la Providence qui inspira ces audaces, nul n'en doute aujourd'hui ; en ces
temps-là pourtant tous en étaient-ils également persuadés ?
Si les Rishis ou Voyants hindous ont été capables de telles descentes au devant de l'Unique, de
l'absolu -que ne pourront
réaliser les Rishis chrétiens quand pour eux cet abîme du dedans,
,la guha<< grotte» intérieure des vieux textes upanishadiques
sera enfin illuminée et rayonnante de la clarté du Christ, la vraie
Lumière qui perce toute ténèbre, - même celle de Dieu ?
L'Inde attend des mystiques et théologiens chrétiens une présentation du Christianisme qui mette l'accent sur ces valeurs du
dedans, qui seules rendront le message désirable et acceptable aux
âmes hindoues en recherche sincère de Dieu.
Alors, l'Inde aussi aimera pénétrer dans l'intérieur de Jésus,
comme on disait en France au grand siècle, en son Coeur sacré,
lieu de l'unité en l'Esprit, de Dieu, le Père de jésus et des hommes
ses frères.
Parler de la contemplation hindoue n'est plus, Dieu merci, un
et tabou ou dangereux depuis que le Concile a reconnu le signe
l'Esprit au-delà des frontières de l'Église et que le pape Paul a
cité dans son homélie de Bombay un des grands textes des Upanishads.
Il n'est pas douteux que l'Inde n'ait reçu de l'Esprit un don très précieux, qui, comme tout don excellent, vient droit du
Père des Lumières » et que sa mission spéciale
se soit de faire
art à tous dans le monde de cette expérience très haute. Son rôle
est de rendre le monde attentif au
Mystère de la Présence.
La Bible
est le témoin des interventions de Dieu dans l'histoire, et d'abord à l'origine de toutes choses à partir de la Parole toute-puissante de
Dieu.
L'Inde, elle, depuis les temps les plus lointains, a contemplé
dans le recueillement le lourd secret que chaque créature recèle
dans son être, chaque événement, dans son passage à travers le
temps.
Elle s'intéresse moins à un Dieu qui, un jour, fit le monde
ou qui le gouverne comme du dehors qu'à cette Présence divine
elle-même, intérieure à toute chose, et qui est son mystère même
le plus intérieur.
Et alors la Lumière fut telle qu'aux yeux éblouis
des Voyants il arriva bien souvent que contours et limites semblaient comme s'effacer, immergés dans l'éclat de la Gloire, à la
façon dont la clarté du soleil se levant en orient envahit tout
l'horizon et ne laisse plus apercevoir au firmament aucun des luminaires qui éclairaient la nuit.
Et lorsque des créatures autres que lui découvrent ses sens, l'homme
passe à son propre Mystère, rentre au-dedans et reconnaît l'espace
de son coeur à lui, dépassant tout ce que la science et les autres,
hommes lui ont dit de ce qu'il était,
dépassant aussi bien tout ce
que lui-même est capable de dire, penser ou sentir de soi,
c'est à cette même Lumière qu'il atteint à nouveau, à la source même
de soi ;
une Lumière qui défie tout regard,
une Présence unique et qui
emporte en soi toute autre Présence,
quelque chose dont rien ne peut être dit.
Dans ce silence, l'homme ne peut plus qu'adorer, plutôt simplement « rester là », car adorer signifierait qu'il est encore capable de « se poser» en face de l'Adoré, alors que la Présence l'a tellement envahi qu'il n'est plus capable même de dire Toi ou moi.
Les penseurs parleront ensuite de l'ât-man et du Brahman ainsi que de leur non-dualité, tous mots utiles sans doute pour soutenir le vol de l'homme vers les grands espaces intérieurs mais qui, eux aussi, doivent finalement céder la place, car nul mot ni nul nom ne peut cerner le mystère ultime et primordial de l'Être au fond de chaque être.
Dieu ne peut jamais être atteint comme un objet, car l'objet
est toujours projection de la pensée.
Dieu n'est pas un IL dont
pourrait parler l'homme ou discuter penseurs et théologiens.
Dieu
est un TU, mais un TU qui aspire à soi et comme néantise le « je
qui se place en face pour essayer de le dire,
car Dieu est d'abord,
un JE devant qui tout « je » ne peut que se taire.
Telle est l'expérience fondamentale de l'âme hindoue.
On
va pas dire pour autant par là que chaque hindou ait été a
saisi par la profondeur du Mystère.
D'ailleurs combien peu de chrétiens, de leur côté ont réalisé le secret de leur
Résurrection
au sein du Père en la personne de l'unique Fils ?
Mais il n'est pas douteux que c'est là spontanément que se dirige la quête
intérieure de l'hindou, une fois que ses yeux déssillés ont découvert
la vanité de ce qui passe.
Depuis des milliers d'années en effet cette
âme sienne lui a été révélée en ses Écritures
et en les enseignements
de ses saints.
Toujours aussi, les Gurus sont là, qui ont perçu le Mystère du Fond et n'attendent que le disciple authentique pour l'y introduire.
Il ne suffit pas cependant de rêver de Gurus pour découvrir
le sien et en obtenir le secret transformant, comme on le pense souvent en Occident sur la foi de certains succédanés de Yoga,
la sagesse de l'Inde ne se trouve ni au bout d'exercices psychiques
d'ascèses effrénées, de concentration mentale ou de réflexions
philosophiques.
C'est bien plutôt un «
Éveil
» aux profondeurs du soi,
il un Éveil de soi très simple, comme celui qui suit un sommeil reposant
Mais cette expérience exige une âme totalement purifiée et
libérée de tous désirs - même du désir de sa propre sainteté disent
les Maîtres, -ou bien d'une éternité de jouissances célestes.
Toute Présence pensée comme à venir est obstacle à la réalisation de la Présence qui est.
Le renoncement que suppose cet Éveil est impitoyable.
Rien ne peut plus s'élever dans l'esprit capable encore de prononcer : je,moi
purification intense qui atteint ces recoins cachés de l'esprit que vient de découvrir la psychologie des profondeurs, là où le moi
égoïste se délivre au plus subtil dans la recherche des choses
spirituelles et l'idée de son propre anéantissement.
C'est
au-delà
seulement de cette purification que la contemplation chrétienne recouvrera dans sa pureté totale le couple révélé du JE-TU du Père et
du Fils, auquel même le fidèle a part dans la grâce et l'appel de
l'Esprit.
Cette expérience du Soi n'a rien à faire avec l'état particulier
de vie auquel les circonstances de l'existence conduisent diversement chaque homme.
Parmi les plus vrais jnânis
de l'Inde qu'il m'a été donné de rencontrer certains continuaient avec grande
compétence leurs activités professionnelles, tel cet ingénieur, qui
tout récemment encore dirigeait l'exploitation de mines de manganèse au pays de Mysore.
Cependant on comprend que lorsque
la lumière d'orient s'est levée au fond de l'âme, beaucoup n'aspirent plus qu'à la solitude.
La tradition hindoue prévoit d'ailleurs
,qu'une fois ses devoirs remplis dans le monde et après avoir engendré un fils capable de lui succéder l'homme
, devrait quitter la
ville et ses occupations d'ici-bas pour s'adonner uniquement à la
contemplation des choses d'en-haut ;
mieux encore renoncer à tout,
abandonner maison et famille et s'en aller sur les routes et dans la jungle livré totalement à
l'Absolu du Mystère.
Et même, ajoute
l'Upanishad, quand la lumière a jailli, à quelque âge que ce soit, qui
,ou quoi peut retenir le voyant ? Ce sont certainement avant tout ces renonçants et ces voyants qui ont maintenu ainsi intact et
d'âge en âge le mystère de la prédestination de l'Inde.