Présence de Dieu en soi...

 

Ce qui est bien sûr une certitude éprouvée pour tout chrétien est réaffirmé ici et magnifié  par l'expérience advaïtaire  admirablement décrite  par le Père Le Saux.
Ce texte est un extrait d"Intériorité et Révélation" paru aux Éditions Présence

Nous pourrons y vérifier la proximité avec la Pensée de Teilhard de Chardin...dans un "monisme" qui en fait n'en est pas un...mais est bien plus un "au-delà" du monisme

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Il n'est pas de degré en la Présence de Dieu.
 
Partout Dieu est présent en la plénitude de son Être.
Car en tout et partout Dieu est présent comme seulement IL peut l'être,
 à soi, 
en soi.
 
Sans cette Présence à soi en soi de Dieu en toutes choses,
nul être ne saurait être,
 du plus infime grain de poussière, 
jusqu'au corps et à l'âme qui furent unis à la Personne même du Verbe Fils de Dieu.
 
Dieu ne peut se diviser.

Au niveau de son Être, ni la durée ni l'étendue ne signifient plus quoi que ce soit.
 
La plus petite parcelle d'être réclame pour subsister la Présence de l'infinité de l'Être.

Et il n'est pas d'être si réduit, si insignifiant, si enfoncé dans le péché qu'il soit ,
 qui n'exprime à sa manière  le Mystère total
Mystère de l'éternité et de l'aséité de Dieu,
 le Mystère même de sa vie en Trois Personnes.

En tout et partout c'est à soi-même que Dieu est présent.

 Et c'est grâce à cette Présence de Dieu, 
à Dieu au Mystère des processus éternels ( des" mécanismes "ou "évolutions" divines) que tout ce qui EST possède l'être et la vie,
 se lève dans l'Être,
 jaillissant, surgissant dans l'Être,
 en l'éternel lever du Fils au sein du Père, 
du Père source primordiale de l'Être,
 atteignant sa plénitude d'être dans l'éternel Présent du Retour au Père,
 en l'Esprit d'unité et de sainteté.

L' Être est essentiellement PAROUSIE ,

 au le double sens du mot : Présence et avènement, arrivée
 sens double et réciproque que le caractère maturant de la créature accentue encore
davantage, 
car la créature, 'germe d'Être', ne s'atteint que dans son développement.


 La monade divine, la monade de l'Être ne fut jamais qu'invention ou spéculation des philosophes, qui remontant de la créature au Créateur, 
de l'être contingent à l'Être en soi,
 l'imaginèrent à partir de ce que leurs sens percevaient et leur esprit concevait.

 Bon gré mal gré ils ne purent que Lui appliquer la mesure, la norme de leur intellect,
 et n'eurent plus alors devant eux que leur propre mesure conçu, pensé,
 l'Être avait fui devant eux.

Si Dieu n'était pas Présence à Soi au centre même de Soi, rien ne serait des créatures
car alors rien ne serait de l'Être. 
Telle est en effet la loi de l'être. 

L'Être, c'est JE, AHAM, qui s'affirme en entrant dans l'existence. 

L'Être est en cela même qu'il se prononce.
 
Mais il n'est de JE que si au fond,
 au coeur même de cette affirmation, s'élève le TU d'une Présence autre, 
d'une Présence qui s'origine en la source même d'où jaillit ce JE, 
en cet élan même qu'est le JE existentiellement. 

L'Être est communion :
il n'est pas de JE qui ne s'achève en TU,
il n'est pas de JE qui ne s'achève en l'autre 
 
C'est en le prononcé même du TU - qui appelle l'autre - que se délivre le JE de l'appelant.

 Et dans cette dyade, 'l'orient' de l'Être,
 dans cet échange et réciprocité où l'Être jaillit
 règne une altérité que nulle idée d'
autre jamais conçue par la pensée humaine n'arrivera à percer.

 Cependant, cette altérité porte en son sein une telle exigence d'unité qu'il ne se peut qu'elle ne s'achève et consomme - et donc n'existe - hors la mystérieuse non-dualité finale - advaita - qu'est l'Esprit,
Manifestation personnelle au sein de l'être de la
'parfaite union des deux'

Telle est la loi de l'Être et son Mystère suprême, 
ainsi que le révéla aux hommes en mots de leur langage Celui qui jaillit aux origines du sein du Père 
et est le prononcement en le TU éternel du JE source de l'être... 

Ainsi que le murmure au fond des coeurs  qui s'ouvrirent à la Lumière de la grâce, l'Esprit d'Amour et d'Unité consommée,
  Lui qui seul « scrute les profondeurs de Dieu » (I Cor 2.10).

Et telle est la loi de l'Être en tout ce qui vit et tout ce qui est;
depuis la plus insaisissable des particules que décèle l'analyse de la matière
- rappelant au savant dans son inaccessibilité même l'inaccessibilité plus fondamentale encore du coeur de l'homme et de son origination au coeur de Dieu - 
jusqu'à la sommation de l'univers; 
du grain de sable jusqu'à l'homme,
  ...en passant par les plantes et les animaux,
  chaque chose suivant son espèce, et parmi les vivants, son individualité. 

Telle est la loi de l'Être depuis l'homme dont l'intelligence ne s'est pas encore éveillée, ou ne s'éveillera jamais, 
jusqu'à celui qui manie magistralement le concept et découvre le chiffre des éléments de l'Univers ...

Depuis celui qui se vautre dans sa fange jusqu'à celui dont l'âme ardente n'est plus qu'une flamme montant vers le Seigneur.

Car l'être est UN.

Philosophes et théologiens chercheront sans doute à scruter le Mystère du Créateur et de la créature au moyen de la notion de l'analogie de l'être. 
Ils ne résoudront pas l'insoluble problème....
 
Tant que Dieu est considéré d'un côté et la créature de l'autre, il n'y a pas d'issue.

 Nul n'est AUTRE à Dieu. 

Autrement ,Dieu n'est pas Dieu !
Autrement il n'est pas de Dieu !
Autrement rien n'est !
Autrement l'être n'est pas !

 La relation de Dieu avec la créature n'est "réelle" que du côté de la créature.
 
La notion même de participation , avec son double plan, naturel et surnaturel, comme on dit , si elle semble d'abord donner quelque lumière sur l'altérité de Dieu à l'homme,
 ne laisse pas d'enfoncer l'intelligence dans une ténèbre de plus en plus épaisse, dès que celle-ci cherche...
à briser la coque des mots et à pénétrer au Mystère interdit.

Qu'est-ce en effet que la participation ?
Dieu peut-il donc se diviser et se scinder ?,
donner quelque partie de soi sans se donner tout?

 Qu'est-ce que participer à Celui qui est l'indivisible  l'akhanda - par définition même ?

 Qu'est-ce que cette forme inférieure d'être qui serait le partage de ce que nous appelons "les
créatures" ?

 Si l'Être vrai des choses doit être cherché dans leur consommation - 
l'Être dans le temps étant ce qui devient, et  se fait,
 la croissance, la maturation de la semence jetée par le Créateur
  sa notion véritable ne se découvre qu'en son acte final.
 
Plus précisément, elle ne se découvre que dans l'acte final et l'accomplissement de ceux qui sont à la pointe avancée de la création, 
de ceux qu'appelle à sa limite l'évolution de l'univers 
ceux d'entre les hommes qui atteignent à leur plénitude d'Être en la manifestation totale en eux de la gloire des enfants de Dieu,
 ainsi que Saint Paul nous le donne à considérer au chapitre huitième de son Épître aux Romains.

Les théologiens d'Occident, essayant de scruter ce qui fut révélé par Jésus de la destination finale de l'homme et de comprendre les mots si prégnants dont usèrent Jean et Paul  ont  élaboré une théorie de la vision béatifique que n'osèrent d'ailleurs accepter leurs émules d'Orient...
 et que l'advaïtin, partant des textes mêmes de saint Thomas, les serrant et dégageant toutes leurs implications, interpréterait aisément en termes purement védantins

" « Je le connaitrai comme je suis connu de lui » (I Cor. 1 « nous le verrons tel qu'il est » (1 Jn. 3,2).
« ... Comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu'eux aussi un en nous... qu'ils soient un comme nous sommes un : moi en eux en moi... Je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin contemplent la gloire que tu m'as donnée... que l'amour dont tu m'a comblé soit en eux» (Jn. 17,21-26)."

 Car qu'est-ce que connaître Dieu comme je suis connu de Lui ?
c'est-à-dire tel qu'IL se connaît lui-même puisqu'IL ne me connaît qu'en Lui ?

 Qu'est-ce voir Dieu tel qu'il est ?
 
Qui peut voir et connaître Dieu tel qu'en soi-même IL Est, sinon Dieu seul ?


 Le surnaturel dit-on, et précisément le surnaturel dans son essence, c'est cette vision de Dieu en Soi, 
c'est ce qui est le propre de Dieu, 
ce que Dieu normalement ne peut communiquer à nulle créature..
.
 Qu'est-ce la communication de l'incommunicable, la participation à l'imparticipable ?

 Qu'est-ce cette
'Lumière de gloire' par quoi l'homme est rendu capable de voir Dieu tel qu'il est en soi?,
 cette élévation de l'homme hors de sa nature, au-delà de tout ce qui peut être communiqué à une créature par nature ? 

La vision de Dieu en Soi, 
ce qui est vraiment le propre de la vision de Dieu par Soi
n'est-elle pas justement cette vision qui exclut par définition même toute distinction d'objet et de sujet?
 - une connaissance absolument non réflexe -
 ce qui faisait dire à Plotin en termes paradoxaux que Dieu, l'Un, ni ne se connaît ni ne s'aime soi-même ?

 Si l'on ne se paie pas de mots, qu'est-ce cette participation à Dieu qui rend possible à la créature l'acte absolument incommunicable de Dieu ?
 tout en conservant son caractère de créature et l'individualité de sa personne ?

Tant que la théologie de la création et de l'entrée de l'homme en la gloire divine, des origines et de la consommation, se fera au niveau de la monade divine découverte par la raison des philosophes,
 et non du Mystère des Personnes divines 
et de la Présence de Dieu de Soi à soi en la Trinité des Personnes,

 elle demeurera figée dans des antinomies irréductibles. !

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