ADVAÏTA

 

L'Advaïta est la clé de la pensée du Père Le Saux
littéralement l'expression veut dire "non deux"
le terme n'est pas facile à expliquer...  et encore moins à comprendre...
il est seulement à vivre ou au moins à éprouver comme nous le répète si souvent le Père au cours de ses écrits...
Très succinctement cela cela consiste a prendre conscience de la Vie de Dieu en soi
puis dans le même temps de prendre conscience de son être à soi
et de voir qu'entre les deux existe une curieuse osmose... pour ne pas en dire plus...
car sommes nous encore en face de l'Être ?...
...
mais  laissons le Père expliquer et faire ressentir ce subtil équilibre que moi je ne sais dire...
simplement que j'ai eu la chance d'éprouver... et de vérifier la justesse

+


Ta place dans mon coeur, c'est mon coeur tout entier,
 rien d'autre que Toi n'y a de place
 J'ai vu mon Seigneur avec l'oeil du coeur, et lui dis « Qui es-Tu? »
 Il me dit . « Toi! »
 Mais pour Toi, le où n'a plus de lieu,
 le où n'est plus quand il s'agit de Toi
 Et il n'y a plus pour l'imagination d'image venant de Toi,
 qui lui permette d'approcher où Tu es! 
Puisque Tu es Celui qui embrasse tout lieu jusqu'au-delà du lieu,
 où donc es-Tu, Toi ? 
Ah! est-ce moi? 
est-ce Toi?
 Cela ferait deux dieux.
 Loin de moi, loin de moi, la pensée d'affirmer « deux »!
 Il y a une ipséité tienne, au fond de mon néant, pour toujours! 
Où donc est Ton essence, hors de moi, pour que j'y voie clair? 
Mais déjà mon essence s'élucide, au point qu'il n'y a plus de lieu.
 Et où retrouver Ton visage, objet de mon double attrait? 
Au nadir de mon coeur ou au nadir de mon oeil?


(Al-Hallâj)


Le christianisme, tout comme d'ailleurs la religion d'Abraham et de Moïse  est en son essence même le Mystère d'une Rencontre, 
d'un « face à face » entre l'homme et Dieu. 

Dans l'advaita  il en est de même mais d'une autre manière...
comme
"au delà"...
 car dans cette "Expérience" il n'y a absolument plus aucune place pour un réel « face à face »... ou pour un véritable dialogue.

Car si l'ancien Testament, nous montre l'homme en présence et en dialogue avec Dieu
... Et si Jésus,  à son tour, poursuit ce dialogue commencé au jardin d'Éden....
Aux yeux du jnàni de l'Inde, tout cela ne peut avoir de valeur que symbolique.

 Pour l'homme qui a l'expérience directe du Réel, lors de cet "Expérience ou de cette Rencontre rien ne reste ...que la simple Lumière nue de l'Être même. 

Quelqu'un demanda un jour à Srî Ràmana Maharshi pourquoi Jésus avait enseigné aux siens à donner à Dieu le nom de Père.
 Sa réponse fût
« Pourquoi l'homme ne donnerait-il pas un nom à Dieu, aussi longtemps que pour lui Dieu est «'un autre" ? »
 Une fois passé au Réel en soi, y a-t-il encore place pour un je ?...
pour un Tu ?
pour  un Il ?
 Qui alors demeure pour balbutier : « Ô mon Dieu, Toi seul es; je ne suis rien » ?
 
Dans la lumière aveuglante de l' Expérience dont nous parlons il n'est plus possible de concevoir une distinction :
il n'y a plus que a-dvaita, « non-deux »...

Bien sûr en tant que chrétien nous savons bien que Dieu est en nous...et que  notre âme est la demeure de Dieu  ...
C'est ainsi que le catéchisme nous a appris aussi que Dieu est en toutes choses...
mais cela reste des mots le plus souvent...
 ...et qui en vérité pour rencontrer Dieu cherche à pénétrer profondément en soi  ?
ou dans les choses à la poursuite de leur ultime secret intérieur ? 

Pourtant plus on pénètre à l'intérieur de soi et des choses, 
plus l'on découvre la Vérité de cette Présence de Dieu, 
toujours plus resplendissante... 
toujours plus fondamentale....

Écoutons le Père nous en parler:
 
"L'homme cherche  dans les profondeurs de son coeur un lieu où il pourrait s'arrêter et contempler cette Présence, 
le sanctuaire intérieur en lequel sa propre individualité incommunicable jaillit de l'Être même et naît à l'existence.
 
Il cherche cette source intérieure de laquelle sa vie et son existence personnelle surgissent et sont manifestées sur le plan extérieur du corps et de l'intellect.

 Il cherche la « fine pointe » de sa conscience, cet « apex » de l'âme, où plus que partout ailleurs il serait soi, en présence de Dieu...
 face à face avec son Père, où il pourrait être un Je capable de dire Tu à son Dieu.
 
Même s'il doit être consumé dans cette étreinte divine à laquelle l'Esprit aspire en lui , 
il voudrait au moins se reconnaître au moment de se jeter dans ce feu, et pouvoir dire à Dieu : « Je me donne à Toi ! »

Hélas! 
quand il cherche à se situer en ce lieu le plus intime de lui-même,
il y trouve Dieu déjà présent!"

 Il cherche alors en vain un appui quelconque,
dès lors il tente de se ramasser sur lui-même pour tâcher au moins de sauver quelque chose de sa propre existence personnelle 
Hélas !, même les cavernes les plus reculées et les plus inaccessibles de son coeur se révèlent déjà occupées par LUI,
 et les ténèbres où il espérait mettre son existence personnelle à l'abri de l'anéantissement dans l'Être sont déjà toute illuminées de la gloire divine."

et le Père poursuit plus loin :

"L'homme s'efforce alors encore de proférer un je, un Tu...
 mais nul son désormais ne trouve d'issue, car d'où s'échapperait-il ?
 
S'il pouvait quand même à être prononcé, ce je serait immédiatement recouvert par  l'éternel
Je Suis qui remplit l'éternité... 
 
Comme le marin naufragé, qui se débat en haute mer l'homme lutte alors en vain contre le courant qui l'emporte et les flots qui le submergent.
 C'en est fini de lui;
 bientôt il n'y aura plus ni je pour être conscient...
 ni moins encore une conscience pour se rendre compte qu'il n'est plus d'expérience possible....

 Nul ne demeure pour dire : « J'ai atteint le plan de l'Absolu », ou : « J'ai passé au-delà de moi-même, je me suis échappé. »"
 
Il ne reste RIEN

Et Il écrit encore plus loin:

,"Seule subsiste cette conscience même en son état le plus pur :
 « Ceci (tat)... 
ce qui est (sat)...
 OM »"

L'homme ne peut voir Dieu et subsister....
et seul celui qui accepte de tout risquer, y compris la perte de son propre moi peut entrer dans ce " Royaume. "

et l'ermite poursuit:

"La « quête du Soi » que préconise Sri Râmana Maharshi, correspond, à sa manière, à l'appel à la mort dont retentit l'Évangile, et dont l'acceptation est, paradoxalement, le seul moyen de la vaincre. 
Son plus proche équivalent est le
todo-nada de saint Jean de la Croix'. 

 « Pour arriver à goûter tout, veillez à n'avoir de goût pour rien. 
Pour arriver à savoir tout, veillez à ne rien savoir de rien. 
Pour arriver à posséder tout, veillez à ne posséder quoi que ce soit de rien. 
Pour arriver à être tout, veillez à n'être rien en rien »(...)"

"Mais le moi, auquel l'ascèse chrétienne s'attaque en premier, est situé au niveau superficiel de la personnalité humaine, 
celui où les hommes cherchent d'ordinaire la satisfaction de leurs désirs : gloire humaine et plaisir des sens. ...
Une ascèse un peu plus raffinée s'étend au plan de la pensée...
 à ce niveau, ceux-là mêmes qui ont renoncé aux goûts des choses extérieures cherchent leur satisfaction dans l'affirmation d'eux-mêmes, d'une manière plus subtile et peut être plus dangereuse encore.... 
Mais tout cela demeure bien extérieur comparé au but de l'ascèse Vraie;"

Le point que vise l'ascèse vraie est beaucoup
plus intérieur;
 ce n'est rien moins que le Vrai Moi au lieu même de son origine,
 au moment même de son Éveil,...
avant qu'il n'ait commencé à s'exprimer.

L'ascèse vraie veut dépouiller l'homme de son ego, de son moi, d'une façon absolument radicale et telle, que nulle image, nul concept ne peut la décrire correctement.

C'est l'inexorable expérience du néant de tout être créé.
 
Comme le Christ le dit un jour à Catherine de Sienne :

 « Tu es celle qui n'est pas »
 Seul Je Suis ce qui est


Cette expérience est pour le chrétien est l'agonie suprême, celle qui lui arrache tout, y compris le moi au plus intime de son être.

Et le Père Le Saux de conclure:

"Sans doute, s'il ne s'agissait que de se sacrifier au Seigneur, le chrétien le ferait avec joie, et comme spontanément, sur la foi de l'Évangile. 
Mais cette purification radicale semble aussi lui enlever le Seigneur lui même !
 son Seigneur !

 ...ainsi que les formes en lesquelles il se révéla,
  jusqu'aux paroles en lesquelles il s'adressa à l'homme.
  Le nom même de « Père » que, porté par l'Esprit, il murmurait avec tant de ferveur, n'arrive même plus à effleurer ses lèvres....
 Tous ses gestes rituels, toutes ses pensées, même les plus hautes, tous ses sentiments, même les plus nobles et les plus purs, lui semblent avoir perdu,leur valeur,
 car au-dedans de lui-même, l'Absolu ne lui permet plus de se contenter d'aucun signe.

 « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où ils l'ont mis » (Jn 20, 13).
 
En son fond le plus intime, l'homme est désormais incapable de dire ou de comprendre quoi que ce soit à l'exception de l'unique et éternel Aham,
  le  : "Je suis" 
qui en son infinie solitude résonne dans la profondeur du Soi."

Ainsi l'homme se doit de réaliser que la pensée, si haute soit-elle, n'est jamais que de l'ordre du signe, et que d'elle même elle  s'efforce de se dépasser naturellement pour atteindre directement le Réel...
Ce qui rend l'expérience d'introspection des profondeurs et l'expérience advaïtaire nécessaire à la compréhension de toute vie spirituelle.

Peut-être la méditation de ce poême de Shri Ramana Maharshi peut-il t'aider sur cette voie...de tout coeur ami je le souhaite !

Amen +

 

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