L'atteinte de Dieu est un Éveil
Peux-t-on véritablement connaître Dieu sans
connaître l'Eveil telle est la question que pose le Père Le Saux dans ce
texte.
Rien n'a de sens dans le cosmos ajoute-t-il que l'Eveil...car être éveillé
c'est être Fils de Dieu
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L'atteinte de Dieu est un Éveil,
Éveil à Soi,
Éveil à Lui.
Il n'y a pas de Dieu pour-moi hors de cet Éveil.
Il n'y
a pas d'atteinte de Dieu hors de cet Éveil.
Dieu en effet est loin d' une abstraction que
ma raison pourrait concevoir, donc projeter.
Aussi le Dieu du philosophe
n'est pas Dieu;
mais la projection
limite de l'intelligence de
l'homme, incapable de dépasser la sphère de l'abstraction.
Dieu en effet ne peut être atteint que dans un Éveil.
Un Éveil qui sera, selon
la tradition, Éveil à moi ou Éveil à toi,
ou bien simplement Éveil,
...Éveil à la Lumière incirconscrite.
On dit que les Prophètes sont les grands
veilleurs de l'humanité,
en fait ce sont de grands veillants
- éveillés et éveilleurs à la fois.
Tant l'Éveil à Dieu est inséparable de l'Éveil à soi.
La première
proposition, même inconsciente, du message prophétique
(comme
d'ailleurs de tout message, de toute parole humaine)
n'est pas
Dieu est...
ou Dieu m'a dit...
mais ...Je suis
Il est possible que
ce Je suis ait été éveillé en moi par la Parole entendue,
et que
cette simultanéité soit d'ordre ontologique;
ainsi c'est dans le Tu du Père que le Je du Fils s'éveille
et aussi dans
le Tu réciproque du Fils que le Père s'éveille à soi.
Cet aham
asmi ,ce je suis, même si inconscient de l'extase
- le mutuel regard
où ne demeure plus que le Regardé -
est fondamental.
Car je
ne peux quand même pas dire Tu sinon par référence à un Je....
Et s'il n y a pas de Tu,...c'est un éveil à la Lumière incirconscrite...comme
nous l'avons déjà précisé...
Cet aham asmi, n'est-ce point le verbum de saint Jean prononcé en archê, in principio, c'est-à-dire au «mystère
primordial » ?
Non pas tant imaginé dans un temps, sinon
un temps
de symbole
afin de pouvoir entrer dans nos catégories conceptuelles et donc être 'conçu',perçu par notre esprit.
Archê
est
l'origine, le point de départ de ma conscience.
En cette source
jaillit la Parole, le aham asmi de Br. Upanishad
l'expression primordiale de ce Principe,
de cette Source,
de cet a-sat
(non-être),
disent paradoxalement les textes hindous
La pensée alors conçoit (ou l'intuition reconnaît ?) ce
Principe
archê, comme antérieur,
primordial à cette Parole,
à la façon
dont la source n'est jamais identifiable au filet d'eau qui en
coule et en manifeste l'existence,
disons même sans lequel il n'y aurait pas de source.
Je ne puis entendre la Parole de Dieu qui me dirait qu'il est,
qui me dirait de lui-même que « Je suis », comme à l'Horeb
sans avoir (d'abord ? ou concurremment ?) entendu du fond ...et du
fond même de cet
archê
la Parole qui me révèle à moi-même...
Alors...
alors si ce, Je suis, que j'entends prononcer comme par un
Dieu autre,
si ce 'Je suis' arrive
'après',
s'il m'arrive comme du dehors prononcé par un Dieu autre,
par un Dieu qui
me le dirait Je suis,
qui me dirait
toi,
après que moi-même j'aie été
éveillé à moi-même de cet
archê,
en cette guhà...
.
qu'en penser ?
La Bible dit pourtant que Dieu est cet Être à qui nul ou rien n'est antérieur,
(...)
les 'Upanishad
l'expriment aussi
ekam eva advitiyam, Un et sans second.
et plus fort encore :
« Rien n'est au-delà, rien n'est en deçà, rien n'est plus ténu, rien
n'est plus grand que moi »
Si la Bible a raison... Dieu est dans ce Je suis même en lequel je m'éveille à moi.
Ce n'est pas suffisant de dire qu'il
est la Cause, il est le Substratum de ce 'Je' que je suis.
Car rien ne peut échapper à ce Tout-Transcendant,
à ce Tout-Immanent
.
Ce « je
suis', cet éveil à moi, c'est l'Éveil même de Dieu à
Soi.
C'est
un Éveil à la fois dans le temps et hors du temps.
C'est l'Éveil
à un niveau qui n'a rien à voir avec le temps,
ni temporel ni
non temporel ,
non mesurable par le temps.
C' est...
dans cette Parole unique,
in-temporelle,
prononcée et
entendue au fond de moi,
en ma source,
en la Source,
la guha,
que le monde entier, espace et temps,
existe,
subsiste,
vient à l'Être,
que tout vient à l'Être,
les cinq éléments,
les sens
de l'homme,
son corps, son entendement, etc.,
et aussi bien ce
qui dépasse les trois temps (passé, présent, futur).
Tout en effet
est ordonné à cet Éveil, existe en vue de cet Éveil.
Tout est moyen,
motion, élan vers cet Éveil.
Rien n'a de sens dans le cosmos,
sinon en cet Éveil qui est la raison d'être de tout.
et cet aham asmi est la lumière de tout ,la vie de tout;
l'au-delà de toute ténèbre
Et l'Évangile va plus loin encore : Cette Parole, ce Logos «s'est fait
chair » !!! (Jean 1,14).
Christ est dans
son corps physique et ses facultés mentales, la transparence totale de cet
Aham asmi,
de ce Je suis, à qui je m'éveille
au principe même de ma conscience d'être.
Le Christ, s'il a valeur
quelconque pour moi, est ce
Mystère même de cet Éveil à moi.
Si je le connais en dehors de moi, après moi, il n'est pas Dieu !
il n'est que l'un de ces devas,
de ces manifestations particulières
de la puissance divine qui remplissent les étendues et les temps
du cosmos. ...
ou une de ces construction mentale de l'homme...
Il n'est Dieu pour ma foi, que si je le saisis dans
cet Éveil même
qui, me révélant à moi, me révèle à Dieu.
Le Christ est l'homme qui est totalement éveillé,
en qui nul point, nul coin du corps, n'est à part de cette Lumière totale,
et en cela même il est
Dieu
En cela même est l'Éveilleur par excellence.
L'Éveilleur à la fois par le dedans qui communique de
guhâ à guhâ,
et Éveilleur par le dehors : la transmission de son message, de son expérience,
de ses réactions, modèle pour tous.
Il éveille l'homme à lui-même,
à soi-même,
à son identité
vraie,
à sa condition
en son « appel » de fils de Dieu.
Car être éveillé, c'est être fils de Dieu !...
c'est prononcer la Parole
aham asmi au sein et en reçu de la Parole originelle du Père,
en mutualité, en réciprocité avec Lui...
Jéshouah le Nazôréen est le signe, le symbole par excellence de cet Éveil.
D'ailleurs n'est-ce point cet Éveil qui le constitue Christ -Messie,
qui l'oint 'Serviteur' ?
Mais... n'y a-t-il pas d'autres symboles aussi parlants et psychologiquement effectifs en d'autres contextes
culturels : Râma, Krishna, Shiva, Bouddha ?
Cependant dans cet Éveil à soi de l'homme en Christ, il y a quelque chose qui n'est découvert en aucun symbole sus-nommé.
Sans doute l'essentiel est là partout, qui dépasse toute formulation.
Tout de même ...
n'y a-t-il pas sinon des formulations... du moins des directions...
des formulations qui aident, sinon peut-être à
approfondir l'Expérience,...
du moins à rendre possible l'effulgence
de l'Expérience en toutes les facultés ?,
peut-être faut-il dire à préparer les facultés à « recevoir' cette grâce...?
Le Christ, dans l'Expérience qu'il a transmise,
dans son comportement comme dans son Message,
est la révélation en
mon aham' en mon 'je' de mon 'parasparam'(réciprocité) avec chaque conscience,
chaque Éveil.
Comme le Christ
chacun est l'Absolu,
chacun est singulier,
un
ekam eva advitiyam ( un seul et sans second);
et pourtant chacun est « relatif » à l'autre,
chacun est en communication avec l'autre.
Chacun va à l'autre, vient de l'autre
chacun s'éveille à soi en s'éveillant à l'autre.
Il n'y a pas d'Éveil à soi qui ne soit conditionné par l'éveil à l'autre du
moins principiellement, même si au moment de l'Éveil à la Lumière
indivisée il n'est plus de conscience,
ni de soi,
ni d'autre.
C'est
ici qu'intervient le rôle du guru dans l'Éveil.
« Il n'est de connaissance qu'enseignée par un autre,
merveilleux en est l'habile instructeur.
Merveilleux est celui qu'un habile enseignement en rendit
possesseur! »
(Katha Up. 2,7,8).
L'« habile instructeur » c'est celui qui a déjà reçu « le don »,
qui
est déjà 'éveillé au Réel'.
L'homme vulgaire qui n'a pas reçu le
don de Yama (qui personnifie la mort qui
dévoile le secret de Soi qui repose au plus secret des créatures)
ne peut en éveiller un autre
Ceci rejoint la psychologie moderne lorsqu'elle dit que dans la
conscience de l'enfant le « je>> ne se découvre que 'dans' la découverte de l'autre, du
<<tu>>
de même dans l'expérience chrétienne
il n'y a pas de découverte de son vrai soi sans découverte du
soi du prochain,
comme il n'y a pas de révélation de Dieu à moi
en laquelle Dieu ne me révélerait le mystère de ma réciprocité
avec lui (parasparam).
C'est nécessairement à partir de notre expérience que nous pensons Dieu.
C'est dans notre expérience des autres consciences seulement que nous pouvons le découvrir comme autre.
L'autre est aussi totalement
Sien, Soi, que moi je suis,
et pourtant en cela il ne compromet en rien ma propre possession de moi.
Les problèmes ne se posent et les compromis ne s'imposent qu'au niveau
des éléments corporels ou des éléments de
pensée :
deux corps ne peuvent être ensemble dans le même lieu,
et deux esprits, justement parce que liés au corps - donc
limités, restreints - ne peuvent se recouvrir ni agréer en tout,
ni même se complémenter, sans heurts ni nécessaires 'compromis'.
C'est dans cette Expérience du même et de l'autre au niveau de la conscience, du 'je suis'
(asham asmi), que je découvre la
réciprocité de l'être (parasparam).
Réciprocité qui est déjà visible
aux niveaux de la manifestation de l'Être
depuis le minéral jusqu'à
la société humaine,
mais ici au niveau de la conscience,
je le
sens, je l'expérimente à la Source même de l'Être,
...et ce n'est point
semble-t-il simple projection à la limite de la mutualité ou réciprocité des êtres, car ici il n'y a plus vraiment
de pluriel.
Deux
consciences, c'est façon de parler, car nulle conscience n'est multipliable (ekam eva advitiyam).
La théologie trinitaire c'est le report, la projection en Dieu
de ce parasparam de l'être.
N'est-ce pas absolument légitime d'ailleurs si Dieu est l'Être par excellence
(attention ! nous passons du fini
à l'infini!).
Je le projette dans le sat, dans l'éternel, le nitya.
Toute vision de la Trinité qui ne s'appuie pas sur cette expérience de 'mutualité' est pure abstraction
(comme le Dieu de la
philosophie).
L'Esprit n'est-il pas alors dans ce contexte de pensée la mutualité même de l'Être, de chacune des consciences «créées, du Père
et du Fils ?
Il n'est qu'un message divin, le Verbe, la Parole 'plantée'
(Jac. 1,21) dans le cosmos, dans le coeur de l'homme et que l'homme
déchiffre en son verbe originel à lui-même.
Les 'Voyants', éveillés et éveilleurs, y éveillent les autres,
mais c'est à ce Message intérieur seulement qu'ils éveillent jamais.
C'est là même que réside
le Mystère vrai de
Jésus
Le philosophe découvre Dieu dans l'abstraction de sa pensée,
le prophète biblique dans l'événement où Dieu
se manifeste,
le voyant d'Orient au plus intime de sa conscience d'être.
il ne
s'agit pas de réflexion a posteriori sur cette conscience d'être, sinon pour l'expliciter et en cerner le contour,mais
d'une prise
de conscience directe.
Non point davantage une prise, de conscience directe de la notion métaphysique de Dieu,
mais la perception de asmi - suis - de aham - je -
en laquelle la perception et ma réflexion reconnaît le Dieu qu'elle pense de son
côté et qu'elle ne peut d'ailleurs penser sinon dans le ' sillage' de cette intuition fondamentale de la conscience d'être,
laquelle, comme par un chemin souterrain, se fraie une voie de manifestation cachée à travers cette réflexion, à travers cette pensée
abstraite elle-même.
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