Il cherche simplement à aider ses disciples à découvrir en
eux-mêmes ce qu'il a lui-même, un jour, soudainement expérimenté
par pure grâce...ou pur
hasard.
A quiconque venait le trouver et lui demandait sincèrement
que faire pour progresser dans la voie spirituelle, Shri Ramana
conseillait régulièrement la pratique du koham
c'est-à-dire de
l'interrogation mentale :
« Qui suis- je"
?
»
C'est ce qu'il appelait
l'àtma-vicàrana l'investigation de l'àtman ,
c'est-à
dire la quête, la recherche, la poursuite du Soi au-dedans de soi,
au-delà de toutes ses manifestations périphériques.
ou parasites...
Cette investigation consiste en la pénétration de l'esprit jusqu'aux centres
les plus profonds de la conscience et ce dans un mouvement exactement
inverse de l'habituel chemin centrifuge de la pensée...
remonter
de pensée en pensée,
ou plus exactement d'une pensée donnée...jusqu' à
la conscience qu'on a de penser cette pensée,
...puis à la conscience
de cette conscience ...
et ainsi de suite. ...
( je ne sais si je suis clair ?)
Plus particulièrement, cette
enquête, cette investigation doit porter sur la pensée du JE et la
conscience de SOI, sous-jacentes à toute pensée et à tout mouvement
du psychisme.
Il s'agit en fait d'atteindre en nous le point précis où toute
pensée prend naissance
et d'abord
la première de
toutes, le je,
la pensée de soi,
le point précis où elle jaillit au fond de notre être.
Ràmana appellait ce point le « lieu de la source »;
mais il y a là comme un paradoxe car bien sûr le filet d'eau sort de la
source,
mais dès que l'eau coule... ce n'est déjà plus la source...
et l'origine, indéfiniment, se dérobe....
Certains interprètent cet enseignement comme une voie de
négation progressive
: je ne suis pas ce corps,
cette main,
cette
image,
cette pensée, etc.
cependant il
mettait soigneusement en garde contre les risques d'une telle
méthode.
En effet, tout rappel à l'attention d'une pensée déterminée
-ne serait-ce que pour la nier -,
tout rappel à la mémoire d'un
souvenir
- ne serait-ce que pour le repousser -,
risquent de leur conférer
une vigueur nouvelle et de les fixer ainsi dans l'esprit,
alors qu'on
voulait précisément s'efforcer de s'en débarrasser.
La voie recommandée par le Maharshi est, elle, essentiellement
positive.
Elle consiste à chercher, en chaque instant, en chaque
acte,
qui
en vérité
est
celui qui vit, pense et agit,
et d'être aussi attentif
à celui qui voit, dans l'acte de voir,
à celui qui entend, dans l'acte
d'entendre....etc...
Il s'agit de poursuivre sans relâche et implacablement
cette conscience de soi qui se dérobe derrière les phénomènes et
événements de la vie psychique
de la découvrir,
de la saisir en
sa pureté originelle,
avant même qu'elle n'ait été recouverte ou
altérée.
Ainsi saisie,
elle doit être retenue à la fine pointe de l'esprit,
pour l'empêcher de s'échapper à nouveau.
Ce qui ,revient à s'efforcer de s'atteindre soi-même,
d'atteindre sa
propre identité au-delà et au-dessous du niveau de la manifestation.
Le soi phénoménal,
le « je » superficiel,
poursuivi ainsi jusqu'en ses derniers retranchements disparaît
finalement comme par enchantement
C'est alors que se découvre
l
« Le moi est un lutin qui n'a point de figure,
pour paraitre pourtant, il lui en faut bien une.
Alors il vole un corps et y prend forme,
Il s'y maintient, il s'y sustente, il y grandit.
Que ce corps disparaisse, il saute sur un autre.
Cherche-le bien, cours après lui,
tu le verras prendre la fuite
Ce lieu de toi d'où ton moi jaillit,
c'est un objet précieux tombé au fond de l'eau.
Si tu veux le trouver, plonge droit au-dedans,
de ton esprit sur soi-même pointé,
comme le plongeur qui fonce dans la mer,
bouche close et souffle rentré. »
(adapté de Ulladu Nârpadu, 25, 28)
Cependant,
si quelqu'un se croit appelé à suivre d'autres voies plus
complexes le Maharshi ne s'y opposait pas.
Il ne s'imposait
jamais à personne.
Tant qu'un individu n'est pas encore prêt,
pourquoi le forcer à prendre un chemin qui dépasse ses capacités?
Pourquoi chercher à devancer le temps?
Il faut apprendre à attendre l'heure avec patience
à ne pas
se décourager devant la lenteur avec laquelle s'effectue la croissance personnelle de
chaque individu
Le but sera finalement atteint par
chacun
au moment fixé par la destinée.
Cependant, Shri Ràmana
allait, lui, directement à l'essentiel et y invitait ceux qui
lui faisaient confiance,
laissant à leurs illusions ceux qui cherchaient
simplement quelque approbation de sa part pour une décision qu'ils
avaient déjà prise.
Il n'y avait qu'un seul exercice respiratoire qu'il recommandait
vraiment,
C'était de se concentrer sur la respiration, de fixer l'attention sur le souffle successivement inhalé et
exhalé, à la manière de la pratique japonaise du zazen.
mais reprise aussi par la prière du coeur chère aux orthodoxes ou lors des
répétitions du Nom dans le Soufisme
Par
elle même, cette concentration rythme et ralentit automatiquement le mouvement de la respiration.
Par concomitance, le
flux mental bientôt prend lui-même un rythme plus régulier, se
ralentit à son tour et fait place
au silence intérieur.
Shri Ràmana n'avait lui-même pratiqué aucune
sorte de discipline spirituelle.
L'expérience transformante s'était
abattue sur lui avec la violence d'un coup de foudre.
Par pure grâce !
Dans son entourage, on en concluait qu'il avait dû pratiquer d'extraordinaires austérités au cours de ses vies antérieures, et accumuler tant
de mérites qu'à peine entré dans cette existence-ci, il en aurait
recueilli les fruits.
Tout cela n'intéressait guère le Maharshi.
A
strictement parler, qu'entend-on par vie antérieure, ou par vie à
venir?
En cette vie elle-même que l'on qualifie de « présente »
ne se produit-il pas des changements continuels et d'incessantes
transformations ?
Chaque soir, au moment de s'endormir, la
conscience qu'on a de soi disparaît, et au réveil elle réapparaît.
N'est-ce pas la même chose qui se produit au moment de la mort
et de la renaissance?
En fin de compte, les vies successives, comme
les jours et les heures qui se succèdent au cours d'une vie particulière, appartiennent au même plan
du monde phénoménal fugace
et évanescent
et ne revêtent ni grande importance, ni signification
face au Réel, à l'Immuable, au Soi.
Tout est tellement simple, comme le rappelait constamment
Ràmana à tous ceux qui l'écoutaient.
Il n'y a rien qu'il faut
s'efforcer d'atteindre ou d'obtenir,
rien qui ne soit déjà en notre
possession et que nous devrions obtenir.
Qui, demandait-il, s'efforcerait d'atteindre ?
Et pour obtenir quoi ?
Il suffit de prendre
conscience de ce qu'on est :
et tout le reste est donné par surcroît,
tous les problèmes de la vie, qu'ils soient spéculatifs ou pratiques,
se résolvent ipso facto.
Non pas que le sage nie ces problèmes ou
cherche à s'en évader par l'oubli ou l'indifférence. Mais ces
problèmes renaîtront indéfiniment tant que
le problème essentiel
n'aura pas été résolu.
C'est à ce problème fondamental qu'il faut
s'attaquer, parce qu'il commande la destinée de l'homme et qu'il
contient tous les autres.
et c'est la réponse à la question : "Qui suis-je ?"
Quand on lui demandait, par exemple, comment dominer la peur
de la mort, qui est depuis toujours l'angoisse la plus profonde
du coeur humain, le Maharshi se contentait de répondre
: « Cherche
d'abord
qui
a peur de la mort !.
Ce qui en toi craint la mort, n'est-ce pas ce petit ego qui déjà meurt pour ainsi dire en chaque instant
qui passe?
Cherche
qui tu es
en vérité
et tu découvriras que ce
je
qui a peur est lui-même éphémère, plus encore, qu'il se dérobe
quand tu essaies de l'atteindre,
qu'il est insaisissable parce qu'il
n'a nulle consistance.
Mais quant à toi, tu es.
Tu es au-delà de tout changement et de tout dépérissement.
Ni l'âge, ni la mort,
ni la peur ne peuvent en réalité t'atteindre. »
Shri Ràmana résolvait de façon ainsi de manière
interrogative tous les autres problèmes
qui lui étaient soumis.
Disciples et visiteurs cherchaient en vain
à éluder la question qui leur était renvoyée en réponse à toutes
leurs interrogations.
Elle demeurait suspendue sur leur esprit... à
la manière d'une épée de Damoclès, comme l'observait un jour
un disciple bengali.
« Qui pose la question? Qui s'efforce de
résoudre le problème? »
Le Maître n'admettait pas qu'on dispersât
son attention de l'unique nécessaire ou qu'on perdît son temps
en des spéculations qui ne mènent à rien sinon à flatter la vanité
et
à nourrir l'égocentrisme.
Il ramenait inexorablement ses auditeurs à
l'essentiel,
à l'interrogation fondamentale du coeur humain.
L'homme s'efforce de l'ignorer car elle brûle dans son coeur comme
un feu consumant. Cependant ...
tant qu'il n'y a pas répondu, tout
ce qu'il sait est pure ignorance,
et tout ce qu'il fait passe avec
l'instant même où il le fait.
« Le monde est-il réel?
Est-il illusoire?
A-t-il une forme?
Est-il sans forme?
Est-il joie?
Est-il douleur?
Pourquoi t'en préoccuper, cherche-toi d'abord!
Quand tu te réveilles, le monde s'éveille pour toi.
Quand tu dors, où est-il?
Cherche d'abord qui est celui par qui le monde existe pour toi...
Qui est le jnàni? qui est l'ajnàni?
Celui qui sait ? celui qui ne sait pas?
Qu'est-ce la connaissance du soi?
Qu'est-ce son ignorance?
Science et nescience ne se connaissent ni se disent que l'une par rapport à l'autre.
Science de qui?
Ignorance de qui?
Telle est la vraie question...
Nul n'est lié,
sinon aux idées de « lier » et de « délier ».
Cherche qui est lié.
Si personne n'est lié,
qu'est-ce donc la délivrance (mukti) ?...
La délivrance est-elle avec forme ou sans forme?
ou encore à la fois avec et sans forme?
De tout cela les savants discutent.
Mais quand le je qui en discute a disparu,
où donc est-elle la délivrance? »
Seul importe se reconnaître
La pire erreur que l'on puisse faire est d'imaginer qu'il faille
lutter pour atteindre la libération
(mukti)... ou l'expérience du soi,
qui lui est identique.
En fait, qu'est-ce ce monde?
Qu'est-ce l'autre
monde?
Que signifie atteindre la réalisation de soi ?
- réaliser ce que
l'on est ?-
ou ne l'avoir pas encore atteinte?
S'efforcer
consciemment et volontairement en vue de parvenir à cette « réalisation
de soi » en est paradoxalement
l'obstacle majeur.
l'état sous-jacent à toutes les activités mentales, mais qui n'est par affecté
par
elles,
état qui est pour ainsi dire recouvré et vécu en pleine conscience lorsqu'on accède
à l'expérience du Soi.
L'état de sahaja qui s'oppose non seulement à celui de dispersion, de
complexité et d'illusion qui caractérise l'existence à la périphérie de soi,
mais aussi à l'état
dit « extatique » que connaît l'ascète lorsqu'il est totalement absorbé au-dedans
et n'a pas encore recouvré le « monde » en la lumière de
l'àtman.
C'est poser disais-je que cette vérité profonde est ce que l'homme ne possède pas encore,
comme
si l'homme pouvait ne pas être!
L'homme est-il, du reste, moins
homme dans l'inconscience du sommeil profond ?
Alors...
Que tu es, tu le sais bien ô ami!
Ton expérience te le rappelle
à chaque instant.
Cherche simplement
qui
tu es,
ce qui
en toi ne
dépend pas des circonstances changeantes de l'existence corporelle ou mentale, ce noyau de ta conscience, qui ne
peut être identifié à aucune des circonstances extérieures où
tu te trouves.
Ne perds pas ton temps à nier ces identifications passagères et superficielles dont tu as momentanément conscience,
car cela même te retiendrait et te retarderait.
Passe au-delà,
découvre en toi
ce qui est libre et indépendant de tout ce qui change
ou disparaît autour de toi et en toi.
En tout acte, en tout vouloir,
en toute pensée, pose-toi la question essentielle :
Qui suis-je, moi, l'agissant
au-delà de l'acte ?
le
pensant au-delà du penser ?
le voulant au-delà du vouloir ?
. « Mue, promue par qui la pensée vole-t-elle?
attelé par qui le souffle se met-il en marche le premier?
elle est mue par qui cette parole qu'on dit ?
et quel deva (dieu) attelle parole et ouïe?
Le regard n'y accède pas,
n'y accède ni la parole, ni la pensée
ce qui n'est pas exprimé par la parole,
par quoi la parole est exprimée
ce qu'on ne pense pas par la pensée,
néanmoins ce par quoi, dit-on la pensée est pensée »
kena
Upa.
Ta pensée sera désespérément
liée au monde mouvant des phénomènes,
de ce qui sans cesse apparaît
et disparaît au regard des sens et de l'esprit.
Rien de stable
en tout cela sur quoi tu puisses arriver à fixer l'intuition fondamentale que tu as d'être :
et pourtant tu es, !
sans possibilité de
dire où tu es, ce que tu es, qui tu es...
Ainsi la « quête du soi » qu'enseignait le Maharshi ne comporte aucun
dangers
du
moins si le disciple lui demeure fidèle et ne s'en fabrique pas quelque
succédané destiné à sauvegarder quand même quelque chose de
son ego... sous un autre nom.
Cette méthode ne laisse
aucune place aux transferts de l'inconscient, ni à l'inflation de l'ego.
Elle demeure...
toujours une méthode de relaxation, de détachement,
d'échappée vers l'intérieur et l'Authentique.
Elle ne permet aucun
regard sur soi;
elle est à la fois libération et exigence suprême.
Ascèse plus intransigeante que toutes, elle exclut même tout effort
volontaire vers un but que l'homme se serait assigné.
Elle tranche,
à la racine même, toute complaisance en soi, et opère ainsi la plus
radicale des purifications.
Au centre de toute pensée, elle insère,
à la façon d'un fer brûlant, le neti-neti des Upanishads, le
« pas
ceci, pas cela » qui ne laisse nulle possibilité de s'arrêter en chemin,
ce neti-neti qui n'est pas une idée en laquelle l'esprit
pourrait au moins chercher quelque soulagement, quelque repos.
Au sein même de la pensée neti-neti, la Conscience Essentielle,
l'Expérience profonde, bien qu'encore cachée, brûle encore et dévore...
L'esprit réalise alors de plus en plus son incapacité de dire
« Je suis ceci, ou cela,
je suis cette personne ou celle-là. »
Car
au moment même où jaillit en moi cette pensée que je suis ceci,
cela,
celui-ci, celui-là,
cette manifestation à laquelle j'ai cherché
spontanément à m'identifier dans le flux de ma conscience a déjà
fui loin de moi...
- et moi, je demeure....
L'expérience sensorielle
et psychique s'écoule comme un flot continu que rien ne peut
arrêter, car il fait partie du flot même de l'incessant devenir inhérent
au cosmos.
Pendant qu'il s'écoule sans cesse, moi je demeure,
je suis dans un intangible présent.
Tout passe, tout s'écoule,, alors que moi, je suis.
Que suis-je ?
Qui suis-je ?
Il n'y a pas
d'autre réponse que la pure conscience de ce je suis, transcendante
à toute pensée.
« Je suis », ...
Je suis...
et je n'ai nul besoin de faire quelque effort en vue
de trouver ce « je suis ».
Je ne suis pas un « je » à la recherche
de soi.
Avec beaucoup de finesse, le Maharshi faisait remarquer
à ses disciples qui cherchaient à réaliser par la pensée et le
raisonnement « qui ils étaient » qu'ils s'engageaient alors
dans une poursuite sans fin... de cet insaisissable
soi
. « Comment réaliser le soi?
- Le soi de qui?
- Le mien. Qui suis-je ?
- Cherche toi-même.
- Je ne sais comment m'y prendre.
- Quel est ce je qui dit : je ne sais pas?
- Quelqu'un ou quelque chose en moi ?
- Quel est celui qui dit cela?
- Quelque effort
que je fasse, je n'arrive pas à attraper ce je.
- Qui n'arrive pas à attraper qui ?
- Y a-t-il
donc en toi deux je, à la poursuite l'un de l'autre? »
« "Je sais qui je suis, je sais qui je suis";
Bien sot celui qui parle ainsi!
Pour se savoir, faut-il donc se penser "deux" ?
L'expérience du soi, c'est le je non réflexe,
qui resplendit en sa propre unicité. »
(d'après Ulladu Nàrpadu)
. Tout ce qu'un homme
a à faire, c'est simplement de se
laisser saisir par cette lumière
qui sourd du dedans, mais qui ne peut, elle, être saisie.
Et le Père Le Saux conclut
"Qui
connaîtra jamais le goût d'une eau absolument pure?
Qui connaîtra
jamais l'air pur, qui le verra, qui le sentira jamais?
Réveille-toi donc, ô homme, et réalise simplement que tu es.
!
Tu n'es ni le papillon qui rêve d'être roi ni le roi qui rêve d'être
papillon, comme dit le proverbe chinois.
Tu es toi.
Il apprit à bêler et à manger de l'herbe;
et il grandit sans se douter qu'il n'était pas lui-même un agneau.
Un jour, un lion fonça sur le troupeau. Apercevant le lionceau,
il lui demanda ce qu'il faisait au milieu des moutons et comment
il pouvait ne pas avoir honte de bêler et de manger de l'herbe.
« Mais ne suis-je pas moi-même un agneau? » répondit tout étonné
le lionceau.
Le lion alors l'emmena vers un étang et lui dit de
regarder dans l'eau le reflet...
« N'es-tu pas pareil à moi?
Ta nature n'est-elle pas de boire du
sang et de rugir?
Allons rugis comme moi !... »
Le lionceau rugi...
,
et dans ce rugissement même il se reconnut...
De même en est-il de l'âme qui s'éveille au Soi.
OM !
+
Tu aimes la pensée de Shri Ramana ? alors tu aimeras ses poêmes...clique içi
Retour à la table des matières