Une fois que
l'on a pénétré au mystère de l'Être, du Soi, toutes les catégories
avec lesquelles l'intellect opérait semblent bouleversées à tout
jamais ...
plus d'avant ni d'après,
d'en deçà ni d'au-delà,
de dedans ni de dehors,
Toutes les paires
opposées
Il n'y a plus que l'Être partout...
, le Brahman
indivis et sans attribut
Dès lors d'aucuns se poseront la question:
"Dans cette intuition fulgurante de l'Être, comment le chrétien
pourrait-il être sûr que ce qu'il croit découvrir de soi et du
monde
en Dieu à travers la révélation biblique de la Trinité est vrai?
Ne
serait-ce pas une simple tentative de sauver à la dernière minute
ce qu'il ne supporte pas d'abandonner quand il s'agit de plonger
pour de bon dans l'abîme qui l'attire avec tant de force?
Le thème
de la « communion de l'être » au sein de l'indivisible unité de l'Être,
du co-esse et de la koinônia au coeur de l'advaita, n'est-ce pas
comme l'effort suprême de l'intelligence humaine - à la fois
sublime et désespéré - pour échapper au naufrage qui la menace?"
Tout semble comme si l'esprit humain
tentait de se raccrocher
en une dernière
tentative désespérée de sauver ce qui peut encore l'être de son expérience d'individualité et de multiplicité en la reportant au sein même de l'Être.
et seule, en effet, la théologie trinitaire qu'ont élaborée les
premiers Pères de l'Église semble encore capable de satisfaire l'intellect
pour essayer de l'arracher au désespoir qui le guette quand il se risque
à se pencher sur l'abîme de l'Être.
Mais, finalement, en fait ? Qu'en est-il ?
Est-ce la Vérité suprême ?
,ou bien simplement l'intuition
de quelque génie ?,
de quelques grands esprits ?,
et tout cela ne
demeure-t-il pas inévitablement au plan du penser ?,
au plan de
l'eidos ?"
Le Père Le Saux nous dit que quand Shri Ràmana « revint » de son expérience - en termes
figuratifs car, en réalité, jamais il n'en revint...
car en fait jamais nul ne
revient de ceux qui ont vraiment vécu l'expérience:
« Ne revient, qui revient, qu'étant allé à mi-chemin »,
Partout il entendit le Om, le « Je » essentiel et primordial.
Dans
chaque bruissement de feuille,
dans chaque souffle de vent,
dans
chaque moment et événement de la nature et de l'histoire, il entend
le « Tu » d'où l'Être s'éveille à soi,
il reconnaît l'Abba que l'Esprit
murmure au coeur des élus de Dieu.
Mais
Qu'est-ce donc que ce OM que l'ermite entend ?
Qu'est-ce cet Abba Père qui résonne au coeur des mystiques ?
N'est-ce pas là encore
de l'illusion ?...un déréglement ou une anomalie cérébrale ?
Le OM, ou plutôt le « je », Aham se
situe à la limite extrême du processus mental...
si proche de l'éveil à soi ,que rien de pré- ou
de post-fabriqué conceptuel n'a encore eu le temps de venir en
ternir la pureté....
Pour le chrétien c'est "pire"
l'Abba Père qu'il entend alors est une formulation qui doit nécessairement se
situer à l'intérieur du processus de pensée... et suppose
lui la
formation d'un concept.
...et dans l'élaboration de tout concept,
l'homme
dépend à la fois de ses propres perceptions et de
tout le matériel mythique et idéologique reçu de son milieu culturel....
trame même sur laquelle se développe sa pensée.
Peut-on penser alors à une régression
sur le plan mental ?
de quelqu'un qui aurait frôlé l'expérience de
l'Être,...,
mais n'aurait pas osé ...
ou n'aurait pas pu ...
se laisser emporter
dans l'océan illimité de l'Absolu ?
Ou bien peut-on penser à une véritable invasion du coeur par
l'Esprit?
Manifestation du secret dernier de la création, et du Mystère le plus
profond de la conscience humaine...
et du secret dernier de Dieu.
secret qui ne pouvait être compris par le seul intellect tant que
la Révélation n'avait pas aidé l'homme à le percevoir et à trouver
des mots pour l'exprimer....?
"Quand un chrétien atteint le niveau de conscience qui correspond à
l'expérience védantine, il ne pourra y accéder
de la même façon qu'un hindou, parce que sa foi ne lui permet pas de lui
attribuer une valeur ultime.
L'Esprit présent en son âme ne cessera de lui intimer : ce n'est pas suffisant, à la
manière du « voyant »de
l'Upanishad qui répète : « neti, neti ».
Cette expérience, ou
plutôt son approche immédiate, provoquera dans l'âme une soif
nouvelle autant qu'elle lui procurera Paix et Béatitude.
L'Esprit attire l'âme secrètement et irrésistiblement vers une plus grande
profondeur....
Jusque à ce point ultime où l'ego, le « je » de
la conscience périphérique, est prêt à s'évanouir dans le « je »
(aham) essentiel, ..."
nous précise le Père Le
Saux
et à ce point du Mystère,
à l'intérieur de ce Mystère même,
l'âme s'entend appeler d'un
amour de prédilection.
Le Père Le Saux explique bien alors ce qui se passe dans le coeur
"Le jnàni
hindou est un homme en
qui la conscience est stabilisée dans le grand silence.
Il n'y reste
plus alors que la pure conscience d'être éveillé,
dont le contenu
est aussi indistinct que celui du sommeil profond, mais qui est
perçu avec la lucidité de l'état de veille....
Bien sûr, idées et images
continuent de traverser sa conscience, mais, ayant perdu tout pouvoir de capturer
l' attention ou de s'imposer à elle,
elles ne
le troublent plus.
Cet état est un peu comme l'état de rêve,
mais
un rêve où le rêveur demeure lucide et conscient de rêver,
une sorte
de « sommeil vigile ».
Au milieu de tout cela, le jnàni se meut
en totale liberté, jouissant d'une sérénité que rien ne vient troubler.
L'évidence d'« être », qui luit à la cime de son âme, a tranché
tous ses liens, brûlé tous ses doutes et consumé tous ses désirs".
le mot est lâché...un état physiologique qui rapproche du rêve...cette activité cérébrale qui occupe pas loin du tiers de nos vies
Le chrétien qui entreprend
l'Expérience aura quelque mal au début
certes il possède la certitude de la foi qui transcende
l'analyse conceptuelle tout autant que l'expérience d'être du jnàni.
certitude établie dans les couches supérieures de l' âme.
mais
si la foi ne connaît pas l'immédiateté de l'évidence
qui caractérise l'expérience totale du soi. La foi se rapporte
alors à ce qui ne peut être vu ...et reste "en-deça" de
l'Expérience
et même si elle est illuminée par la grâce,
elle est incapable d'en embrasser le Mystère total.
Au plan nouveau où le croyant est mené par l'Esprit, il ne peut que
s'abandonner à ce mouvement qui dépasse sa compréhension.
et le Père Le Saux écrit :
"La profondeur du Soi à laquelle il a atteint est au-delà de tout pensée
et de toute évidence intellectuelle.
C'est justement dans le dépassement de ce qu'il y a de plus haut dans l'homme,
en passant
au
delà
de tout symbole ou expression de soi que la foi se révèle da
sa pureté essentielle.
C'est cela le « vide essentiel »,, le vide en lequel seulement l'homme est prêt
à recevoir et à écouter le Verbe éternel."
Le chrétien est appelé à vivre ce dépassement de tout...dans
la vie quotidienne même en une confiance absolue à son Seigneur et acceptant
tous les événements avec confiance comme un don de Dieu
Cela peut être vécu dans la koinônia avec les autres hommes,
dans une nouvelle " Église" élargie à tous les êtres qui devrait être signe de communion
fraternelle universelle.
Mais il en est qui vivent cette obéissance, au nom de tous, au niveau le plus profond de l'expérience
Mystique,
au-delà de tout signe comme de tout symbole ...
témoignage qui nous donne une idée
du prix de cette rencontre directe avec le Verbe de Dieu. Rien au niveau des signes ne peut
y être comparé.
"L'éveil essentiel à l'être dans les profondeurs de l'âme ne dépend
ni de connaissance ni de discipline de la volonté.
Dieu seul peut
l'opérer.
Seul l'amour en est le moyen,
l'amour qui fait sortir l'homme hors de soi et le jette dans les
bras de Dieu et de ses frères;
l'amour qui est fort comme la mort ,
mort qui, au plan
de Dieu, est l'unique chemin de la vie."
conclura le Père Le Saux
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