Plus loin encore...
Quand l'homme est vraiment passé par l'expérience anéantissante de simplement être
et, plus encore, quand il a appris de l'intérieur qu'il est inclus comme « fils » dans l'unique
Fils,
ce serait pure folie que de reculer encore pour préserver
son statut de créature et son identité personnelle.
Au contraire,
seule une plongée toujours plus audacieuse dans l'abîme même
de l'Être et dans le Mystère total du Fils permet d'espérer se
retrouver .
La vie ne peut être recouvrée qu'au travers
de la mort,
le gain au travers de la perte,
et l'Être ne peut être
atteint que dans le rejet de tout semblant d'être.
Tels sont les paradoxes de l'Évangile, du Message qui indiquent clairement l'unique voie d'accès
au Réel (sat) et à l'ultime Vérité (satyam).
La contemplation du Mystère permet à l'homme
d'entrevoir dans les profondeurs de l'Être des abîmes que nulle
intelligence humaine ne pourrait soupçonner
Et la contemplation du Mystère de la création plonge
plus avant encore, pour ainsi dire, dans l'intériorité de Dieu.
Seule
la Parole réussit à persuader celui qui est passé par
l'expérience du Soi dans son total esseulement, qu'il existe encore
comme conscience personnelle unique, en son individualité de
créature.
Et le Père Le Saux nous
confie:
"Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il serait vrai
de dire que ce n'est pas l'existence de Dieu, de l'Absolu, qui
constitue l'objet de la foi.
Nul ne peut mettre en doute l'existence
de
Cela qui est...
En fait, l'affirmation de Dieu est incluse dans
le Je même qui s'élève de chaque conscience en son premier éveil,(
quelqu'en soient les formulations)
L'objet réel de la foi
- et d'une foi bien difficile pour qui a été
touché par le feu consumant de l'Être -
est de croire à sa
propre
existence en la présence du Seigneur Dieu,
pauvre et faible créature
que l'on est face à ce qui est réel et durable".
S'il y a un Mystère de Dieu, il y a bien davantage un Mystère de la créature
Là aussi un postulat de foi est nécessaire pour admettre en dehors de Dieu,
à côté de
Dieu
quelque chose d'autre que Lui
alors l'individu
existe-t-il ?
n'est-il point l'illusion que proclament les bouddhistes ?
et pourtant...
Le Tu que le Père adresse éternellement à son Fils et par lequel il l'appelle à l'être ne pouvait pas
ne pas être prononcé...
c'est le même Tu par lequel il appelle l'humanité
à l'être et qui aurait pu lui à jamais rester non prononcé.
La libre volonté divine est
"au
delà"
de tout questionnement...
et nous sommes confondus lorsque
nous cherchons à comprendre la distinction entre ce que Dieu n'a
pas fait et ce qu'IL aurait pu faire,
et ce qu'IL a fait et qu'IL aurait pu ne pas faire.
La nécessité pour l'Être d'être un « être-ensemble »
(koinonia ) est la spontanéité la plus pure
qui puisse être pensée.
Cette liberté
même, cet amour spontané semblent inscrits profondément au
coeur de Dieu
Dieu appelle à être des créatures
qui, ni à part, ni collectivement, n'ont aucun droit à l'existence.
En agissant ainsi, Dieu révèle sa nature...
Le don de soi est la marque suprême de la générosité et de
l'amour.
Quand il s'agit de Dieu, c'est le don de soi à ceux qui
n'y ont aucun droit,
même à ceux que le péché a rendu positivement indignes de le recevoir.
Mais la nature de Dieu est de donner,
et quand Dieu donne, il ne peut donner que Lui-même.
Et non
pas seulement une partie de Lui-même, puisqu'il est l'indivisible
Absolu, l'« un-sans-second », comme disent les Upanishads.
Quand il se donne, c'est donc Lui-même en entier qu'IL donne.
Dans l'éternité, le Père se donne totalement au Fils;
Trop souvent les chrétiens ont peur des formules qui leur
semblent trop hardies et pourtant qui figurent dans la Bible. Ils n'osent pas croire cela mais
« Alors je connaîtrai comme je suis connu » (1 Co 13, 12).
« Tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu L'Esprit se joint à notre
esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu ( ... ) enfants et donc héritiers, héritiers de Dieu et donc cohéritiers du Christ » (Rm 8, 14-17).
« Dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore
été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation, nous lui serons semblables,
parce que nous le verrons tel qu'il est » (1 Jn 3, 2).
doit -on diluer aussi la formulation « Le Verbe s'est fait chair » ?
Au centre même de son être,
là où l'homme
est image de Dieu, un soi, une personne,
il est au-delà de tout
conditionnement et de toute contingence,
sans limite temporelle, incirconscrit,
et si intimement uni à l'Esprit divin, que c'est Lui l'esprit divin
qui
agit
en
et par
lLui en toute spontanéité et liberté.
L'Esprit tout
puissant de Dieu dirige du dedans toute l'évolution cosmique ( par le
génome interposé ?.. peut-être...et si l'ego n'y met point trop d'embûches)
c'est Lui qui a ordonné l'univers en vue de l'Éveil au soi de l'homme et
qui agit dans les motions intérieures de tout être
conscient,
qui guide son développement depuis les degrés les plus
élémentaires de la perception sensorielle jusqu'à la pure intuition
de l'être en la conscience de soi.
Ainsi, l'Esprit mène tout, dans
l'univers comme dans les individus qui le composent, jusqu'à cette
ultime maturité et leur plénitude eschatologique, au «
Tout en tous
>>
La pensée grecque ne peut comprendre que Dieu ne s'identifie
pas avec la raison qu'elle a découverte au fond des choses.
Mais
Dieu se rit de la raison grecque comme de tout rationalisme.
C'est
pourquoi il se présente à l'adoration de l'humanité comme un objet
de moquerie et pendu lamentablement à un gibet.
L'advaita dépasse la pensée grecque,
mais le philosophe védantin, essaye lui aussi de circonscrire Dieu,
de circonscrire l'Absolu, dans
les limites de sa propre expérience. !
Il affirme que, dans sa vérité ultime, le Suprême ne peut
être dit car il est insaisissable, impensable, innommable, etc.,
...
Cependant, l'Être qui ne peut être nommé, dont on ne
peut parler, se dit et se nomme lui-même à ses créatures....
L'Être est celui qui au-delà de tous les signes, se manifeste en son
incarnation !
non pas une fois dans l'histoire...mais son incarnation en chaque être !
L'homme au plus profond de
lui-même est ainsi un miroir en lequel Dieu se contemple éternellement.
et il ne pourrait être l'image de Dieu si Dieu ne resplendissait pas
en lui dans toute sa splendeur.
Il ne pourrait être la véritable image
de Dieu, si la gloire de son Fils unique n'irradiait pas
en lui dans toute sa Plénitude.
Il y a en outre un réel échange...
Le Père et le Fils se contemplent mutuellement d'un double regard.
Le Fils, reflet du Père, lui rend cette même gloire du
fond de sa totale liberté, spontanéité et amour.
Quant à l'Esprit, aucune
langue humaine ne pourra jamais décrire son ineffable relation
avec le Père et le Fils.
C'est tout autre chose qu'une relation Je-Tu.
L'Esprit, c'est le Mystère même
c'est ce qui fait que le Père
et le Fils, tout en étant mutuellement « autres », ne sont pas comme
deux entités qui pourraient se compter,
,
mais demeurent non deux,
en leur altérité même.
et sont en advaïta
L'Esprit
est comme le fruit de l'unité et de la non-dualité de l'Être, présent
au coeur du Père et du Fils.
le Mystère de leur inséparable
et indivisible unicité.
Il est l'Amour infini qui ouvre l'Être en
face à face pour que l'Amour s'exprime,
et celui qui le clôt en non-dualité
pour que l'Amour se consomme.
L'homme s'éveille à lui-même dans cette relation du Père et du
Fils en laquelle tout ce qui existe
a son origine.
L'homme ne peut recevoir passivement cet Éveil, comme s'il s'agissait de quelque
chose venant de l'extérieur;
il doit être la libre réponse
d'amour à l'incessant et libre appel de l'amour infini de Dieu:
Il doit être pure spontanéité de réponse
Dans l'Éveil de l'homme à lui-même et au Père, il n'y a pas deux agents (dieu et l'homme) oeuvrant
indépendamment et complémentairement...mais UN SEUL grâce à l'Esprit
La liberté divine créa l'homme de rien.
Dieu créa l'homme pour
qu'il se tienne, libre face à Lui, reflet de Lui-même
et partenaire potentiel, comme dit la Bible.
Dieu fit l'homme
si radicalement libre en sa Présence que celui-ci est même capable
de se refuser à Dieu, et de lui refuser la réponse d'amour qui est
le but de sa création.
Ce qui signifie aussi que, pour
autant que cela dépende de lui, l'homme est libre de refuser d'être.
Naturellement, il ne peut directement refuser l'existence ( quoique
désormais...)
mais,
en tant que créature, il est en son pouvoir de refuser le don de
soi en retour
de refuser la réponse d'Amour en laquelle l'Être
divin s'accomplit en l'Esprit.
Ainsi, l'être créé a la possibilité
d'objectiver Dieu,
de le regarder comme un autre.
Il se trouve
alors dans une situation inconcevable :
il refuse d'être alors qu'il
lui est impossible de ne pas être.
Il se trouve dans la condition d'un être qui se détourne de lui-même!
ce qu'on appelle le
péché
Mais, L'Amour
de Dieu suit le pécheur jusque dans son refus essentiel.
et les psaumes chantent sans fin la miséricorde et la vérité-fidélité
de Dieu,
car par ce refus l'homme entrouvre en Dieu des abîmes nouveaux d'amour et de
compassion.
qui furent illustrés lorsque le Verbe fait chair aima les siens « jusqu'au bout
et le rôle de
la Croix
Ce n'est qu'au plus profond du coeur de Dieu que l'homme peut
découvrir et recouvrer son identité personnelle, en tant que tel homme déterminé,
tel pécheur,
tel homme racheté,
tel fils de Dieu.
Tout ce qu'il savait de lui ou de Dieu avant son expérience des profondeurs n'était qu'ombres obscures entrevues dans la nuit
dont on se contente tant que l'aurore n'est pas encore apparue
Mais à présent, il voit toutes choses dans la Lumière
véritable,
dans le Verbe lui-même,
la Parole en laquelle "Dieu
disant" dit tout,
il a une connaissance directe de soi et de Dieu ,du genre humain et de l'univers.
En Dieu il trouve le but de son
existence, son identité personnelle, son propre nom, le nom nouveau qu'avait annoncé Isaïe et dont parle l'Apocalypse
.
Au-delà de tous ces signes, au-delà de tout voile, il se découvre
au Mystère même de Dieu, Père, Fils et Esprit , expression
unique et irremplaçable, en sa singularité même, de l'Être et de
l'Amour de Dieu.
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