Plus loin encore...

 

Dans l'expérience religieuse de Jésus il n'y a pas seulement la conscience de son unité avec le Père, mais il y a aussi l'expérience humaine de l'être créé en face de Dieu.

Quand l'homme est vraiment passé par l'expérience  anéantissante de simplement être
 et, plus encore, quand il a appris de l'intérieur qu'il est inclus comme « fils » dans l'unique Fils, 
ce serait pure folie que de reculer encore pour  préserver son statut de créature et son identité personnelle.

 Au contraire, seule une plongée toujours plus audacieuse dans l'abîme même de l'Être et dans le Mystère total du Fils  permet d'espérer se retrouver .

Eckhart  dans ses traités dit que "La bien-aimée du Cantique dit qu'elle a gravi toutes les montagnes : elle signifie par là un dépassement de toutes les raisons, de tout ce que peuvent faire ou atteindre nos facultés jusqu'à la vertu ténébreuse du Père où cesse toute raison, là où son coeur devient sans fond

 La vie ne peut être recouvrée qu'au travers de la mort,
 le gain au travers de la perte,
 et l'Être ne peut être atteint que dans le rejet de tout semblant d'être. 
Tels sont les paradoxes de l'Évangile, du Message qui indiquent clairement l'unique voie d'accès au Réel (sat) et à l'ultime Vérité (satyam).

La contemplation du Mystère  permet à l'homme d'entrevoir dans les profondeurs de l'Être des abîmes que nulle intelligence humaine ne pourrait soupçonner 

Et la contemplation du Mystère de la création plonge plus avant encore, pour ainsi dire, dans l'intériorité de Dieu.

 Seule la Parole  réussit à persuader celui qui est passé par l'expérience du Soi dans son total esseulement, qu'
il existe encore comme conscience personnelle unique, en son individualité de créature.

Et le Père Le Saux nous confie:

"Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il serait vrai de dire que ce n'est pas l'existence de Dieu, de l'Absolu, qui constitue l'objet de la foi.
 Nul ne peut mettre en doute l'existence de
Cela qui est...
 
En fait, l'affirmation de Dieu est incluse dans le Je même qui s'élève de chaque conscience en son premier éveil,( quelqu'en soient les formulations)
 
L'objet réel de la foi
 - et d'une foi bien difficile pour qui a été touché par le feu consumant de l'Être - 
est de croire à sa propre existence en la présence du Seigneur Dieu,
 pauvre et faible créature que l'on est face à ce qui est réel et durable".

  La création du monde n'est pas une vérité philosophique encore moins une hypothèse scientifique mais c'est un article de foi
 S'il y a un Mystère de Dieu, il y a bien davantage un Mystère de la créature

 Là aussi un postulat de  foi est nécessaire pour admettre en dehors de Dieu,
 à côté de Dieu 
quelque chose d'autre que Lui

alors l'individu existe-t-il ?
n'est-il point l'illusion que proclament les bouddhistes ?


et pourtant...

Le Tu que le Père adresse éternellement à son Fils et par lequel il l'appelle à l'être ne pouvait pas ne pas être prononcé...
c'est le même Tu par lequel il appelle l'humanité à l'être  et qui aurait pu lui à jamais rester non prononcé. 

 La libre volonté divine est
"au delà" de tout questionnement...
 et nous sommes confondus lorsque nous cherchons à comprendre la distinction entre ce que Dieu n'a pas fait et  ce qu'IL aurait pu faire, 
et ce qu'IL a fait et qu'IL aurait pu ne pas faire.

La nécessité pour l'Être d'être un « être-ensemble » (koinonia ) est la spontanéité la plus pure qui puisse être pensée.
Cette liberté même, cet amour spontané semblent inscrits  profondément au coeur de Dieu

 Dieu appelle à être des créatures qui, ni à part, ni collectivement, n'ont aucun droit à l'existence. 
En agissant ainsi, Dieu révèle sa nature...

Le don de soi est la marque suprême de la générosité et de l'amour. 
Quand il s'agit de Dieu, c'est le don de soi à ceux qui n'y ont aucun droit,
  même à ceux que le péché a rendu positivement indignes de le recevoir. 
Mais la nature de Dieu est de donner, 
et quand Dieu donne, il ne peut donner que Lui-même.
 Et non pas seulement une partie de Lui-même, puisqu'il est l'indivisible Absolu, l'« un-sans-second », comme disent les Upanishads.
 Quand il se donne, c'est donc Lui-même en entier qu'IL donne. 

Dans l'éternité, le Père se donne totalement au Fils;


Trop souvent les chrétiens ont peur des formules qui leur semblent trop hardies et pourtant qui figurent dans la Bible. Ils n'osent pas croire cela mais 

. « Celui qui s'unit au Seigneur n'est avec Lui qu'un seul esprit » (1 Co 6, 17).
« Alors je connaîtrai comme je suis connu » (1 Co 13, 12).
« Tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu L'Esprit se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu ( ... ) enfants et donc héritiers, héritiers de Dieu et donc cohéritiers du Christ » (Rm 8, 14-17).
« Dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est » (1 Jn 3, 2).

 Les théologiens eux-mêmes interprètent ces textes et les diluent,
doit -on diluer aussi la formulation « Le Verbe s'est fait chair » ? 
 

Au centre même de son être,
 là où l'homme est image de Dieu, un soi, une personne,
 il est au-delà de tout conditionnement et de toute contingence,
 sans limite temporelle, incirconscrit,
 et si intimement uni à l'Esprit divin, que c'est Lui l'esprit divin qui agit
en et par lLui en toute spontanéité et liberté. 

L'Esprit tout puissant de Dieu dirige
du dedans toute l'évolution cosmique ( par le génome interposé ?.. peut-être...et si l'ego n'y met point trop d'embûches)
 c'est Lui qui a ordonné l'univers en vue de l'Éveil au soi de l'homme  et qui agit dans les motions intérieures de tout être conscient,
   qui guide son développement depuis les degrés les plus élémentaires de la perception sensorielle jusqu'à la pure intuition de l'être en la conscience de soi. 
Ainsi, l'Esprit mène tout, dans l'univers comme dans les individus qui le composent, jusqu'à cette ultime maturité et leur plénitude eschatologique, au «
Tout en tous >>

La pensée grecque ne peut comprendre que Dieu ne s'identifie pas avec la raison qu'elle a découverte au fond des choses. 
Mais Dieu se rit de la raison grecque comme de tout rationalisme. 
C'est pourquoi il se présente à l'adoration de l'humanité comme un objet de moquerie et pendu lamentablement à un gibet.

L'advaita dépasse la pensée grecque,
 mais le philosophe védantin,  essaye lui aussi de circonscrire Dieu,
de circonscrire  l'Absolu, dans les limites de sa propre expérience.   !
Il affirme que, dans sa vérité ultime, le Suprême ne peut être dit car il est insaisissable, impensable, innommable, etc.,

... comme si Dieu pouvait être défini, et délimité, ne fût-ce que négativement.!!!

Cependant, l'Être qui ne peut être nommé, dont on ne peut parler, se dit et se nomme lui-même à ses créatures.... 
L'Être est celui qui au-delà de tous les signes, se manifeste en son incarnation !
non pas une fois dans l'histoire...mais son incarnation en chaque être !

 L'homme au plus profond de lui-même est ainsi un miroir en lequel Dieu se contemple éternellement.
 et il ne pourrait être l'image de Dieu si Dieu ne resplendissait pas en lui dans toute sa splendeur. 
Il ne pourrait être la véritable image de Dieu, si la gloire de son Fils unique  n'irradiait pas en lui dans toute sa Plénitude. 

Il y a  en outre un réel échange...
 Le Père et le Fils se contemplent mutuellement d'un double regard.
 Le Fils, reflet  du Père, lui rend cette même gloire du fond de sa totale liberté, spontanéité et amour.

 Quant à l'Esprit, aucune langue humaine ne pourra jamais décrire son ineffable relation avec le Père et le Fils. 
C'est tout autre chose qu'une relation Je-Tu.

  L'Esprit,  c'est le Mystère même
 c'est ce qui fait que le Père et le Fils, tout en étant mutuellement « autres », ne sont pas comme deux entités qui pourraient se compter,
,
mais demeurent non deux, en leur altérité même.
et sont en advaïta

  L'Esprit est comme le fruit de l'unité et de la non-dualité de l'Être, présent au coeur du Père et du Fils. 
 le Mystère de leur inséparable et indivisible unicité. 

Il est l'Amour infini qui ouvre l'Être en face à face pour que l'Amour s'exprime,
et celui qui le clôt en non-dualité pour que l'Amour se consomme.

L'homme s'éveille à lui-même dans cette relation du Père et du Fils en laquelle tout ce qui existe
a son origine.
 L'homme ne peut recevoir passivement cet Éveil, comme s'il s'agissait de quelque chose venant de l'extérieur;
  il doit être la libre réponse d'amour à l'incessant et libre appel de l'amour infini de Dieu:
 Il doit être pure spontanéité de réponse

Dans l'Éveil de l'homme à lui-même et au Père, il n'y a pas deux agents (dieu et l'homme) oeuvrant indépendamment et complémentairement...mais UN SEUL grâce à l'Esprit


La liberté divine créa l'homme de rien. 
Dieu créa l'homme pour qu'il se tienne, libre face à Lui, reflet de Lui-même et partenaire potentiel, comme dit la Bible. 
Dieu fit l'homme si radicalement libre en sa Présence que celui-ci est même capable de se refuser à Dieu, et de lui refuser la réponse d'amour qui est le but de sa création.
 Ce qui signifie aussi que, pour autant que cela dépende de lui, l'homme est libre de refuser d'être.
 
Naturellement, il ne peut directement refuser l'existence ( quoique désormais...)
mais, en tant que créature, il est en son pouvoir de refuser le don de soi en retour 
de refuser la réponse d'Amour en laquelle l'Être divin s'accomplit en l'Esprit.

 Ainsi, l'être créé a la possibilité d'objectiver Dieu,
 de le regarder comme un autre. 

Il se trouve alors dans une situation inconcevable : 
il refuse d'être alors qu'il lui est impossible de ne pas être.
 Il se trouve dans la condition
d'un être qui se détourne de lui-même!
ce qu'on appelle le péché

Mais, L'Amour de Dieu suit le pécheur jusque dans son refus essentiel.
et les psaumes chantent sans fin la miséricorde et la vérité-fidélité de Dieu,
car par ce refus  l'homme  entrouvre en Dieu des abîmes nouveaux d'amour et de compassion. 
qui furent illustrés lorsque le Verbe fait chair aima les siens « jusqu'au bout
et le rôle de  la Croix

Ce n'est qu'au plus profond du coeur de Dieu que l'homme peut découvrir et recouvrer son identité personnelle, en tant que tel homme déterminé,
 tel pécheur, 
tel homme racheté, 
tel fils de Dieu. 

Tout ce qu'il savait de lui ou de Dieu avant son expérience des profondeurs n'était qu'ombres obscures entrevues dans la nuit dont on se contente tant que l'aurore n'est pas encore apparue 
Mais à présent, il voit toutes choses dans la Lumière véritable,
 dans le Verbe lui-même,
 la Parole en laquelle "Dieu disant" dit tout,
 il a une connaissance directe de soi et de Dieu ,du genre humain et de l'univers.


 En Dieu il trouve le but de son existence, son identité personnelle, son propre nom, le nom nouveau qu'avait annoncé Isaïe et dont parle l'Apocalypse .

Au-delà de tous ces signes, au-delà de tout voile, il se découvre au Mystère même de Dieu, Père, Fils et Esprit , expression unique et irremplaçable, en sa singularité même, de l'Être et de l'Amour de Dieu.

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