Benoît revint alors au lieu de sa solitude bien-aimée, et seul, sous le regard
du souverain Juge, il habita avec lui-
même nous dit Saint Grégoire le Grand
Dans ce texte tiré
d'intériorité et Révélation publié avec l'accord des éditions Présence
Le Père Le Saux invite les chrétiens sur de nouvelles voies conformes au
Message originel ...
en passant par la réflexion indienne il en arrive à éprouver l'Ultime en
soi... et par cette plongée au fond de soi à plonger simultanément par
le dedans en toutes les créatures, en tout le créé...
..." à me sentir les autres ! "
+
au Soi qu'il faut penser,
sur le Soi qu'il faut méditer.
C'est en sa connaissance qu'est connu
tout ce qui est(...)
Mais ce par quoi tout est connu,
par quoi, lui, le connaîtra-t-on?
Celui-qui-connaît, par qui sera-t-il connu?(...)
Cet impérissable, ô Gàrgi,
c'est le voyant qui n'est point vu,
l'entendant qui n'est point entendu,
le pensant qui n'est point pensé
(Brihadùralyaka Up. II, 4, 5 et 14; III, 8, 11)
d'utiliser pour
sa méditation et surtout pour
passer au-delà, cette inspiration si féconde
de la pensée religieuse de l'Inde ?
Une purification du concept est bien
entendu nécessaire...
car un chrétien a du mal à accepter cette
unité dans l'essence du soi de l'homme et du Soi du Seigneur Suprême
de
même cette sublimation du soi de l'homme en le
Soi de Brahman (l'Absolu) au moment de la 'réalisation' ( de l'Éveil),
sans qu'il y ait
place pour aucun reste, selon la conception de l'école shankarienne.
Cependant...
cependant la transcendance de Dieu ne saurait voiler son immanence.
Transcendance et immanence se tiennent mutuellement,
ou plutôt elles ne sont que
deux aspects - au niveau de l'homme - de l'unique et indivisible Être
divin.
et qui toucherait à l'une par crainte de ne pas suffisamment sauvegarder l'autre,
les ferait s'évanouir à la fois l'une et l'autre.
Dieu n'est le
Transcendant que parce qu'il est le Suprême Immanent
- et réciproquement -
présent en notre esse (être) lui-même,
c'est-à-dire au plus intime
de nous-mêmes,
comme cause totale et indistante.
« L'être est en chaque
chose ce qu'il y a de plus intime et de plus profondément inhérent» (St Thomas, Somme théologique, 1,8,1,) ;
<<par sa substance Dieu est présent à tout comme cause d'être»
« l'essence de Dieu est de son être même... l'être même est
l'actualité de toutes choses »
.Dieu est présent au plus intime de ce qu'il y a de plus intime en nous,
et non pas certes à la façon d'un « corps étranger »,
mais comme créateur,
comme réalisateur,
comme la cause même de cette « intimité »,
Présence constitutive -(au sens le plus fort du terme ) de ce qui constitue
le plus intime,
le plus profond,
la source,
le jaillissement même de notre
« moi »,
le fond de notre « soi ».
Pour le jnani (celui qui sait, le sage, l'éveillé),
il n'est qu'une
réalité en ce monde de
maya (d'illusion),
en ce monde du créé,
c'est le lent et irrésistible cheminement des êtres vers le Soi
,
vers le Réel (satyam),
vers le Sat-cit-ananda (= être-conscience-Félicité
)
effort suprême de la pensée hindoue pour pénétrer le Mystère de l'Être,
du Soi...
la lente rentrée dans le dedans.
L'histoire du monde,
dans ses mouvements les plus amples,
comme dans ses événements les plus minimes et les plus individuels,
n'a d'autre sens
que cette remontée des êtres à leur Source.
Le jnani, le renonçant, l'éveillé qui désormais SAIT
ne connaît plus les êtres que dans cette
Source,
et il n'est plus témoin de leur devenir, sinon au regard de cette Source,
de laquelle ils viennent, deviennent, et finalement "sont" dans la mesure même où ils l'atteignent...
la connaissance matutinale des Anges dans le Verbe, comme l'énonçait, émerveillé, le grand Augustin.
Les
mystiques chrétiens
eux aussi ont vu partout le symbole de cette
remontée à Dieu, et aussi dans l'histoire du peuple élu, dans les livres de la Révélation.
Est-il autre thème aux « Homélies
sur l'Exode » d'Origène, ou à la « Vie de Moïse » de Grégoire
de Nysse ?
N'est-ce pas ainsi encore que Jean de la Croix expliquait
et goûtait les Psaumes ?
Ainsi fera le jnani chrétien, qui, des symboles de la liturgie
et des images et figures de l'écriture, en reviendra sans cesse
à l'ultime Réalité,
la remontée des êtres à leur Source,
la rentrée
dans le Soi.
Et dès lors, la richesse de sa prière liturgique,
loin de le distraire ou de lui être à charge,
lui sera aide
toujours
nouvelle pour pénétrer
au-dedans
...
pour sortir du « rêve ».(...)
en ce Centre d'où tout part et où tout converge,
le même
partout,
au centre de chaque Soi,
au centre de chaque Je.
Le sannyasa (la vie monastique et érémitique de renoncement total) est une attente pure de la rencontre dans
ce fond,
de la rencontre de Soi avec le Soi,
l'Avent véritable...
celui qui précède Noël... celui qui précède Pâques,...
le Mystère du
Samedi-Saint...
celui qui précède la Pentecôte, l'effusion de l'Esprit,
et ce Samedi-Saint prolongé qu'est l'octave de l'Ascension.
La joie immense, amplifiante, plénifiante, de l'appel prochain
du Soi,
L'instant qui précède la rencontre de l'Ami, de l'Époux,
du Père, de la Mère,
... qui précède la rencontre du Soi,
l'ultime
et unique re-connaissance
L'instant aussi de notre imagination assurément...
mais le rêveur'
n'est-il pas obligé de 'rêver' pour essayer de saisir la réalité
?
l'instant où le Verbe est sur le point d'être,
jaillissement du
Shùnyata (du non créé, de l'inagencé, du "vide") divin,
prêt à sa rencontre avec le Père, sa Source,
dans l'unité de l'Esprit...
sa Source, qui hors de son propre jaillissement d'elle n'est pas...
Il n'est d'événement en la vie, grand ou petit,
en la vie de
l'homme comme en la vie de l'humanité, qui ne soit approche
de Soi.
Et c'est par le jeu de la lila (jeu de dieu dans et par sa création) divine que le Soi, en chaque
instant, en chaque acte, se réalise.
Chaque instant, chaque acte,
débouche sur l'Éternel.
( et est recherché inconsciemment comme tel)
Pour qui a passé satori, l'illumination, l'éveil , il n'est plus partout que le
Soi !...
Soi dans l'eau qui
coule, dans l'herbe qui pousse,
Soi dans le nuage qui passe, dans
l'enfant qui chante...
chaque oeuvre de chaque être, se fait
'pas
'
foulée par
lequel le Soi va au-devant du Soi, et où se réalise la Divine
Génération...
« 0 la chose merveilleuse !
0 la chose surnaturelle!
0 la chose miraculeuse!
Je ramasse du bois et je tire de l'eau... »
Hô-Koji
Qui s'est éveillé au Soi, ne saurait plus désormais voir autre
chose que le Soi.
Le jnani ( l'éveillé) voit le Soi en chaque être...
en tous les êtres.
Tel est le sens ultime du nirmamo nirahamkara (du sans 'mien' ni 'je').
Et cela est essentiel au sannyàsa. ( à la vie de renoncement)
Une ascèse
qui n'y tendrait pas ne serait pas authentique.
Plonger en soi,
Plonger au plus profond de soi.
Oublier son propre je ... son propre moi.
Se perdre dans le JE du SOI divin qui est à l'origine de mon être...
de la conscience que j'ai
que je suis.
Et dans cet JE primordial ...unique,!...
sentir soi et non seulement ...
mais siens tous les êtres. !
C'est là que prend sa source , la non-violence , l'ahimsa
la jiva-karunzi,
la bienveillance envers toute forme vivante,
la charité aussi : « Aime ton prochain comme toi-même ». « Aimez-vous comme je vous ai aimés. »
Le commandement du Sauveur atteint ici une plénitude de sens
et une profondeur ailleurs insoupçonnées.
Le Christ, mon Sad-guru , mon maître spirituel, s'est senti, se sent alors en son
âme d'homme...
se sent en son "esprit"...
mystérieusement vivant...
profondément vivant...
fondamentalement vivant...
en chacune des créatures...
en chacune de « ses » créatures.
« De même que je vis par le Père,
celui qui me mange vit par moi » (Jn.6,57).
<< C'est véritablement le Christ qui vit en moi » (Gal.2,20).
·<<Tout a été créé par Lui,
tout a été créé en Lui,
tout subsiste en Lui » (Col.1,16-17).
En la " conscience" en quelque manière universelle de
son Sad-guru, le sannyasi chrétien se perd... et se sent en Tout.
Et le Christ lui aussi s'est senti ainsi UN avec le Père...
« afin qu'ils
soient un, Père, comme Toi en Moi, Moi en Toi... Toi en Moi, Moi
en eux, qu'ils soient consommés en un ,> ( Jn. 17,21,23).
Car Dieu ne peut pas "sentir" (si parler ainsi peut être permis) les êtres créés « autres »
que Soi-même....
Dieu a "conscience" en Soi des créatures.
Il est vraiment le Soi de chaque créature et de toutes.
Alors...
Alors il faut descendre
descendre encore au plus profond de moi, dans le Soi divin,
fondement de mon moi,
et embrasser tous les êtres dans la non-dualité
(advaita) du Réel, de l'Être...
« Sentir miens tous les êtres, me sentir le Soi de tous les
,êtres »
Cela ne signifie pas les sentir comme appartenant au personnage
apparu sur terre sous telle latitude, sous tel méridien, en tel
instant des conjonctions et mouvements planétaires,
et actuellement sis en tel lieu.
Ce moi de surface qui est tout de Maya (illusion), !
Ce moi est sans importance dans l'ordre du Réel.!
Il est assurément
le jouet de la plus étrange des illusions celui qui taxe d'orgueil
la méditation de la mahavakya - la grande sentence upanishadique
-. aham brahma asmi :
je suis Brahman;
( je suis Dieu)
Car en fait
il n'y a pas
en vérité d'humilité plus profonde
ni d'anéantissement plus total
de soi,
ni d'anéantissement plus total du moi,
que l'humilité et la renonciation à soi que
suppose la récitation fervente et sincère de ce mantra, de cette
formule sacrée...
Car...
car c'est seulement une fois remonté , ou plongé en mon véritable
Soi,
mon Soi divin,
que j'ai le droit de répéter :
aham brahma asmi.( je suis dieu)
Et c'est seulement une fois remonté - ou plongé - en mon
véritable Soi,
mon Soi divin
que je peux aussi plonger au sein
de toute créature,
à la façon dont y plonge en son éternité,, Dieu lui même...
Cela ne pourrait-il pas se traduire par avoir pour chaque créature
les sentiments de Dieu lui-même ?
Hoc sentite in vobis quod et ii
Christo Jesu (Phil. 2,S) : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui
furent dans le Christ Jésus »
Tout cela suppose l'habitude
et surtout la grâce
la grâce du "recueillement" au Soi divin.
Alors seulement...
Alors seulement dans le mystère de la Sagesse, l'on peut se répandre, sans se
perdre...
N'avoir plus pour les êtres que le regard de Dieu.
Et pour
ce, n'avoir plus déjà pour Dieu - et pour soi - que le regard
de Dieu sur soi...
.
N'est-ce pas d'ailleurs cela essentiellement la vie éternelle?
« connaître Dieu
comme il se connaît Soi-même »
; « mais alors je connaîtrai comme.
je suis connu » (1 Cor. 13,12) ?
« Nous le verrons tel qu'il est
(1 Jn. 3,2).
Le sannyâsi (le moine qui a renoncé à tout) est celui qui a centré sa vie, sur la connaissance de Dieu, de l'Absolu,
sur cette conscience ineffable que Dieu a de Soi-même,
et que l'homme ne peut atteindre qu'une fois dégagé
de toutes les surimpositions , de toute l'attribution du non
réel au Réel.
Le yogi tâche pour cela de se libérer des tourbillons de son
imagination et de ses concepts mentaux ,
de réduire son
activité psychique à la seule conscience de Soi-même...
et dans
- ou bien de - l'infinitude de sa propre conscience, de plonger en la conscience et le Soi
Suprême.
Tout cela suppose la discrimination du
Réel et de l'irréel
la renonciation à toutes joies et délices hors du Réel et de l'éternel,
l'égalité d'âme à l'égard de tout
,
et le désir ardent !
...les quatre principales disciplines spirituelles....
La grâce n'est bien sûr pas absente.
La grâce c'est l'appel à l'état de désir ardent de libération
(moksha), au
Vrai, à la Compassion envers tous,
à la Perception de l'irréel et du Réel
La grâce c'est le mumukshutva, le désir de Dieu qui est en même
temps don...
Dieu est pure Conscience,
Me sentir les autres ...
cela ne signifie pas m'imaginer être les autres
les autres d'ailleurs, qu'est-ce que cela veut dire ?
Profondeurs au-delà de l'imagination et du concept lui-même....
Pas de
transposition imaginative, mais seulement pure effluence d'une Réalité...
Ne pas
se sentir
les autres comme si l'on était Dieu !.
Le conditionnel le passé, le futur, la distinction du nombre et des personnes
tout cela c'est maya c'est illusion !
il n'y a qu'un
verbe
et il n'y a qu'un
temps...
il n'y a qu'un
mode ...
il n'y a qu'une
personne,
asmi, sum... Je suis.
« Ego sum qui sum », Je suis celui qui est (Ex. 3,14).
Alors?
Alors il faut rentrer dans les êtres par le dedans, à la
manière de Dieu lui-même.
Dieu rentre... EST dans les êtres ...
comme Paix, Bienveillance et sans second
,
Sagesse, Vérité, Infinité
Être, Penser, Béatitude
sat, cit, ananda.( être, conscience, béatitude)
Telle est la « bénédiction » de Dieu.
Telle est la « bénédiction » de celui qui est un
avec Dieu.
Et comme Dieu, il bénit sans parole.
Il est et il bénit.
Car rentrant au-dedans, il
est... et
fait être au-dedans...
+
extrait de Intériorité et Révélation paru aux éditions Présence
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