« Ils le trouvèrent sur l'autre rive ».
(jean, 6.25).

Passer sur l'autre rive, suivre le cheminement du vrai voilà ce que je vous propose à la suite du Père Le Saux moine bénédictin et ermite

Au milieu des immenses paysages du Réel, de ses contrées infinies, au travers de l'expérience simple de son coeur, en union avec tous les hommes et les femmes  de toutes confessions de cette terre, sans oublier tous les êtres  aux perceptions autres et diverses  son itinéraire nous trace la voie avenir de la religion de Vrai !

On sait que le père Le Saux moine bénédictin avait décidé au milieu de sa vie d'aller vivre en Inde comme ermite Il est à mes yeux le plus bel exemple contemporain du Vrai par son engagement érémitique bien sûr mais aussi par son soucis constant de dépasser les images, les concepts, les mythes comme seuls peuvent le faire ceux qui ont vécu "de l'intérieur" par un long séjour en un pays étranger dans d'autres civilisations et d'autres cultures...

Pour débuter je vous propose ce texte en  guise de méditation- prière, elle vous mettra de suite en contact avec les images de l'hindouisme les termes qui lui sont si spécifiques et qu'il convient d'adapter à notre mode de penser occidental et à notre religion chrétienne et qui sait nous projeter dans un style inimitable vers l'Essentiel

Il est extrait de Initiation à la Spiritualité des Upanishads éditions Présence que nous remercions à nouveau

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« La montée vers la Source, le passage à l'Autre Rive », sont toutes des images transmises depuis nos Pères pour conduire l'homme par la voie des symboles jusqu'aux réalités les plus intérieures.
Le retour aux origines... l'atteinte aux consommations.

La vie n'est que montée... la vie n'est que passage...  la vie est une Pâque.

Juste le temps de poser le pied et toujours repartir.... Au-delà.

L'homme ne vit-il pas que dans son dépassement.
Et il ne s'atteint qu'en se perdant.

C'est pourquoi, dans le mythe hindou, Shiva est le Grand Libérateur...
 Juste parce qu'Il est le Grand Destructeur...
 Celui qui danse sur les champs crématoires et porte au cou un collier de crânes, symbole de la Mort qui tranche tout !

Lui pourtant...
 Shiva le Bienveillant, comme le méditent les Upanishads ,
 Shiva l'Amour, (...)

( Shiva est cité dans ce texte...mais pour le chrétien la même entité serait  nommée Dieu Amour et Dieu Sauveur...)

Il est Celui qui dépouille de tout, 
qui ne permet  de demeurer à rien de ce qui n'est pas
qui fait sans arrêt passer au-delà,... cela qui simplement devient.

Il est le Temps qui emporte l'homme et l'univers dans une ronde
Ronde inexorable, qui fauche l'instant qui passe, pour permettre de naître à celui qui suivra.

C'est Lui qui empêche la Vie de « coller » jamais,
et qui empêche l'homme de ,s'accrocher à l'instant fugitif.

C'est Lui qui rompt toutes les attaches et qui détache tous les liens,
tous ces liens qui retiennent l'homme à cette rive-ci, où il
prétend qu'il se trouve si bien !


Shiva ...

Shiva est Celui qui libère de l'instant en faisant passer l'homme dans le Présent.
Car en réalité, l'Être n'est-il pas toujours présent ?

 Les origines ne sont pas dans un passé dépassé, mais dans
le Maintenant
 Et l'autre Rive n'est-elle pas déjà atteinte ?

La voix n'a-t-elle donc pas retenti qui rappelle les morts à la Vie  ?
(Jean, 5, 25) 
et l'heure n'est-elle pas venue pour que l'homme adore Dieu en esprit et en vérité ?
(Jean 4, 23).
L'homme si souvent se débat à la recherche de Dieu et de soi. 
Et si souvent hélas ! manque à la fois et Dieu et soi....

Il cherche Dieu dans un coin de l'espace.
 Et Dieu remplit tout l'espace !
 Il est en dehors de tout espace. !

Il cherche Dieu dans un point du temps...
 dans un passé qui fut... 
dans un avenir qui sera.... 

Et Dieu est en dehors de tout temps ! 
Et l'éternité est présente à chaque moment du temps !
«Le plus petit abîme » .
 
Pour l'atteindre ?
Il faut savoir sauter juste ce qu'il faut sous peine de manquer son coup...
 et de se retrouver trop loin encore...
 sur une « autre rive » qui n'est point la vraie.

Dieu est tout proche.... 
C'est pour cela que l'homme le manque constamment !

Il en fait un objet,...et Dieu lui échappe !
Il en fait une pensée... 
Mais la pensée passe à côté de Dieu....

Ainsi Magdeleine était trop occupée à penser à Jésus pour, pouvoir LE reconnaître dans le jardinier du Mont Calvaire....
Et Cléophas lui aussi avait la mémoire trop occupée de Jésus pour savoir que c'était Lui le promeneur d'Emmaüs... (...)

Mais bienheureux, dit-il à Thomas, ceux qui le reconnaîtraient du premier coup !

Qui l'a reconnu en soi l'a reconnu en tout !
Tout est pur pour le pur.
 Et tout rappelle irrésistiblement l'Esprit à qui fut un jour frôlé de l'Esprit.

 Non sans doute qu'il ne soit sensible aux différents degrés de rayonnement du Seigneur transfiguré.
Il  sait que la pleine Lumière ne luit sur terre que lorsque s'y fut incarné Celui en qui le Père dit aux origines : Fiat Lux,- Que soit la Lumière

Et il sait aussi que l'Esprit ne fut donné en plénitude aux hommes qu'à la suite de la Résurrection du Seigneur.

Cependant sous le signe, partout, il ne peut pas ne pas reconnaître et adorer Celui qui est signifié.
Sa foi supplée à l'insuffisance du signe. 
Ou plutôt c'est en sa foi même que le signe obtient sa Vérité

Qui fixe le soleil en plein midi ne peut plus voir nulle part après  l'éblouissement du soleil.

Plus encore, toutes les couleurs ne sont-elles pas le reflet du soleil ? 
Même le noir, ce refus de la lumière, est signe du soleil, 
car sans le soleil et la lumière il ne pourrait même être et nul ne pourrait le voir....

Le Seigneur est répandu partout. « Sa course s'étend du Levant à l'Occident »
(Ps. 19, 6).
Partout Lui et Lui seul.
 Et pourtant au sein de tout,
Il est à part de tout.

(...)
L'Église elle-même ne possède pas l'Eucharistie.
 Elle est au service de l'Eucharistie.
Et elle ne l'offre que pour que le monde passe, par l'Eucharistie,
du signe qu'il est à la réalité à laquelle il est appelé
à être.

Et le fidèle ne communie que comme liturgie de la création.

Le chrétien a  la charge de communiquer à son frère la Gloire qu'il a reçue en partage. 
Cette Gloire est en lui prégnante de sa manifestation. 
Elle ne brille même en lui que dans la mesure où elle rayonne au-dehors.

Mais pour que le chrétien puisse faire part à son frère de son Message et lui communiquer cette Gloire, il lui  faut aller le chercher et rencontrer ce frère là où il est déjà
là où l'esprit l'a conduit...
au fond de la grotte d'Arunâchala 
( montagne sacrée où le Père Le Saux connut l'Illumination)
sur l'autre Rive de soi...
à la Source !

Là seulement il pourra faire savoir à ce frère qu'au plus profond de la grotte d'Arunâchala, il y a le Coeur du Christ,
que la Source, c'est le Sein du Père...
l'Autre Rive
Là où Il attend...

 

L'AUTRE RIVE...


« Ayant pris le OM (
la syllabe sacrée permettant d'exprimer de manière approchée et la plus précise qui soit l'Être) comme esquif Pour traverser l'espace de ton coeur
 et atteindre à l'autre Rive,
 à l'espace plus au-dedans qui graduellement s'éclaire, 
tu entreras dans la demeure de Brahman... »

« ... au bord le plus lointain de l'Au-delà ».
« ... le Support de tout, 
à la forme inconcevable, couleur de soleil, Celui qui est au-delà de la ténèbre ».(...)

L'autre rive...
Toutes les oeuvres qu'opère l'homme, c'est pour passer à l'autre rive...

Qu'il le sache ou bien qu'il n'y pense point.
Il y passe en rêve, 
il y passe au monde des mythes et des symboles, au monde des signes, porteurs de la Réalité.

Ainsi les Hébreux passèrent-ils la Mer Rouge,
et le désert - une mer aussi - 
et le Jourdain, celui-ci que Moïse lui-même ne put traverser...

Il passe à l'autre rive de son coeur dans le grand sacrement l'Univers et de l'Humanité.

Chaque homme qu'il croise et chaque être qu'il frôle, c'est son Passeur,
et tout ce qu'il vit dans les événements du monde, dans l'histoire des hommes et dans sa propre histoire, au-dehors de soi comme au-dedans de sa pensée,
c'est le passage à l'autre rive de soi,
 aux profondeurs de soi-même inaccessibles à sa propre conscience.

Car
« Il est » autre que soi,
autre que tout ce qui lui apparaît de soi,
autre que tout ce qu'il pense de soi,
autre que tout ce qu'il peut atteindre de soi,
et cette évidence le déchire...
depuis que... comme dans un éclair, elle éclaira les abîmes de son  être,
que, foudre en même temps, elle entrouvrit en les brisant

Et c'est profondeur,
 et c'est « latitude » 
et c'est « altitude>>
- qu' importent les mots où les savants veulent enserrer les secrets du dedans !

car nul ne les comprendra qui d'abord ne s'y reconnaîtra
et qui, un jour, au dedans, n'aura vécu soi-même l'agonie béatifiante...

La descente aux abîmes où rien n'est plus vu, pas même soi !
... 
...Remontant alors des abîmes à la Lumière et se retrouvant « soi » :

la Pâque !


« réveillé », je me retrouve en Toi,
resurrexi et adhuc tecum sum chante l'introït de Pâques !


Car « Il est » autre que soi, et pourtant
il est, 
n'est-il pas au plus profond de soi ?

Et les hommes s'amusent, s'agitent 
et les hommes font la guerre, font l'amour, font l'argent, 
et les doctes discutent 
et les scribes légifèrent...

J'ai regardé partout sous la voûte des cieux 
et nulle part n'ai vu que vanité, dit Qohélet.

Descente aux Enfers et  remontée au matin de Pâques ...

Car il faut descendre au fond de l'abîme pour s'éveiller à l'autre rive, 
celle à qui il n'est point d'autre.

Cet Autre
Cet « Autre » au fond de moi à qui il n'est point d'autre,
 l'Être, le Soi.

Mais l'autre rive, il faut l'atteindre seul,
 nu 
nu de la nudité de la pierre, 
nu de la nudité du verre, 
nu de la nudité de soi.

L'oeuvre fut commencée au sacrement de l'univers et poursuivie au sacrement des hommes et accomplie au sacrement de l'Église.

Et dans la force de ce dernier sacrement, l'homme plongea dans l'abîme.
Par sa Foi.

Mais là il laissa tout, 
tout
tout ce qui le vêtait, 
tout ce qui l'ornait, 
tout ce qui le cachait à soi-même, le parant ou le voilant.

Tout lui fut arraché, 
son corps lui-même dans la mort,
la joie même de se sentir aimé de Dieu,

Deus meus ut quid me dereliquisti ?
 ô Père, pourquoi m'as-Tu abandonné ?

 Laissé des hommes et laissé de Dieu, 
Seul avec soi, 
Seul, 
infiniment seul.

Là il découvrit la solitude du Seul, 
et la solitude de l'Être, 
et la joie D'ÊTRE, 
et la Paix de l'Être, 
et la Liberté de l'Être.

Il s'éveilla alors...
 il n'était plus d'abîmes, 
il n'était plus de fleuve,
il n'était plus de rives, 
Arunâchala avait disparu, 
« Il était ».

Et ainsi il aborda à l'autre Rive.
En ce fond de soi où l'on est,

avant que nulle fondation n'y fût creusée,
ni que rien n'y fût bâti
de main ou d'esprit d'homme,
et plus fond que tout ce qui fut creusé par l'homme,

avant et plus fond que l'éclosion de tout désir,
avant et plus fond que l'éclosion de tout symbole,
d'image ou bien de concept,
seul avec soi, 
aux origines de son Être,
seul avec l'Absolu,
seul de la Solitude du Seul,
au kevala 
( l'être en sa nudité essentielle)sans nom,

là où l'âme sort des mains de son Créateur,

et hors de Lui,
 en Lui quand même, 
s'éveille à l'être

que Seul Il Est.

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