Vénération de la Croix 


Venant du fond de l'église entre deux chandeliers, voilée de rouge, la croix est solennellement apportée en procession par le diacre ou le célébrant, tandis que la foule chante l'hymne de l'évêque poète Venance Fortunat (6e siècle) : Vexilla Regis... 0 crux ave, spes unîca, saluant ainsi dans la croix la victoire de Dieu sur l'infidélité, le péché et la mort.
"Voicî que les étendards de notre Roi s'avancent. sur nous la Croix resplendît dans son Mystère où dans sa chair le Créateur du monde fut pendu comme un brigand
au gibet des esclaves... Nous te saluons, ô Croix, notre unique espérance!"


En trois étapes, la croix est dévoilée, puis, devant l'autel, tournée vers l'assemblée.
Ce rituel du dévoilement de la croix rappelle que la mort du Christ est un mystère : son sens ne nous est pas immédiatement accessible. La célébration de la Passion de Jésus est ainsi bien plus que l'évocation historique de sa condamnation et de son exécution. Ce dévoilement, loin d'être une mise en scène, veut manifester que seule la foi permet d'entrer dans la signification profonde de cette mort, par la célébration ecclésiale de son mystère. Ce rituel de 1"ostension", l'action de montrer la croix, est suivi par celui de l'adoration. Ce mot est celui retenu par l'Église pour saluer la Présence réelle du Christ dans l'Eucharistie; mais il peut être aussi utilisé en un sens moins chargé : selon son étymologie latine, porter "à sa bouche", comme on donne un baiser, comme on vénère le signe ou l'objet que quelqu'un vous laisse en souvenir de lui. Une telle démarche relève de l'ordre du plus intime, et, loin de prêter à sourire, permet d'exprimer avec le corps, la sensibilité de tout l'être, un élan de l'esprit. Rien d'étonnant si ces gestes nous viennent des plus anciennes communautés chrétiennes du Proche-Orient : leurs liturgies, moins raides que les nôtres dans l'expression de la foi, ne peuvent se contenter de démarches cérébrales, de propositions conceptuelles. Aurions-nous oublié? C'est la totalité de la personne que le Christ appelle à le suivre. La liturgie nous offre ainsi, de surcroît, une grande leçon d'anthropologie.
Pendant que les fidèles s'avancent, à la suite du célébrant, pour embrasser la croix (ou s'incliner devant elle), le choeur chante les Impropères, L'assemblée y répond en reprenant le Trishagion : triple acclamation de la sainteté de Dieu que la liturgie - comme pour le Kyrie - a conservée à travers les siècles dans la langue grecque de ses origines : "Hagios o Theos, Hagios lschyros, Hagios Athanatos, eléison imas. "


"Ô Dieu Saint, 0 Dieu Fort, Ô Dieu Immortel
prends pitié de nous!"


À la fin de ce temps de vénération, le célébrant présente encore une fois la croix en l'élevant au regard de toute l'assemblée. Celle-ci répond par un chant d'acclamation.
Communion
Une nappe est alors étendue sur l'autel. Puis l'assemblée récite le Notre-Père avant de communier aux présanctifiés, c'est-à-dire de
 toutes les hosties consacrées lors de la célébration de la Cène -
L'Église, en effet, ne célèbre pas de messe le vendredi saint : la célébration de ce jour prolonge celle de la veille.


Mise au tombeau


Après la dernière oraison, plutôt que de renvoyer les fidèles en silence, la célébration peut s'achever par un rite inspiré par la tradition byzantine de l'Epitaphios. Dans les liturgies orientales, une effigie ou une réplique du Christ mort, entouré des instruments de la passion et prêt à être enseveli, souvent richement brodée sur un suaire de velours, est lentement portée en procession autour de l'église, parfois à l'intérieur seulement, par le clergé précédé de la croix et de bannières, et suivi par le choeur et toute l'assemblée, cierge allumé à la main. C'est alors qu'on chante le Trishagion sur la mélodie lente et solennelle des funérailles.

Plus sobrement, conformé ment à l'esprit de la liturgie romaine du vendredi saint, la croix qui a été vénérée auparavant par les fidèles peut alors être rapportée au reposoir, tenue horizontalement par le célébrant, comme on porte un mort au lieu du repos, L'assemblée suit en procession en chantant le Stabat Mater.

Quand la croix a été déposée sur un coussin, pour clore la célébration dans l'espérance et la paix, le choeur chante encore un choral où l'Église exprime sa confiante attente de la Résurrection.

Les Impropères

Du latin improperium, qui signifie "reproche", le chant des Impropères accompagne traditionnellement le rite de la vénération de la croix. La liturgie a reçu ces plaintes moins comme un reproche que pour nous faire partager les souffrances de Dieu :
"Ô mon peuple, que t'ai-je fait? En quoi t'ai-je contristé?
Réponds-moi! Tai-je fait sortir d'Égypte, t'ai-je fait entrer en
Terre promise, pour qu'à ton Sauveur tu fasses une croix?

 

Je vous propose tout simplement une longue méditation au pied de la croix