J'affirme la plénitude Unique !...
C'est dans le vaste espace de l'Asie intérieure et de la péninsule Indienne que
près de 2 millénaires avant Jésus-Christ a été proclamé ce message...et s'est
constituée cette tradition...
les premiers Védas... écrits entre le 18e et le 7e siècle avant notre ère...
la décrivent...
les "devas" étaient alors les Maitres
des richesses et des rythmes de la nature...
et les rites magiques savaient les apprivoiser... peu à peu...
sans compter les chamanes qui allaient à leur rencontre...
et en ramenèrent l'étonnant message de l'Unicité...
Peu à peu aussi... les rites trop complexes et
une certaine famine spirituelle conduisirent à unifier les dieux...
alors ceux-ci proclament ...
.
" La Puissante Force dans les dieux est Unique"...cette
force s'est répandue en se diversifiant.."
."l'Unique est devenu tout cela, tout le cosmos que nous voyons..et c'est nous qui
introduisons dans l'énergie du Réel des distinctions et des séparations..."
" avant... Le non-être n'existait pas, et l'être n'existait pas non plus...
il n'y avait ni l'espace ni le ciel ...et par delà...
la mort n'existait pas... ni la vie immortelle...
par sa force intérieure, l'Un respirait sans souffle...
Au delà il n'y a rien d'autre"...
Ainsi les différents textes des Védas s'interrogent...
" Qui connait avec
certitude ? ...Qui pourra expliquer ?
D'où naquit et d'où vint tout ce qui fut produit ?
les dieux ? Eux même naquirent après cette première production !
Alors, qui ? étant exclus hommes et dieux qui peut savoir d'où il est né ?
Personne ne sait d'où le Produit a surgi
Ni même s'il a été produit oui ou non"
Peut- être Quelqu'un...
" Celui qui contemple du
haut du ciel suprême
Celui-là sans doute le sait...
Ou peut-être ne le sait-il pas..."
Ainsi l'audacieuse recherche, rompant sa course s'arrête
tremblante au bord de l'Insondable...
Le problème est posé et l'Inde ne pourra jamais plus s'en défaire...
La collection des Upanishads, prolongement des Védas constitue une immense forêt faite d'apports successifs... ils ne se tairont que 6 siècles avant le Christ...
Pour dire l'Ultime les voyants parleront de BRAHMAN " énergie cosmique objective", principe objectif
de tout être, sa base...
Ils Le trouveront dans des retraites isolées... dans le secret de leur coeur aussi...
et rencontreront Le Soi Suprème tout au fond de leur âme...
Ils parleront aussi de l'ATMAN du souffle de vie... et de son Soi
Et en s'aventurant ainsi plus loin dans les abîmes inexplorés de la méditation... elle en reviendra éblouie ... réalisant ainsi l'illimitation du soi ...
A Brahman, l'immensité de la force objective du Cosmos ...dont l'homme participe par son existence,
l'Atman, immensité de la conscience assume lui en
l'homme tout l'Univers comme idée...
deux face d'une même immensité... d'une même totalité...
ce tout ensemble est SARVAM...
ainsi pour l'Inde au niveau le plus profond ce Tout est aussi et nécessairement Unique:
... EKAM... sans second...
Ainsi quand on demandera qu'est le Brahman... ou qu'est l'Atman la réponse murmurera...
" Si IL est unique et si
je suis,
Je suis LUI dans la mesure ou je suis...
dans la mesure où je ne suis pas LUI, je ne suis pas
Et puisqu'il est sans second, sans division
je ne puis "redevenir LUI" que par une identification totale...
D'où la formule fameuse livrée par le Maitre à son disciple : " Tu es
Cela..."
et quand le disciple arrive à saisir Cela il s'écrie :je suis Brahman !
car finalement qui connait devient... on devient ce qu'on connait
Ceux qui n'ont pas fait l'expérience ne savent pas... nous nous avons atteint
l'Être..".
Quiconque alors considère encore les formes et les objets
multiples de ce monde apparent comme des réalités solides et stables est dans le non
savoir...
Il ne voit pas que ces choses sont des" artifices" du Seigneur...
les "réels limités" ou ce que nous nommons tels... ne sont que des
fabrications de Maya...
Comment arriver alors à une telle expérience du Réel?
Pêle-mêle... rituels magiques, explorations exégétiques, bonnes oeuvres et pénitences, choix d'un état de vie, méditation, ou simple mouvement dans l'ordre du vouloir...
et le poête chante:
"Les Brahmanes qui connaissent cet
Atman passent au delà du désir des enfants... du désir des richesses... du désir
d'avoir les mondes ...
ils vivent la vie des mendiants...
Que donc le brahmane se dégoûte de l'érudition ...et souhaite vivre comme un
enfant...
Quand il en aura assez de l'état d'enfance... aussi bien que de l'état d'érudition...
qu'il devienne un ascète...
Quand il sera dégoûté de l'état d'ascète... comme il s'était dégoûté de l'état
du non-ascète ...
alors il deviendra Brahmane...
Tout sauf l'Atman est en effet misère..."
Ainsi il convient de détruire les désirs limités ...qu'ils
appartiennent au profane ou religieux
Si cette "réalité" est mortelle pour la vraie recherche... quand
on l'absolutise
par contre... elle offre à l'homme qui la rejette des occasions multiples de
dépassement pour se jeter vers l'Ultime...
" En vérité ce n'est
pas pour l'amour de l'époux lui-même qu'un époux est aimé,...
mais c'est pour l'amour de l'Atman que l'époux est aimé...
En vérité ce n'est pas pour l'amour de l'épouse elle même qu'une épouse est aimée...
mais c'est pour l'amour de l'Atman qu'une épouse est aimée..."
il en serait ainsi pour toute chose en ce bas monde illusoire...
" Ce n'est pas pour
l'amour des êtres que les êtres sont aimés...
mais pour l'Amour de l'Atman...
Ce n'est pas pour l'amour du Tout que le Tout est aimé...
mais pour l'Amour de l'Atman..."
Ainsi c'est bien le désir de l'Atman en soi même et en
tout qui doit remplir tout l'horizon du contemplatif...
Ainsi l'homme calme, discipliné, tranquille, tenacement résistant et recueilli voit l'Atman...dans l'Atman ...
il voit tout dans l'Atman...
c'est à dire il voit mon soi ...et le Soi dans mon soi,...et le
Soi en Soi...
...et comme la réorientation du désir par le vouloir est mue et commandée par
une façon de voir...
n'avons nous pas içi une ébauche de grâce ?..
ainsi la perception des objets est dépassé...le cosmos prend lui aussi un sens... tout comme la personne en laquelle une autre vie se vit...
" Cette essence la plus
fine
C'est cela que le cosmos entier a comme Soi
C'est cela qui est la Réalité
C'est cela qui est l'Atman
Cela , toi tu l'es o Svetaketu"
Cette expérience du Tout est parfois fulgurante...
" La forme de la Personne Ultime est
comme la laine éclatante de blancheur, comme une flamme de feu, comme le lotus qui brille
immaculé, comme l'éclat soudain de la foudre.
Oui vraiment comme l'éclat de la foudre est la gloire de celui qui Le connait.
C'est pourquoi on n'en peut donner qu'un enseignement: Il n'est comme rien
d'autre,...comme rien d'autre ( neti,neti)... car il n'y a rien de plus haut que ce qu'IL
EST...
S'il faut Le nommer qu'on dise Réel de Réel
Et vraiment les êtres vivants sont ce Réel...
C'est Lui qui est leur réel !"
Et d'autres textes de dire aussi:
" Il est sans lien
, Il ne dépend de rien...
Il est sans tremblement... sans modifications..."
Il s'agit donc bien d'une liberté bienheureuse qui emplit
l'objet de la vision... et cette vision même...
Libération de tout ce qui diminue ou détruit l'homme
ordinaire...
et surtout libération de ce condensé de tous les maux : la mort...
Ainsi à son épouse qui le voit déraisonner le voyant Yajnavalkya Maitreyt répond:
" En vérité je ne suis pas en
train de déraisonner...
Ce que j'explique est suffisamment intelligible !
Là ou subsiste une dualité l'un voit l'autre... l'un perçoit l'autre à son odeur, l'un
entend l'autre, l'un parle à l'autre, l'un pense à l'autre, l'un comprend l'autre...
Mais là où en vérité Tout est devenu le soi de chacun... alors par quoi ...et quoi
chacun humerait-il ?... entendrait-il ?... parlerait-il ?...penserait-il
?...comprendrait-il...?
Par quoi comprendre Celui par lequel on
comprend tout ?
Par quoi comprendre Celui qui comprend tout ?"
Il ne faut donc pas s'effrayer...
et oser aller sans peur jusqu'aux dernières conséquences...
atteindre l'Âme dans l'âme... cette Âme en mon coeur qui est mienne...
Alors celui dont le monde est le Brahman devient Océan... voyant solitaire... et sans dualité (Advaita)
Là est pour l'être humain le plus haut chemin... le plus haut achèvement... le plus
haut "monde"...
C'est le plus haut bonheur....
( c'est cette voie que le Père Le Saux moine bénédictin
de l'ouest de la France entreprit de parcourir par l'ascèse et la méditation se faisant
Sanyasin dans les grottes quelque part en Inde à Aruyanachala...
et qu'il atteignit... quelques jours avant sa mort... alors qu'il avait été frappé par
une crise cardiaque ...il murmura alors qu'il avait réalisé en lui l'état
non duel... la rencontre du Réel... l'Advaïta)
On peut penser que le monisme de tous ces textes n'est
qu'apparent...
mais sachant combien est difficile la route endurée par ceux qui on pris le chemin ...
on peut penser que leurs expériences contemplatives ont été d'une
profondeur et d'une intensité étonnante...
Il semble qu'au travers de tous les Upanishads on puisse distinguer ainsi deux temps... comme dans la danse de Shiva que nous verrons tout à l'heure...
Dans le premier ,le sage multiplie et approfondit de plus en
plus son approche de l'objet dernier de notre connaissance conceptualisable...
il s'habitue à voir toutes choses comme provenant continuellement
de Ce ou de Celui qui est leur origine et auquel elles s'orientent...
Le contemplatif atteint ainsi une proportionnalité , une co-naturalité à cet
objet Ultime comme l'unique clé explicative de tout...
Peu à peu cette connaissance synthétique Totale où lui même est intégré devient de
plus en plus aisée...
le mouvement est de plus en plus immédiat...
la multiplicité des objets demeure... l'Ultime reste distingué
la contemplation reste contemplation...
Mais certains n'ont-ils pas été plus loin ?...
La contemplation devenant vraiment Mystique ...expérience de la profondeur
existentielle du Soi... d'un élan Mystique vers le Soi et par
lui ... obscurément vers la source de l'être...
Nous sommes renvoyés à Saint Thomas:
" Anima intellegit se et Deum indeterminate et sequitur quidam amor
indeterminatus..."
On atteint alors la position, l'existence de Dieu ...mais
non distinctement l'essence, la nature...
Peut être certaines Upanishads en sont venues jusque là quand elles chantent:
" Cet Atman ne peut
être atteint par un enseignement reçu
Ni par la force intellectuelle, ni par une vaste science
Il ne peut être atteint que par celui-là
que l'Atman même choisit
C'est à lui que l'Atman révèle sa vraie Nature "
N'a -t-on pas là vraiment l'action de ce que nous appelons la Grâce ?
C'est ce que dit lui même le philosophe indien Rhadakrisnan...
" Le Soi suprême est difficile à
connaitre... inconnaissable même à notre esprit s'il n'est aidé...
Il devient connaissable par la révélation qu'il fait de Lui même à l'homme qu'il
choisit...
Ici la façon de voir considère le Suprême comme un Dieu personnel...
elle enseigne une doctrine de la grâce divine...
Quand nous contemplons Dieu dans une attitude de passivité, sans images ni concepts qui
nous viennent d'une autorité ou d'une instruction, une lumière surnaturelle transperce
l'âme et la tourne vers elle même...
Les fruits de la contemplation élémentaires on peut les obtenir par l'introversion, le
contrôle de soi, le recueillement, la prière...
Quand nous montons dans la contemplation, quand survient la vision du Suprême, qui
est" au delà" de la capacité que possède l'âme de la préparer ou de
l'amener ,nous sentons bien que c'est entièrement l'oeuvre de Dieu, travaillant sur
l'âme par une grâce extraordinaire...
En un sens toute vie est de Dieu... toute
prière est faite avec l'aide de la grâce de Dieu.
Mais les hauteurs de la contemplation ne sont gravies que par peu d'hommes seulement... et
seulement avec un degré spécial de la grâce de Dieu...
Si l'inhabitation de Dieu dans les âmes est
une réalité , cette réalité nous introduit au surnaturel...
Si l'âme prend conscience de la Présence de Dieu dans l'âme, cela est dû à l'action
de Dieu dans cette âme...
Cela est audelà du pouvoir de la nature non aidée... le chercheur sent que cette force ne provient pas de son propre soi naturel mais pénètre en lui à partir d'au-delà..."
Depuis les temps les plus reculés l'Inde cherche la
délivrance ...celle
du carcan infernal du Karma et de ses renaissances sans fin ...
Plusieurs voies ont été empruntées...
celles des actions du Karma-Yoga jalonné d'efforts ascétiques et liturgiques qui permet
d'arriver à une renaissance heureuse par les mérites acquis...
Celle du Jnana-Yoga qui développe lui une concentration sur l'UN...
Il s'agit toujours de conquérir ou de reconquérir une science , un
savoir...
Qui connait le Brahman comme le Réel, comme la connaissance, comme
l'infini... celui-la obtient la satisfaction de tous ses désirs...
Mieux encore:
Quand un voyant voit... cette Source qu'est le Brahman...
alors devenant lui même quelqu'un qui sait il dépasse le bien et le mal...
il ne connait alors plus de souillure...
il atteint la Suprême Identité
Mais ce Soi on ne l'atteint pas seulement par
l'instruction, par l'intellection personnelle, ni par l'érudition...
mais seulement par Celui que Lui même choisit...
c'est à celui là que l'Atman révèle Sa véritable personnalité...
c'est ce que l'on nomme Prasada...
c'est la Grâce!
C'est dans le Bagavadgita ...énorme texte ou l'on se perd
... que l'on retrouve cette idée...
la grâce que fait Vishnu-Krishna au guerrier Arjuna en lui apparaissant pour
l'instruire de ses secrets et finalement se révéler en sa forme glorieuse... provoquant
ainsi la réaction bouleversée et ardente du guerrier...
Alors que le guerrier balance entre le chemin de la connaissance et celui de la dévotion,
il pose alors la question que l'Inde porte en soi depuis toujours et pour toujours...
"Certains rendent un culte par un amour solide; d'autres
honorent le Suprême comme le non manifesté et l'immuable... de ces deux sortes de cultes
lequel comprend le mieux la jonction (Yoga) avec le Suprême
?"
...et Krishna de répondre:
"Ce sont ceux dont l'esprit est fixé sur moi et qui me rendent
leur culte dans une constante harmonie et remplis d'une foi suprême..."
mais il ajoute aussitôt :
" les autres vont certainement parvenir à moi... mais ils ont
une tâche plus dure car le Suprême non manifesté est difficilement atteint par
des âmes prises dans un corps...
essayez plutôt de m'atteindre par une concentration répétée... et si vous n'y arrivez
pas adonnez vous aux oeuvres extérieures qui me plaisent...
et si vous ne pouvez même pas faire cela remettez vous entièrement à moi...
contrôlez seulement les mouvements passionnés de votre coeur et renoncez aux
actions..."
il y a bien ici conception personnaliste de la Rencontre...et bien une initiative venant du Dieu...
il ajoute :
" Vous ne pouvez me contempler avec votre oeil humain... c'est
Moi qui vais vous accorder l'oeil divin..."
C'est bien en "prenant refuge en Moi" et " par
ma grâce" que l'homme acquiert la vraie mémoire de ce qui est... qu'il
passera par dessus les difficultés... et acquerra le séjour éternel... la Paix
Suprême...
...mais c'est un long chemin...
Si on voulait détailler les étapes de la rencontre d'amour on noterait aussi:
" ...fais moi
sacrifice... prosterne toi devant moi..
qui m'offre avec dévotion une feuille, une fleur, un fruit, de l'eau...
j'accepte cette offrande de dévotion du coeur pur...
puis prend refuge..fais moi confiance...
arrache toi au monde illusoire et des passions...
concentre toi et médite..
accroche ton esprit en moi...
quoique vous fassiez, que vous mangiez... que vous fassiez une offrande, que vous donniez
une aumône, que vous fassiez pénitence ...faites le comme offrande pour moi...
-ainsi en voyant cette
dévotion totale... cette foi... cet amour...
le dieu accorde réciproquement son amitié et ses faveurs..
.et révèle sa forme divine par l'oeil divin..."
Etonnant non ?
Alors que Brahman est le seul Réel... peu à peu on admet à côté de lui d'autres
dieux: Vishnu, Rama , Krishna ...
ils ont une double forme... celle de Brahman bien sûr...
mais aussi ils s'incarnent dans le théâtre d'ombre du
monde..
ils iront jusqu'a dire:
"mes croyants viennent à moi... Le croyant vient a la Paix éternelle sois en sûr... il ne périt pas "...l'ombre demeure -t-elle ?
Mille ans après les derniers védas et autres uspanishad ...une mise en forme clarifiée voit le jour au VIIIe siècle...c'est là l'oeuvre de Sankara
la démarche en est : " Au début est l'Être
seul et sans second" ...or l'on constate la présence d'êtres multiples et divers...
alors 3 possibilités peuvent l'expliquer...
-soit on abandonne cette affirmation Sacrée... et on cède à l'expérience commune ce qui revient à détruire l'Un...
- soit on essaie de faire cohabiter l'Infini et les finis (
comme les chrétiens)...
cette possibilité est à rejetter...cette idée de création d'un réel ...d'un espace
temps aussi...
les hommes ne sont pas ...et ne participent nullement à l'Être !
-il ne reste alors qu'une seule solution : rien n'est
distinct de l'UN...
conséquence... le Suprême Brahman est la forme propre de l'âme
individuelle...
...Tu es Cela...
forme fantasmagorique... tout l'apparaissant n'est en fait qu'apparent... la Réalité est
sans forme ni couleurs, ni qualités sensibles...
il s'ensuit:
- qu'il est exclu de se fier aux sens et de vouloir tirer quoi que ce soit de leur perception...
-que le recours aux valeurs affectives et aux dévotions religieuses ne sont d'aucune aide...
- que la compréhension du Brahman ne s'obtient ni par le raisonnement discursif... ni par les autres moyens de la connaissance...
- que le vrai moyen de vision de l'étude, de la réflexion, du raisonnement est... l'intuition libératrice... expérience immédiate... connaissance directe autant que totale... illumination... Eveil... Flash libérateur...
" Refoulant l'agrégat
du corps des sens et de l'esprit
le chercheur moyennant l'écriture arrive à réaliser
que cet agrégat n'est pas lui même
que lui même ne fait pas partie de cet existence transmigratoire
mais qu'il est Vrai, le Réel, le Soi dont la nature
est pure intelligence
alors sachant qu'il est lui
même nature de connaissance immuable et éternelle
il s'élève au dessus de cette vaine invention
qui lui fait croire qu'il est un même être avec le corps
Il devient lui-même le Soi
dont la nature est immuable et éternelle connaissance
qui connait le Brahman devient Brahman "
( commentaire de Mundaka -Upanishad)
Néanmoins...
pour Sankara une porte demeure ouverte... même si elle n'est pas la plus haute ...
,pour une intimité avec une figure précisée du Suprême...
pour le désir, la confiance, la prière, voire la Mystique...
Certes Dieu n'est pas Dieu s'il n'est pas le Tout...
et même si nous devons abandonner tout essai d'envisager Dieu dans les termes de
notre connaissance et de notre expérience limitée...
à côté de cette Vérité absolue de l'Unicité de l'Être existe une vérité
provisoire et illusoire que suivent et vivent normalement les humains...
encourageant la vénération de OM la syllabe désignant
l'Unique... il sera malgré tout l'auteur d'hymnes superbes de dévotion...
Dans l'hindouïsme c'est la
Bhakti...
l'idée sous jacente en est la participation...
...faire participer et entrer en participation... entrer en liaison intime avec un
autre être...
elle exprime tout à la fois la différence et le rapprochement...
la distinction et la communication spirituelle...
Quand elle s'établit entre le Suprême Seigneur et l'homme ...cette communion qui
dépasse l'homme... suppose bien évidement la Grâce...
Grâce qui suscite alors en retour l' adoration... mais aussi ce qui en découle souvent
...la supplication, et l'exultation venant du bas...
mais d'en haut comme d'en bas Bhakti est faite... au delà des observances ...d'amour...
... de coeur au delà des rites...
Théologiquement on l'a vu la croyance fondamentale réside
dans l'Unicité de l'Être Suprême...
absolument transcendant dans son essence... mais aussi universellement immanent
comme racine de la conscience en l'âme humaine...
Le désir de l'homme est d'échapper à la loi des renaissances... et de ne plus revenir
au monde du temps et de l'espace...
mais hélas les forces normale de son intelligence et de son vouloir sont
impuissantes... à lui assurer ce non-retour... cette libération définitive...
Heureusement le Suprême est bonté éternelle envers les univers...
en chacun il fait grâce ...
et il prend parmi eux des formes personnalisées...
ce sont les dieux
Psychologiquement la quête du Suprême à travers le dieu
est ainsi présenté comme une relation d'amour...
par la marche on fera pèlerinage jusqu'au sanctuaire...
pour se prosterner devant la statue du dieu...
par l'action concrète on se met ensuite à son service
ou au service aussi de ses saints, ...
par l'effort de "jonction" '( le yoga) on met en oeuvre divers moyen de
détachement vis à vis du monde... des moyens pour éliminer les passions...
pour recentrer le regard intérieur sur la
divinité aimée... et ce si possible continuellement...
;enfin par la connaissance purifiée et pénétrante qu'accorde le
Dieu... on parvient à voir l'Un en soi- même... comme on le
verra aussi dans la statue du dieu...
tout au long de ce chemin d'amour essentiel, l'homme réalise profondément sa
faiblesse... son péché... et la profonde nécessité d'une aide divine...
c'est ainsi qu'il est admis finalement au terme du parcours de
foi à l'union bienheureuse avec le dieu...
Dans cette ambiance :
" L'homme est un arbre planté
dangereusement au bord d'un fleuve... ainsi la vie et menacée à chaque instant d'y
tomber et de s'y noyer...
il est comme une fourmi que le pied du passant peut écraser...
Le monde autour de lui est dangereux
aussi pour le chercheur de Dieu... il
l'enveloppe comme un filet, le retient comme une chaîne... une prison... ce qui
l'empêche d'avancer comme il faudrait...
Cet homme trop souvent soumis à ses
passions est comme une bête sauvage et s'en désole...
pauvre chien errant, perplexe... courant après les femmes ...et fasciné par leurs
yeux sombres...
heureusement les vrais dévots savent bien qu'aux petits chiens maladroits... le dieu pardonne...
et que même il lui arrive de les
choisir pour chanter sa louange...
Ainsi rassuré le dévot se présente
au temple... se prosterne... embrasse les pieds de la statue ... et gémit à haute
voix...
il se dit malade... se proclame aveugle... son coeur saigne comme celui d'un
orphelin, d'un navigateur en péril de mort sur l'océan du monde...
Pire encore, il est un dormeur imprudent, insouciant... tandis que
chez lui un serpent s'insinue...
Par bonheur, il y a le dieu ! ...et sa grâce!...
ses noms sont multiples... hérités d'une mythologie surabondante... remontant
toujours finalement jusqu'à Vishnu ou
Shiva...
c'est déjà une audace ... un succès... de parvenir ainsi aux pieds de sa statue...
parfois admirable...
souvent aussi rudimentaire ou effrayante...
ce dieu on le proclame Seigneur... on lui affirme tu es mon chef... il est le pasteur des
hommes ses bêtes... berger du troupeau... on lui attribue puissance et sagesse...
mais plus encore on lui donne un coeur plein de pitié...
Alors l'homme s'offre à lui...
il se veut serviteur jusqu'à
devenir esclave...
il se présente à lui comme mendiant... malade il trouve dans le dieu son
médecin... le médecin de tous ses maux, des plus matériels aux plus intérieurs et des
plus secrets...
Bref: il est le sauveur des faibles que
nous sommes...
On va vers son amour comme à un puit de feu... à son coeur comme à une source
d'amour...
il est aussi donneur d'amour...
La grâce est mousson fécondante... fleuve où l'on nage comme un poisson heureux...
océan illimité,...océan d'amour...
le dieux est le chef de sa famille spirituelle et tient lieu pour ses dévots de toutes
les parentés charnelles....
parfois même bi-sexuel nommé comme père ou mère...
Mais l'homme souvent défaille pour
accueillir ses avances... et dans la vie quotidienne les passions font de lui leur esclave
...ou constituent des écueils qui font naufrager le chercheur d'amour.
Tout autre affection fût-elle légitime comme l'amour familial qui est
obstacle sur la route...
Il faut donc prier, aller voler la grâce du dieu, si l'on veut parvenir au but !
Ainsi la Bahkti est un concert de prières...: de supplications parfois désespérées ...jusqu'aux louanges les plus enflammées...
Mais quand le dieu se donne quel
éblouissement !
On ne peut tenir ...et on se jette
à ses pieds ...et l'on multiplie les comparaisons: le dieu est le trésor, le bijou de
corail rouge, le joyau travaillé, le diamant étincelant...
Mieux le Dieu est pour son dévot une
nourriture, une boisson, un nectar...
Intérieurement le dévot se sent renaître
spirituellement ...et n'aura plus en ce bas monde d'autres renaissances douloureuses....
Son dieu qui est sa mère lui donne à boire son lait d'amour.
Lui se sent son enfant et parfois son nouveau-né à la mamelle...
de façon plus sobre le dévot se reconnaît comme temple du dieu..."
Deux figures animent principalement ce
courant... car Brahman qui est çà l'origine du cosmos ayant achevé sa tâche
n'attire plus guère... et surtout il n'intervient pas directement...
Culte et affections se dirigent alors vers Shiva et Vishnu... personnalisations à usage
humain de l'Un Eternel défiant toute personnalisation...
Shiva c'est le dieu dansant si souvent représenté lorsque l'on parle d'hindouïsme... ses adorateurs doivent avoir un sens aigu de leurs fautes, de leur précarité aussi tout en remettant joyeusement leur confiance dans le dieu... qui danse... donc l'homme doit danser en sa présence...
" Mauvaise rien que
mauvaise ma race et tous mes caractères
Je ne suis grand que pour pécher et le mal est mon bien
Mauvais mon moi le plus intime: folie, refus d'être pur
je ne suis pas une bête, mais ne puis oublier les manières de la bête
malheureux que je suis ! pourquoi suis-je né ?"
" Je ne peux plus vivre
ainsi souillé de péché jour après jour...
mon coeur pervers oublie l'amour unique
il s'accroche à un autre, passe à un autre encore..."
" Pourquoi se baigner
dans le Gange? Le Seigneur de tout est partout
pourquoi chanter les Védas? Ne cesse pas de penser au Seigneur
mendier en jungle ou en ville? voici qui est libéré
ceux qui élèvent leur cris au haut dieu de la sagesse
<<Seigneur me voici désormais. Je gis à vos pieds
vous avez brisé la fibre de mon coeur>>"
" Tout en haut j'avais
cherché Brahma, mais en vain
Tout au fond du Cosmos pour trouver Vishnu, j'ai vainement cherché
mais Lui, je l'ai cherché et je l'ai trouvé
Et Lui c'est dans mon âme que je L'ai trouvé"
( Appar)
Sambandar un contemporain a écrit lui aussi de très
beaux textes sur Shiva où il exprime que l'homme malgré ses longs combats est incapable de se relever seul et ...de faire seul le pas à
partir de sa propre expérience...
et que là où abonda le péché doit surabonder une grâce
purifiante et transformante...celle du dieu...
" je foulais le péché
et le jugeais bon
pour que je puisse le quitter et trouver sa grâce
le dieu qui danse m'a montré sa danse
Ah ! qui pourrait jamais gagner lui même
Ce que ce "Père" a donné ?
Pour cet auteur extraordinaire comme pour les autres le
terme de bahkti désigne essentiellement tout à la fois la condescendance du dieu venant
à l'homme par grâce...
et la réponse de l'homme accueillant dans une joie heureuse le dieu...
dans son esprit et surtout dans son coeur... c'est cette faveur là qui est le grand
désir...
l'humble et tenace attente...
... et la réception de la visite d'en haut...
la Grâce est donc bien le mot clé
L'oeuvre écrite est surtout celle de Toukaram dont on peut résumer succinctement la pensée
-précarité de l'homme... stabilité de l'Unique Vrai...l'homme est-il alors capable de dieu ?
Pourtant il cherche quelqu'un pour l'aimer ( cela rappelle étrangement la longue
plainte des Psaumes)
- longue et dure est la route d'approche pour atteindre la mort du moi et l'ultime
dépouillement...
...le poête inspiré est l' instrument de dieu ...
il convient à lui aussi de porter la louange ...
C'est chaque personne humaine à partir de sa propre expérience spirituelle...
et non pas seulement par l' étude ou l' érudition...
qui doit laisser monter en soi les consonances ou dissonances que provoque dans l'âme la
bhakti...
monothéisme vécu sinon toujours exprimé...
Mais
Si nous pouvons en admirer et cela sans réserve, les
sentiments personnels des "croyants" ,leur foi en un monde invisible, leur
désir authentique de rencontrer dès cette vie une divinité personnelle...
leur confiance ardente dans le dieu choisi,
leur oblation inconditionnelle entre les mains de ce bien-aimé considéré comme
Suprême,
leur bonheur d'en ressentir la Présence aussi...
Il ne faut pas oublier non plus que l'Hindouisme est un monisme
c'est à dire que la qualité d'existant ne peut être attribuée qu'à une Réalité
Unique...
et qu'à elle seule convient l'affirmation : elle Est...
on est très loin en fait du Christianisme qui fait surgir des
êtres réels libres et éternels...
Ici les formes sont provisoires y compris les
"dieux" eux mêmes... caducs et distants de l'UN...
Certes l'Hindouisme et le Christianisme présentent Krishna et Jésus comme des personnes
réelles...
mais la réalité de Krishna est limitée et fragile...
le Christ est Lui non seulement Vrai mais aussi Vrai homme et Vrai Dieu...
Cependant on ne peut qu'être admiratif devant le culte de
Bhakti ...
qui se situe de façon vécue selon les raisons du coeur... celles que la raison ne
connait point...
Ce qu'on éprouvé ces Mystiques n'est pas réductible aux idées et raisonnements...
Leurs choix qu'ils voulaient total et définitif...
fait par une personne humaine pour un Suprême personnel...
Leur générosité souvent héroïque aussi...
se situent dans l'ordre de la Charité...
Ils expriment ainsi peut-être maladroitement mais de façon cependant si
belle
ce qu'il réalisent pleinement...
la Rencontre de Dieu !
Semences de l'Esprit...autre chemin vers le même Réel...au travers d'une culture différente...