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Sur des sentiers moins arides...


il est bien évident que tout ce que nous venons de voir ne s'adresse pas à tout le monde
seuls des esprits méditatifs... des moines...parfois temporaires comme cela se passe souvent... ou ceux que guide intensément la foi...( je n'ose dire l'Esprit) peuvent s'engager sur une telle voie méditative pourtant offerte à tous ...
aussi... 
Quittons donc un peu le domaine de la théorie pure pour nous attacher à ce qui dans la vie de tous les jours caractérise la vie du Bouddhiste...

Une des caractéristique en est l'altruisme... à priori voisine de notre idéal chrétien de Charité...

 

Altruisme

Notre charité consiste à voir en l'autre le regard du Christ lui même... donc un frère...
C'est cela qui doit motiver notre action... par pur amour désintéressé ( agapè) et sans retour ...
et pour le Bouddhisme ?

C'est plus difficile à cerner... pas de visage du Christ bien sûr... ni même du Gautama...

Il y a d'abord le monde des dons simples (dânam)...
que ce soit celui des laïcs aux moines pour honorer les communautés... mais aussi pour acquérir des mérites... ils doivent permettre  au donateur de s'approcher  plus facilement de l'illumination... 
tout comme l'aumône quotidienne de nourriture...

Que ce soit une ascèse pour le moine... ou une recherche de mérite pour le laïc... qui n'a pas été frappé par ces cortèges matinaux de quémandeurs avec leurs bols ou leurs marmites... frappants à toutes les portes... et toujours reçus et approvisionnés...

Nous pourrions nous en inspirer... dans nos sociétés dites "avancées."..

Tout comme l'évangile de Luc loue l'offrande de la veuve( Lc 21,1-4), les écritures Bouddhiques louent  la jeune fille pauvre qui offre à la communauté des moines deux pièces de monnaie... une fortune pour elle qui a trouvé cela dans un tas de détritus... Pas de différence entre elle et le fastueux bienfaiteur qui fait don de tous ses biens...

Toutefois le don ne peut à lui seul assurer l'entrée dans le Nirvana...
mais  permet seulement d'espérer des destinées mondaines et terrestres plus favorables...en suivant la roue du Karma...

Mais...
en amenant les hommes à manipuler des biens terrestres, à les posséder... fussent pour les donner... 
on incline le donateur à s'attacher... 
et plus encore à penser je donne  quelque chose à quelqu'un... 
erreur capitale !
Le donateur effectuant son geste doit donc se répéter:
 "Il n'y a pas de donateur, il n'y a pas de don, il n'y a pas de bénéficiaire..."

chez les chrétiens on appelle cela la discrétion, la pudeur et l'humilité...

Don des moines aux laïcs...

La tradition orientale veut que l'on réponde au don par le don... que va donc donner le moine ?... 
tout simplement son message illuminateur... 

et dans cet échange le plus comblé est le laïc...
le plus grand des dons est le don de la Loi...
 
...et à côté de cela le don matériel n'est pas un bon moyen pour secourir les êtres... 
"que le tas de fumier soit grand ou petit il n'est pas possible de le parfumer"...

Si les êtres sont malheureux il n'est hélas pas possible de de les rendre heureux en leur fournissant uniquement de l'aide matérielle...
...les établir dans le bien de la connaissance de la Loi ...voilà ! la meilleure manière de les aider...
( nous pourrions là aussi nous en inspirer... à notre manière chrétienne bien sûr...)

Tout vrai moine doit entendre résonner à ses oreilles l'ordre de mission donné par le fondateur lui même :
 " Va Purna, délivré, délivre... consolé , console... et parvenu au vrai Nirvana ...fais-y arriver les autres !..."

Susciter et former de tels apôtres qui lui succéderont c'est un des motifs principaux pour les quels le Bouddha a voulu retarder son entrée dans le Nirvana... 
 et cela aboutira aux bodhisattvas dévots que nous allons rencontrer bientôt...


Le transfert des mérites...

De tous temps les bouddhistes crurent qu'ils pouvaient aider les défunts... 
L'école de langue pali admit que l'on peut donner ainsi des mérites... 
...d'abord  aux ombres des morts... mais aussi à tous les êtres ...

Une personne vertueuse peut ainsi accumuler  du mérite comme un commerçant ou un banquier amasse de l'argent...
ce mérite confère à son propriétaire des "droits au bonheur"... à de bonnes renaissances... à des progrès spirituels... à l'approche plus aisée du Nirvana... et il peut les transférer...

Le Bouddhiste compatissant peut ainsi appliquer tous ses mérites à toutes les créatures qui en ont besoin...

"aussi longtemps que dureront l'espace et le monde, aussi longtemps puissé-je travailler à détruire les douleurs du monde ...
Que toute la douleur du monde mûrisse en moi et que le monde soit heureux par les bonnes oeuvres des bodhisattvas !" '(Santideva, Marche à la lumière)

Cela a un petit air de connu chez nous...  sous le nom de communion des Saints...
même s'il manque ici un multiplicateur et un redistributeur...
un Corps Mystique et un Dieu incarné......

 

Le bodhisattva

C'est un homme laïc ou moine qui a déjà atteint l'illumination intérieure et est donc libre... rompant les liens du corps... de disparaître en son Nirvana inaccessible...
et qui décide de retarder sa " disparition"  afin de se consacrer à l'illumination des autres êtres qui n'ont pas sa réussite et sont encore plongés dans les ténèbres de l'ignorance...

Cela demande une Charité profonde... 
une prise de conscience aussi...
... que l'on doit faire pour autrui ce que l'on fait pour soi ...
 ... que la douleur est commune à tous les êtres... qu'elle soit ressentie en moi ou dans les autres... 
elle est souffrance... et il faut la combattre...

" Puissé-je da dans un monde sans refuge, sans abri, sans salut et sans île... être le secours, le refuge, l'abri, l'île... puissé-je faire traverser à tous les êtres qui ne l'ont point traversé l'Océan des existences... introduire dans le Nirvana, support des bons dharmas et libre d'obstacles, ceux qui n'y sont point entré... consoler ceux qui sont désolés ..."

Tout cela va nous mener au Bouddhisme dévot du Mahayana que nous allons examiner ensuite...  c'est très beau... cette compassion... et si proche de l'Amour Chrétien...
et c'est le fondement du Bouddhisme contemporain...

Bémols...

 Cependant cette aide au prochain reste une démarche surtout intérieure... dont l'extérieur n'est qu'un incident... 

Le Bouddhisme insiste trop sur l'aspect fugacité, précarité, insignifiance, douleur, péril de l'existence de ce monde pour qu'il en soit autrement...

Nous l'avons déjà souligné seul le don de la Loi...
la transmission du message a vraiment valeur positive et permanente parce que cette Loi détrompe, éclaire, détermine à faire le pas... 
à entrer dans le courant...

Mais qu'est-ce qui inspire vraiment le bouddhiste dans ce don ?

Bien sûr certains motifs sont très intéressés...

La plus part des personnes doivent leur bonne santé ( Le Bouddha lui même) à leurs mérites acquis par leurs dons en des existences précédentes...
le bienfaiteur généreux est sûr par la loi du Karma de renaître ainsi dans une famille de haut rang... un bon placement pour l'avenir en quelque sorte...

Mais dans les bonnes oeuvres de nos bons messieurs ou dames patronnesses si nombreux dans le christianisme  le don est-il toujours désintéressé ?..
n'est-il pas une manière plus ou moins lointaine de se disculper à bon compte de ses fautes... 
...un peu comme  ces couples séparés qui  s'efforcent de combler leurs enfants de cadeaux pour se faire pardonner...

"Si les êtres vivants connaissaient le fruit, la récompense finale de la générosité et des donations, comme je les connais, certes ils ne voudraient plus prendre de repas sans  donner aux autres, sans partager avec les autres, même s'il s'agissait de leur dernière bouchée de nourriture.
S'ils rencontraient des personnes dignes de recevoir un don, l'intérêt , le calcul n'auraient point de place dans leur coeur... ils ne jouiraient de leurs plaisirs qu'en les partageant avec les autres" ( Bouddha)

Mais heureusement !...
 ce ne sont pas les seuls motivations de la compassion Bouddhique... et il existe bien des motifs purement altruistes...

L'esprit d'ouverture à l'autre... de partage de ses douleurs et de ses joies...
 tout cela est favorisé... 
D'abord par le sentiment de l'Universelle connexion des destinées...

Quand on regarde un être vivant quel qu'il soit... et même un animal... on doit toujours se demander si cet être, qu'on serait porté à haïr... ou du moins à oublier... n'a pas été dans une existence précédente son père, ou sa mère... son frère ou sa soeur....

Communauté de destins ...  
ce que j'éprouve" ils" l'éprouvent... 
ce que je crains "ils" le craignent...
 et notamment ce mal que je redoute tant ...et que pourtant je leur fait... 
cette mort qui me fait peur et que pourtant je leur inflige...


ainsi : "comparant les autres à vous même, ne faites pas tort, ne tuez pas... et même faites du bien !" (Bouddha)

Il y a par ailleurs l'aspect misérable et précaire que nous partageons tous...
aussi il serait présomptueux et cruel de nous accabler les uns les autres en ce malheur partagé... 
au contraire... il devrait nous amener à nous soutenir mutuellement... une solidarité dans le malheur en quelque sorte...
 Celui qui pourrait se trouver en possession de quelques biens... et surtout de biens spirituels... de mérites et de la Vérité... se doit de le partager avec ses compagnons de route ...et cela gratuitement...

De tout cela vont découler plusieurs attitudes:

D'abord la non-violence ( ahimsa)
c'est à dire la non-nuisance... la non- offense...
Son objet est le respect de toute vie... si basse, si infime soit-elle...
Tout acte qui nuit à autrui est un péché qu'il soit corporel, vocal ou même simplement mental... 
qu'il s'agisse d'une chose grave ou légère...
...et il convient surtout d'extirper l'agressivité orgueilleuse et écrasante qui nous menace tous...
et en premier lieu nous même !...

Ensuite L'endurance ( Ksânti)
" La force d'un Maître religieux c'est sa patience...
Bouddha Gautama lui même a été déclaré "océan d'endurance"
c'est la base même de tout combat spirituel...
Non seulement supporter mais pardonner sans cesse car les conduites dont on souffre... ne sont que le résultat de l'irrésistible jeu du Karma... 
entre des personnes qui ne sont en fait que des illusions... des agrégats...

" Des égarés offensent; d'autres égarés sont offensés... ma joie ne doit pas être troublée..."

La Bienveillance amicale (maitrî) est aussi a cultiver...
L'idée de base  en est une volonté de communion:

 " Pour apaiser ma douleur et celle d'autrui je me donne aux autres et j'adopte les autres à titre de moi"...

cette communion suppose un désintéressement radical de soi: " J'appartiens à autrui... Il ne sied pas que ces yeux qui sont à d'autres voient dans mon intérêt, que ces mains qui appartiennent à d'autres se meuvent dans mon intérêt... tout ce que tu vois d'utile dans ton corps tu dois l'enlever pour le mettre au service d'autrui..."

La Compassion (karunâ) aussi...
c'est l'application de maitrî aux êtres malheureux et douloureux 
Le Vissuddhi-Magga explique cela: " On commencera par faire attention aux malheureux qu'on rencontre: pauvres, déformés, malades et par se dire: << plaise au ciel qu'ils soient libérés de leurs misères...>> On considérera l'homme pervers en le jugeant extrêmement malheureux puisqu'il n'accumule nul mérite et est promis à des renaissances misérables..."

...plus le bouddhisme évoluera dans le temps et la réflexion et  plus l'esprit de compassion va se développer a travers lui...
(est-ce sous l'influence grandissante de l'Esprit ?...personnellement je ne suis pas loin de le penser..)

Ainsi le bodhisattva  doit avoir un coeur totalement rempli de compassion... si bien qu'il lui devient impossible de penser simultanément à son propre salut sans penser à celui des autres...

" Je ne fais pas ce sacrifice pour m'assurer une meilleure renaissance... je ne pense même pas au bonheur de la libération finale... puissé-je seulement devenir le guide et le sauveur du monde  perdu dans le désert de cette existence mondaine... Mon voeux c'est de procurer le bien des autres"

"Ainsi si tu t'aimes vraiment tu ne dois pas t'aimer toi même... si tu souhaite te protéger toi ce n'est pas toi même qu'il faut protéger..."

"Qui pour autrui perd sa vie et même la jouissance de sa libération... en vérité la gagne..."

 

Ainsi nous le voyons point n'est besoin d'être un ascète ou un moine pour suivre la Voie...
l'application quotidienne de cette morale simple suffit aux plus nombreux...

Mais il y a les affamés de l'Absolu...

 

MYSTIQUE DU VIDE

 

 Il y a les Mystiques de l'évacuation et du vide ...et les Mystiques de l'intensification et du plein...
les chrétiens appartiennent à cette deuxième catégorie...
... et le Bouddhisme à l'autre ..
.
 le Bouddha  en bon thérapeute pragmatique ne s'est jamais prononcé sur les finalités ultimes...
un peu à la manière du Christ...
...l'homme pouvait-il alors le porter ?...et actuellement le peut-il mieux ?

...il faut le croire car dans les deux cas on s'est intéressé à gagner l'Absolu... ou du moins essayer de comprendre...

Dans le Bouddhisme , la négation du moi ...la  suppression du soi permet d'atteindre le Nirvana ... ...avec ses définitions hasardeuses... 

A certaines époques même, pour atteindre plus vite celui-ci on a légitimité le suicide... qui d'ailleurs n'est pas une solution  ... car il ne conduit qu'à recommencer une nouvelle vie de douleur...( Karma oblige...)

En fait  pour atteindre l'Absolu ce qu'il faut enlever c'est l'illusion de maya,...
... la cécité qui trompe l'homme  aveuglé par le monde illusoire des sens...
...démolir l'homme... agglomérat transitoire... illusoire et douloureux... 
...cette boule d'écume ...

Le moi percevant, le moi voulant , le moi existant ne sont  que des séries qui semblent en continuité comme sur le fil d'un collier...
avec cette différence qu'il n'y a pas de vrai fil... et que les perles ( mes actes) sont des phénomènes successifs, discontinus et instantanés que l'illusion" bloque" en un seul ensemble...

Le grand penseur Nagarjuna démontre avec talent   qu'il n'y a ni naissance ni disparition, ni temporalité, ni éternité, ni unicité, ni multiplicité, ni apparition ,ni départ des choses...
il montre aussi que les dharmas( composants d'un être) ne naissent ni d'eux même ni d'un autre, ni de ces deux causes à la fois, ni d'aucune... 
et donc qu' ils ne naissent pas...

Infatigablement par le procédé de l'alternative, dont il rejette à chaque fois les deux termes, il évacue tout réel... et laisse le lecteur face à la première et dernière réalité qui n'est autre que le Vide... 

Grandiose Vacuité...
 milieu sans air où toute vie s'arrête... faute d'aliments comme faute de faim et faute d'affamé... 
c'est Cela qui attend le Mystique...

Nous retombons alors sur la dialectique du Nirvana dont nous avons déjà parlé...

 

VIDE-PLEIN

 

Comment s'étonner alors  que beaucoup de penseurs ou de Mystiques aient voulu " remplir le vide" surtout dans la branche du Mahayana ( Grand véhicule) ....

On discerne alors peu à peu que la Réalité dernière n'est pas un néant mais qu'elle échappe à toute dénomination et à toute qualification... 
on rejoint l'"apophase" des Pères Grecs et la "docte ignorance" d'Eckhart...

" On regarde, on ne peut le voir : Invisible
On écoute, on ne peut l'entendre: Inaudible
On palpe, on ne peut le toucher: Intangible
Ce  qu'on essaie de saisir n'est pas le Tao lui même
Le nom qu'on veut lui donner n'est pas son nom adéquat"

 

Ainsi le Tao meuble-t-il le vide... c'est lui qui est atteint...

Voie d'un dynamisme fondamental il est antécédent à toute chose... IL est omniprésent... Il dure toujours... c'est à partir de lui que tout se présente et se meut... mais également toutes les choses au monde surgissent sans qu'il en soit l'auteur... on ne lui prête ni calcul ni sentiments...

Le Sage sait bien que le Tao s'appelle Obscurité... plus on renonce à le saisir plus on est sur la Voie... 
 " Atteins à la suprême vacuité, garde toi en quiétude... tout le monde s'échauffe et s'exalte... moi seul je reste imperturbable... abandonner l'étude est se délivrer des soucis et devant l'agitation fourmillante des êtres ne contemple que leur retour à la racine..." 


est-on très loin de la pensée hésychaste ?

 

ZEN

 

En Chine et au Japon se développèrent le Zen ou  Ch'an 

" Toutes choses ne sont que perceptions... Etre un Bouddha n'est qu'un état d'esprit... alors cessent toutes les différences même entre existence et non existence" ( Traité du lotus de la bonne Loi)

 la Méthode n'est pas ni religieuse... ni ascétique... mais méditative...
méditation qui s'efforce de se dépasser elle même pour atteindre une expérience indicible.

Les textes fondateurs relèvent nettement du style apophatique...

Le Suprême n'a ni forme, ni perception, ni nom, ni concept, ni connaissance... et l'expérience Mystique ultime n'est ni connaissance ni ignorance...

Dans le texte du coupeur de diamant qui est un texte fondateur on précise:

" L'idée d'un soi est non-idée; l'idée d'une personne non-idée... La Suprême perfection de permanence qui appartient à un parfait n'est pas suprême perfection...
Même la chose la plus minuscule n'est plus ni connue... ni perçue dans la Suprême connaissance Parfaite... Ceux qui me voient (Bouddha) par une forme... m'entendent par un son... ceux qui sont ainsi engagés en des entreprises erronées ne me verront pas...
un Bouddha se perçoit par le dharma (composant d'un être)... mais la nature du dharma on ne peut ni la comprendre ni la faire comprendre..."

 Alors ? Vide total ?   Abîme dans la nuit ?...

" La vacuité n'est pas une absence... le Vide Bouddhiste n'est pas sur le plan du relatif... C'est un Vide Absolu transcendant toute forme de relations mutuelles: sujet-objet... naissance-mort... Dieu-monde... quelque chose-rien... oui-non...
Dans le vision Bouddhiste ni temps ni espace... ni devenir ni choseité... c'est cela qui rend possible toute chose...
un zéro plein de virtualités infinies..
.un vide au contenus inépuisables..."

répond Suzuki...

 

"Si vous désirez entendre la voie tonnante du dharma
Evacuez les mots, liquidez les pensées
alors vous pourrez reconnaître cette essence Unique "

 

En fait le Zen vécu est une façon d'oublier, de désapprendre, d'abandonner les idéologies et toutes les formes fixes de pensée et de sentiment...
le Zen ne peut pas se définir à la manière du concept...
ainsi l'écriture sacrée est sans force... les rites aussi...

L'histoire de Tanshia allumant son feu l'hivers avec avec les morceaux d'une statue de Bouddha en est une illustration... quand le prêtre lui en fait la remontrance il répond que le Bouddha n'est certainement pas dans les statues... c'est pourquoi il en recevrait encore volontiers une ou deux comme combustible...

La Voie par contre est dure, spartiate et ascétique...
froid, coups, injures, lever hâtif, travail, longues méditations tout cela devant être méprisé, oublié... pour oublier sa substance même...

Plutôt que de raisonner il convient de déraisonner... et c'est le but des phrases illogiques des fameux "koan" proposés en méditations par le Maître...

" Qu'est-ce que le Bouddha ?- trois livres de lin..."

" Où volent les oies sauvages ?- elles ont déjà disparu
- allons donc elles ont toujours été ici"

"Comment échapper au lien du Samsara? -Qui t'a lié ?"

" On produit un son en se frappant l'une contre l'autre les deux mains... mais quel est le son que produit une main unique ?"

La présence d'un Maître est  donc absolument nécessaire mais non suffisant...
remise totale entre ses mains il se fait servir, honorer de manière arbitraire... il propose un enseignement bref et obscur... mais lui Il sait le chemin..

Le temps , l'espace disparaissent... il n'y a plus ni moi, ni hors de moi, ni pas moi...
le Je se transforme en Cela.
Les problèmes , ceux des koans même ne se résolvent pas... ils disparaissent...

L'expérience finale est tout autre...
étrangère à tout ce qui dans l'espace, le temps, les mots et les idées  ont pu la précéder...

" Le doigt a beau montrer la lune... il ne sera jamais la lune..."

C'est une plongée dans un autre Univers...
  le disciple tremble, se met à transpirer... mais quel ravissement ! 
Ce qu'il a longtemps cherché en vain lui arrive dans un éclair...
là où il n'y avait qu'embrouillement il voit clair maintenant...
au delà des arbres il perçoit la forêt... les écailles tombent de ses yeux... il se sent sauvé...
moment bref comme l'éclair mais très impressionnant...

Le moment de l'illumination est imprévisible:  un coup de poing du Maître... le son de la cloche du monastère... le plongeon d'une grenouille dans l'étang... ou seulement la contemplation de l' immensité de la mer... ou  l'écoute du silence du soir dans la forêt...

" Tout disparaît comme dissous
Et je me trouve soudain
Dans l'Impensable lui -même (Daishi)

Est-ce la Grâce qui couronne ainsi tant d'efforts pour vider la logique du cerveau ?
... qui peut le dire..tant ce terme est étroitement lié au Christianisme...
...mais je le pense...la grâce d'une expérience "numineuse"...

Désormais tout est Zen...

Marcher est Zen... s'asseoir est Zen,...parler est Zen... se taire est Zen...
c'est la vie de tous les jours... c'est "va ton chemin"...

c'est peut-être "marche en Ma présence..."

La contemplation voisine ou coïncide avec les occupations les plus simples...
Illuminé le poête  Pan Yung écrit:

"Merveille surnaturelle ! Ah ! quel miracle... Voici que je tire l'eau du puits, voici que je porte du bois"

Qui a compris cela use de soi-même et des choses avec une légèreté, une liberté, une élégance qui est tout à la fois maîtrise et mépris... respect et désinvolture...

La touche essentielle , le geste voulu, ni plus ni moins...
C'est l'art des fleurs où un minimum  d'éléments veut réaliser un maximum de grâce et de suggestion...
 c'est l'art du Thé symphonie de gestes simples silencieusement contemplés...
...c'est l'aquarelle aussi énigmatique que rapide...,
...c'est la calligraphie...expression aussi puissante que profonde...
où chaque action dans une exquise économie atteint son effet et affirme sa richesse en un minimum de gestes... 
jusqu'à l'art de mourir...le fameux "seppuku..."

Alors  ?

Négativisme  ?... Non ! ..

.mais sens profond  d'une inconsistance radicale des choses acquis dans l'expérience d'un seul Réel consistant...
Le Vide est le Tout... Le rien prend la place de l'Être... et de façon tout aussi inattendue l'Être la place du rien...

Vide ne signifie nullement  relativité... ni phénoménalité...ni néant...
mais plutôt l'Absolu...
ou quelque chose de Transcendantal...
une Ultime Réalité qui ne peut être atteinte qu'en l'absence des catégories de la logique..

Le terme Vide est souvent mal compris
Un lièvre n' a pas de corne :  c'est le vide par absence...

mais ici la vacuité ne signifie pas Absence...

Dans une pièce entre les meubles il y a un espace inoccupé...
c'est cela le Vide dans le Zen...

Le Vide Bouddhique ne se situe pas sur le plan du relatif...
C'est une Vacuité Absolue qui transcende toute forme de relation mutuelle: sujet-objet; naissance-mort; Dieu-monde quelque chose-rien; oui-non, affirmation-négation, oui-non.

Dans ce vide ni temps... ni espace... ni devenir... ni choseité...

C'est ce qui rend possible toute chose...
un zéro plein de possibilités infinies...
un vide aux contours inépuisables...

Dans le Satori(illumination) une Vue pénétrante, illuminante pénètre jusque dans la Nature même des choses...

Bien sûr  il y a alors vision de l'Unité des choses ...

...mais non intimité d'Amour...

et Daïshi peut chanter

"Une seule Nature, parfaite et pénétrante circule en toute les natures
Une seule Réalité qui comprend tout , comprend en elle même toutes les réalités
L'Unique lune se reflète partout où il y a de l'eau
Et toutes les lunes dans les eaux sont embrasées par l'Unique lune

L'esprit comme réflecteur illumine. il ne connaît pas d'obstacle
Il pénètre l'Univers jusqu'en ses fentes les plus minuscules
Tous les contenus de l'Univers, multiples en leurs formes sont réfléchis dans l'Esprit
Celui-ci brillant comme un parfait diamant n'a ni intérieur ni extérieur

L'esprit fonctionne habituellement par les organes des sens
Et c'est ainsi qu'est perçu le monde objectif
Ce dualisme assombrit fort le miroir
Mais quand la souillure est enlevée la Lumière éclate
Ainsi quand chaque esprit individuel et le monde objectif
son oubliés, évacués, La Taléité affirme la Vérité

La vision est claire mais il n'y a pas d'objet à voir
il n'y a pas de personne , il n'y a pas de Bouddha"

 

Expérience béatifiante qui conduit à la proclamation du "Tout Autre"... l'expérience se rapproche alors de celle d' Eckhart...

L'état parvenu a dépassé l'agir et la conscience définis et limités... sans pour autant atteindre une actuation et une conscience infinie ...

Perçoit -on quelque chose du caractère imparfait de l'expérience ?

...est-ce une ouverture sur un Abîme insondable?...un Vide plein... ?

...plein d'une potentialité que l'homme seul ne peut conceptualiser ?...

...vide plein d'une clameur espérante... ?


...Plein abîme de désir pressentant peut-être une Pleine richesse d'exaucement...???

( une méditation simple et explicative : la voie du Buffle est disponible ici)