Toute la côte Est de l'île est vraiment inaccessible
Seuls les terrains ingrats, trop rocheux ou trop pentus, ne recevaient pas d'aménagements importants. Quant aux flancs escarpés, lignes de crête et lit encaissé des torrents, leur vocation était funéraire ou défensive et ils étaient souvent frappés d'un tapu qui ajoutait à leur inaccessibilité.
A ce territoire les Marquisiens ajoutaient, par sa fréquentation quotidienne,
la mer dans des limites jalousement gardées par des piroguiers et des postes de guet sur les promontoires. Marquisiens et Marquisiennes y
pratiquaient divers types de pêche : harpon, ligne flottante, filet... Ils
utilisaient aussi des plantes ichtyotoxiques.
Cependant les femmes et leurs
enfants ne pouvaient pêcher, ou collecter plantes et algues, que depuis la côte
et il n'était pas rare qu'ils y soient enlevées par des clans hostiles.
La
plupart des côtes, sans lagon, bénéficient de platiers, hauts-fonds et
parfois de fonds coralliens où s'effectuait une pêche périlleuse en eau profonde
rendue saisonnièrement opaque par l'abondance du plancton mais poissonneuse et
fréquentée de grands animaux marins : tortues, raies, requins, barracudas,
dauphins...
La consommation et les campagnes de pêche étaient très encadrées, à
la fois par les maîtres pêcheurs et les tapu qui, pour une part, prévenaient les
risques d'empoisonnement mais aussi réservaient aux chefs et aux prêtres
l'essentiel de la consommation des grandes espèces dont la tortue, les bonites ou les poissons tirants sur le
rouge ; le reste des espèces de haute mer allait aux hommes, de façon générale.
Le maître pouvait s'aider de pierres propitiatoires, taillées parfois en forme
de poissons et utilisait divers types de pêche selon les espèces recherchées
d'où la variété des filets, hameçons façonnés dans la nacre, l'os ou en bois,
harpons, poids de pêche...
En dehors de radeaux et de plates-formes flottantes de roseaux utilisées dans les baies en période calme, mais aussi évoquées dans quelques traditions à propos d'exode de population, les Marquisiens disposaient surtout de pirogues de haute mer (vaka), toujours à balancier, dont J. Neyret souligne la ressemblance frappante avec celles de Nouvelle-Zélande. Comme à travers tout le Pacifique, leur forme, leur décoration et celle des pagaies variaient en effet selon l'archipel ; elles étaient adaptées à une navigation souvent pratiquée en bordure de côtes rocheuses, dans des eaux très agitées semées d'écueils. Les naufrages étaient assez fréquents mais tout semble indiquer qu'elles étaient d'excellentes embarcations, légères, rapides, tenant bien la mer et manœuvrant très bien à la voile ".
Il en existait deux grands types : les monoxyles (coque évidée dans un seul tronc) d'assez petites taille, qu'il était possible d'équiper d'une voile de type triangulaire simple et qui étaient utilisées en toute occasion : pêche, visite, échanges entre vallées ou îles peu éloignées.
D'autres images de pirogues sur le site de Francis Pimmel
Pour la guerre ou les
expéditions plus importantes : campagne de pêche, visites en délégation à plus
grande distance... il y avait des pirogues de plus grande taille, simples
ou doubles et munies de voiles, dont les divers éléments étaient conservés par
les familles du clan. Elles se caractérisaient par un " franc-bord rehaussé par
une longue fargue au-dessus de chaque côté. Une pièce de proue recouvrait
l'avant et une pièce de poupe rehaussait l'arrière "
La pièce de proue surplombait l'avant de la pirogue de plusieurs dizaines de centimètres et pouvait être ornée d'une statuette de tiki assis : divinité invoquée au cours de l'expédition pour en garantir le succès. Elle se terminait habituellement par un type de visage très particulier, plat et prognathe*, qu'on retrouve dans le tatouage et, dans une certaine mesure, sur les visages ornant la proue de pirogues des Salomon. L'arrière était très recourbé et orné parfois de statuettes du même type ; une plate-forme de bois y était aménagée au besoin pour le chef d'expédition guerrière. Neyret relève en outre l'existence de cloisons transversales renforçant les parois de la pirogue.
Toutes pouvaient être ornées de guirlandes de feuillage (cordyline ou palmes de cocotier, signe d'accueil et de paix), de plumes et selon les circonstances, pour les plus grandes, de longues chevelures ou de crânes trophées ; les pirogues de pêche, comme les pirogues de guerre, étaient "renforcées" par la présence de crânes avant de partir en campagne.
D'autres images de pirogues sur le site de Francis Pimmel
Les pagaies étaient terminées d'un long bec qui facilitait la pénétration dans l'eau en l'accompagnant d'un son qui était apprécié (ou masqué par du tapa lors d'expédition en vue de capturer des victimes humaines). Ce bec, qui donnait au tout une élégante forme d'oiseau, facilitait le mouvement d'appui sur les rochers escarpés de la côte, pour s'en écarter, ou le coup d'estoc (de la pointe) pour se dégager en cas d'attaque. Les accrochages intertribaux étaient en effet fréquents.
Chaque maisonnée, en dehors des enclos où poussaient des taros et quelques variétés d'ignames peu productives ou autres plantes complémentaires comme la canne à sucre et la cordyline, disposait d'un certain nombre d’arbres : châtaigniers de Polynésie (ihi), bananiers, cocotiers (peu utilisés pour l'alimentation en dehors de la fabrication du lait) et surtout arbres à pain dont la productivité garantissait la survie du groupe.
Il fallait pour cela entretenir les murs de protection, terrasses et canaux d'irrigation en tronc de pandanus ou bambous et maintenir une grande propreté. L'herminette et le bâton à fouir constituaient l'essentiel des instruments jusqu'à la récolte qui nécessitait l'usage de filets et de pêle-fruits en coquillage destinés à traiter la quantité de mei collectée en vue de l'ensilage. Chaque famille, en dehors des énormes fosses communautaires gérées par le chef, possédait au moins une fosse à ma : ua ma (de ua : fosse et ma : nom de la pâte fermentée du fruit de l'arbre à pain conservée dans ce milieu anaérobie, consommable même après un demi-siècle d'enfouissement).
C'est avec ce ma qu'était préparé le repas quotidien de popoi
: sur le hoana
ou hoaka, une planche épaisse, légèrement concave, en bois d'arbre à pain, le fruit frais, cuit à la flamme, était battu avec du ma et de l'eau à
l'aide d'un pilon de pierre : ke'a tuki popoi.
Ce processus est très voisin de la conservation du riz dans les mêmes conditions
au Japon : le mochi
Un cuisinier bat le ma pour préparer lepopoï
S'il existait trois ou quatre
autres types de pilons (pour les remèdes, piler le sel, etc.) c'est surtout
celui-ci qui fit l'objet du plus de soins ; on lui donnait au sommet la forme
caractéristique d'un visage tourné vers le ciel ou, plus couramment, de deux
têtes accolées.
L'eau constituait la boisson première ; elle était collectée dans des bambous ou des calebasses (Lagenaria seceraria) ; à l'occasion s'y ajoutait l'eau de coco et le kava préparé pour les notables et leurs hôtes masculins. Des coupes, en demi-coco poli, permettaient de boire. Celles destinées au kava étaient ornées d'un motif de visage qui rappelle l'usage de la boîte crânienne d'un ennemi, ce qui constituait un outrage particulier à son égard. Les unes et les autres étaient très finement sculptées.
Il n'existait pas à proprement parler de mobilier, si ce n'est des sortes d'étagères ; la plupart des choses à protéger étaient placées à l'abri des rongeurs et des insectes en les enveloppant et en les suspendant, ou en les enfermant dans des bambous ou des plats de bois munis de couvercle : kotu'e..
A la part végétale qui était à la base de l'alimentation s'ajoutait, lors de festivités ou plus fréquemment pour les plus aisés, le porc qui était cuit à l'étouffée dans un four creusé dans le sol : le umu, quelques oiseaux et surtout le poisson.
Bien sûr les sanctuaires ont aussi disparus : placés souvent en front de mer ils servaient à honorer la nature ... et l'infini mais nous détaillerons cela sur les îles où ces zones ont fait l'objet de fouilles et de restaurations poussées
En ces lieux abandonnés mais encore vivant de mille souvenirs, de mille pierres , de mille souffles, de mille soupirs de mille rires aussi si nous avions été que tous les deux nous aurions bien terminé là notre voyage...
Le soir alors que
les chants d'oiseaux s'estompaient pour faire entendre le doux murmure du ressac
des vagues sur la grève et du délicat passage de l'Alizé dans les arbres
chassant moustiques et nonos pour la nuit,
alors que les senteurs parfumées du
soir se faisaient plus intenses on
pouvait voir au loin à la jumelle Motu Nao entouré d'écume
qui comme la tête de Neptune ou d'un dieu polynésien de la mer semblait vouloir émerger
curieux de notre visite
Motu Nao est tout ce
qu'il reste du sommet d'une île aujourd'hui engloutie par le phénomène de subsidence
qui affecte toutes les Marquises depuis des siècles ..;depuis leur formation...
mourir n'est rien... mais vieillir... disait Brel... ajoutant aussitôt : mais
gémir n'est pas de mise...aux Marquises...
L'île s'est enfoncée sous son propre poids et hormis ce pic, le reste du
sommet se trouve à quarante mètres sous la surface. Les images satellites
montrent qu'il est entouré d'une structure circulaire d'un atoll submergé...
Plus petite et moins haute que Fatu hiva,elle a déjà presque disparue. La vitesse
de subsidence étant d'un millimètre par an, on peut calculer que l'île était à
l'origine aussi haute que les autres îles Marquises d'aujourd'hui ...mais plus
vieille ...
Motu Nao peut se traduire par l'ile sombrée en mer Sans aller jusqu'à
affirmer que les Marquisiens connaissaient le phénomène de subsidence, cela
laisse penser qu'ils avaient reconnus une ancienne île dans ce rocher et les
formations sous-marines qui l'entourent.
En français, elle est nommée aussi Rocher Thomasset
Altitude 4 mètres pour cette île affleurante observée lors de notre arrivée à Fatu Hiva
Oui ...nous aurions aimé rester içi
tant la vie y est douce et agréable : ni moustique ni nonos ...vraisemblablement
chassés par les alizés qui soufflent en permanence ...ou par les nombreux
oiseaux ... de nombreux pinsons et des espèces autochtones que vous
pouvez détailler en suivant ce lien...
Pour connaitre ces oiseaux deux sites vous éclaireront
mais il était temps de rentrer pour le
Kalliste... la mer
avait forci...et une grosse tempête passait plus au sud sur Tahiti...
alors nous avons refranchi les crètes en sens inverse, et fait peur à quelques
biquettes et chiens errants revenus sur place suivre notre trace
et pour plus de sécurité un fois retourné nous avons emprunté une nouvelle haussière
pour amarrer plus solidement le Kalliste qui commençait à danser
dangereusement le long des rochers .
Inutile de dire le bien que Nico retira de
l'aventure ...et s'il ne remarchait pas le rebouteux du coin nous assura qu'il
saurait le faire... mais il fallait qu'il reste au moins 6 mois...!!!
Nico y était prêt...mais ses parents... ?
...nous leur demanderons ...et ce sera
pour l'année prochaine ...
...en tous cas le voir se déplacer et même courir avec ses deux
béquilles et prendre appui sur ses jambes autrefois molles et flasques est
étonnant...
encore un miracle des Marquises...
Notre séjour se terminait nous avons fait le tour des oncles : les sculpteurs et et pêcheurs ...je vous fait grâce des détails
L'artisanat est un travail et un mode de production intelligent: très différents de nos productions actuelles : codifié il enracine l'objet et l'ouvrier dans le passé de la traditions et des savoirs faire acquis au couirs du temps et est produit pour l'avenir tout en permettant des variations liées au temps vécus , mais aussi l'humeur de l'artisan... là s'enracine à coup sûr la beauté d'un travail sans soucis de "productivité" ni de "rentabilité"...simplement pour aider d'autres à "faire"
Les outils des artisans, jusqu'à l'introduction des métaux, consistaient en accessoires naturels remarqués et exploités pour leur dureté (le basalte, le bois de fer, quelques os...), leur résistance (l'arbre à pain, les fibres de bourre de coco...), leurs propriétés abrasives (le sable, le corail, les radioles d'oursin, la peau d'espèces marines comme les raies et les requins), ou coupantes (le bambou, les dents de certains poissons et de rats, certains coquillages une fois préparés, les éclats de roche...), collantes comme la gomme d'arbre à pain, etc. Mais ce n'était pas toujours les seules qualités recherchées ; dans certains cas la teinte et la rareté, la résonance ou d'autres aspects plus difficiles à cerner étaient aussi considérés. Lorsque ces accessoires étaient destinés à être utilisés par ou sur des êtres, ou pour des
activités, exceptionnelles, ils devaient alors posséder des qualités et capacités particulières à transmettre ; c'est le cas de l'écaille, parfois de l'os humain (celui d'un ancêtre vénéré ou d'un ennemi prestigieux), de la peau de requins pour les tambours ou de certains coquillages, etc.Au quotidien, l'outillage le plus utilisé était lié à l'acquisition et à la
préparation de la nourriture : filets, couteaux, pêle-fruits, râpes, pilons,
planche à battre... et à la fabrication d'engins de pêche : des pirogues aux
hameçons, harpons, foënes, lignes et filets... puis au transport : bois de
portage et paniers divers ainsi qu'à la préparation des fibres et étoffes (tapa)
: racloirs, battoirs, enclume de bois ou de pierre. Il faut aussi penser à
l'acquisition de ces matières premières et à la construction, la fabrication d'armes, de vêtements et parures, de nattes... sans oublier les instruments
de chirurgie !!! .
Il faut enfin citer
les divers types d'herminettes, mais aussi les ciseaux-gouges et autres
perçoirs, maillets, polissoirs, vilebrequins à pointe d'os... Ainsi, " par
l'industrie et le troc chaque famille suffisait à ses besoins... et, grâce à une
pratique perfectionnée de l'échange des cadeaux, ils pouvaient acquérir toute
espèce d'objets fabriqués dans cet archipel. "