Si tu arrives en terre étrangère

incline-toi

Si cet endroit est bizarre

incline-toi

Si le jour est totale étrangeté

soumets-toi

...tu es infiniment plus étrange

( Orides Fontela)

 

vendredi 4 Août

Lever tard donc...
cafetière et feu allumé... mais personne pour nous déranger... 
tout le monde était au courant
...et gêné... ( nous les premier)


Pulpoli un des jeunes qui passait nous voyant réveillé demanda négligemment de nos nouvelles et si nous avions besoin de quelque chose...
je lui ai demandé si quelqu'un pouvait nous prêter une pirogue pour aller en excursion dans un endroit tranquille toute la journée... pour pêcher et pique niquer...
et...oublier... !

il me répondit n'avoir rien d'autre à faire...

Quelques provisions et nous voila partis...
nous souhaitions une journée sans wayana...
sans village...
sans chasse...
une journée de solitude et de nature
un journée d'harmonie
sans affrontement... ni tueries...

Il nous emmena sur un banc de sable sur une petite crique  en pleine forêt suffisamment ombragée et pas trop et ou les fleurs, les papillons et les oiseaux abondaient
les toucans aussi


 lui se tint à l'écart
il demanda même s'il devait s'éloigner et revenir nous chercher...

Je lui ai dit qu'il pouvait rester ,
que sa présence silencieuse et son amitié apaisante nous aidait...

il avait compris... et partageait notre peine
il avait des larmes pleins les yeux...
et les joues muillées

Je l'ai pris par l'épaule et un peu à l'écart lui ai expliqué tout...
le passé de Jess... son martyre... sa séroposivité...
les rêves de Jonathan... son idéalisation de la vie indienne...
notre vie d'ermite... notre idéal d'harmonie ...
etc...etc...

et que fragilisé par cette vie ...
unique façon d'exister  et de survivre pour des êtres à la sensibilité à  vif
à fleur de peau et de blessure
certains événements entraînaient la réouvertures de vieilles cicatrices que l'on croyait oubliées
la résurgence de vieux souvenirs que l'on avait cru chassés

Bien sûr il avait ressentis tout cela...
et il me dit que l'idéal de chaque wayana était harmonie et respect de la nature..
tout wayana se veut avant tout et profondément .libre... et solitaire...
sans contrainte
son idéal est de vivre et de jouir de la forêt/ de ses odeurs, de ses cris, de ses chuchotements, de ses murmures
de ses couleurs...

Quie de fois lui aussi écoeuré par sa vie au lycée des palississi il était venu seul en forêt...
peut-être sur ces rives ?
pour se promener nu dans le forêt
pendant plusieurs jours
afin de retrouver son équilibre...n et des raisons de vivre

Trop souvent la survie.. .l'instinct de défoulement... la pression du monde du profit, de la compétition, de l'avoir
faisaient ressurgir des comportements anciens
ou cruauté était synonyme de survie

 

Bien sûr nous n'en voulions à personne ...
et souvent l'enfer est pavé de bonnes intentions...
 ce genre de dérapages est inévitable
accentué par la fatigue... la vie en groupe toujours pesante...
surtout à nous pour lesquels la solitude reste l'irremplaçable compagne

Pour avoir si souvent dormi
Avec ma solitude
Je m'en suis fait presqu'une amie
Une douce habitude
Elle ne me quitte pas d'un pas
Fidèle comme une ombre
Elle m'a suivi ça et là
Aux quatre coins du monde
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude

Quand elle est au creux de mon lit
Elle prend toute la place
Et nous passons de longues nuits
Tous les deux face à face
Je ne sais vraiment pas jusqu'où
Ira cette complice
Faudra-t-il que j'y prenne goût
Ou que je réagisse?
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude

Par elle, j'ai autant appris
Que j'ai versé de larmes
Si parfois je la répudie
Jamais elle ne désarme
Et si je préfère l'amour
D'une autre courtisane
Elle sera à mon dernier jour
Ma dernière compagne
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude

( Georges Moustaki)
 

 

Pourtant les Wayanas sont ennemi de la contrainte, tant pour eux-même que pour les autres.

Ils ont poussé à une telle perfection l'art de bien vivre dans la nature qu'il n'ont pas besoin de travailler beaucoup : 5 heures par jour en moyenne pour les hommes, davantage pour les femmes (la tradition veut qu'elles ne soient pas oisives).

Mais ici «travail» ne signifie pas corvée

 les Indiens aiment la chasse et la pêche, et c'est pour eux un plaisir de réaliser une belle vannerie ou un collier de perles.

 Seuls les travaux de l'abattis sont vraiment durs physiquement.

Et puis, personne ne dicte ce qu'il faut faire : les activités sont variées et librement choisies selon l'humeur du moment.
 Quand on en a assez de faire quelque chose, on arrête !
 Les loisirs sont nombreux.

Dans un milieu saturé d'humidité, tout ce qui provient de la nature pourrit à plus ou moins brève échéance : quelques heures ou quelques jours pour la nourriture,
 quelques mois ou années pour les objets, pirogues et carbets.
 Impossible de thésauriser :
 faire des économies n'a ici aucun sens !

 Donc, les Wayanas n'ont pas le souci de s'enrichir.
Ils vivent sans inquiétude l'instant présent !

Et puisque l'on ne peut accumuler de richesses, il n'y a ni riche ni pauvre.
 La nature est là, tout autour, pleine de ressources, généreuse pour tous !

Ajoutons qu'il n'y a pas de chef, au sens ou nous l'entendons,
 pas de lois, pas de criminalité, pas d'impôt ni de chômage...

un petit monde qui vivait jusqu'au milieu du 2oème siècle pleinement heureux, en parfaite harmonie avec son environnement.

 Las ! tout ceci s'écrit au passé :...
confrontée à notre civilisation la société wayana se désagrège, l'équilibre est rompu.

 Les nouveaux besoins en produits occidentaux remettent en cause cette belle harmonie.

 Conscients d'être une toute petite minorité à vivre selon le mode ancestral, ils ont honte de ce qu'ils sont,
 honte du calimbé,
 du roucou [1]... Il faut tenter d'imiter les palassissi.
et leurs safaris destructeurs...

[1] Roucou: colorant végétal rouge extrait d'un fruit et dont ils s'enduisaient le corps jadis...et échappaient ainsi aux piqures d'insectes

SUITE