épilogue

D'abord quelques chiffres fournis par Jess

 

Durée du voyage

134 jours

Jours de navigations

aller 31
retour  38

69 jours

Jours de mer

aller 28
retour 31

60 jours

Distance parcourue

aller 3634
retour 6730

10364 miles
14533 km

 

Quitter une côte,
 la voir se fondre à l'horizon avec le banc de nuages ou de brume,
 et puis, peu à peu, en voir émerger une autre
 là où on l'attendait,
 font parties des plaisirs de la mer.

Le plus beau paysage, c'est 360° d'horizon,
 c'est-à-dire seulement la mer.
Plus changeante que le ciel, ses nuages et ses constellations;
plus parlante que tous les dialogues de théâtre,
 chaque vague et chaque couleur ayant son mot à dire
et son message.

 Mais beauté ne veut pas dire bonheur.
Le bonheur n'a pas la forme de la mer,
 il a celui d'une île, d'une île au loin.
Moment d'émotion rare qui s'apparente à l'amour
et plus encore à la naissance de l'amour,
 que celui où le navigateur, après une longue course,
voit se dessiner au loin la ligne de la côte qu'il attendait
et que seul un oeil exercé peut distinguer de celle des nuages les plus bas.

La Désirade (pour celui qui vient d'Europe et va à la Guadeloupe, est la première terre aperçue après la traversée de l'Atlantique) n'est sans doute pas la plus belle des Antilles.
 Ses anses ne sont pas les mieux protégées.
 Sa végétation n'est pas typiquement tropicale.
 Et pourtant, elle est bien nommée.
Pourquoi ?
Comme tout bonheur, elle a été longtemps attendue.
Toute île au loin pourrait s'appeler la Désirade.(...)


La mer est une réalité avec laquelle il faut composer, ruser et se battre.
Toute île est une sorte de miracle, d'idéal qui un instant se matérialise,
 autrement dit : une apparition.
 Ce n'est pas seulement un point sur la carte.
 C'est un moment dans le temps,
juste le temps d'une rencontre.

 Le bonheur en mer est fait d'îles,
 c'est à- dire de brèves et surprenantes rencontres.
Comme le bonheur, chaque île a son secret,
 donnant ainsi le plaisir de la découverte
qui est aussi une forme du sentiment amoureux.
 Plus l'île est lointaine,
plus le mystère est grand,
plus fort le sentiment. (...)

 Mais ne nous laissons pas captiver par le seul charme des plages vierges de sable très blanc,
des eaux chaudes couleur émeraude et des cocotiers penchés sur ces rivages.
Parmi les plus belles îles, il y en a à nos portes.
(...)toute la différence entre la beauté et le bonheur.
Il y a des cailloux perdus en mer, battus des vents et rongés de sel
qui donnent plus de joie que la baie de Rio ou celle de Naples.

Les propriétés situées dans une île sont de loin les plus demandées,
 mais aussi, celles qui changent de propriétaires le plus souvent.
 Les îles seraient donc faites davantage pour en rêver que pour y habiter.
Faut-il en tirer la conséquence que le bonheur n'est pas de ce monde?

D'aucuns ont inventé une sorte de polygamie: ils aiment les archipels.
Encore faut-il bien choisir ceux qui sont orientés non dans le lit du vent, mais selon un axe perpendiculaire au vent dominant.
 Sinon, une fois allé, on ne peut plus revenir.
 Voici, pour qu'il ne perde ni son bateau ni son âme, le navigateur averti.(...)

Après les tribulations de la navigation, mouiller au soir dans une baie sûre,
 entendre le bruit de l'ancre tombant dans l'eau claire,
à l'abri de la terre,
 sans être à terre comme on l'est dans un port,
 et avec les bruits de la terre filtrés, épurés, pour que n'en subsistent que les plus significatifs :
chant des cigales ou d'un oiseau,
 appel humain,
un cri,
un rire...(...)

La mer vit devant vous, avec vous,
pendant que le décor qui vous entoure se transforme à vue comme par une gigantesque et impeccable machinerie :
la mer,
les rochers,
 les îlots,
d'heure en heure, changent d'aspect et de nature avec le flot ou le jusant.
Depuis mon enfance, j'entends dire que l'archipel des Chausey comprend 365 îles (le nombre de jours dans l'année) à marée haute, et 52 (le nombre de semaines) à marée basse...
Les Parisiens ou les baigneurs s'étonnent et rectifient : cela doit être le contraire...
Non, c'est bien dans ce sens-là que la mer respire,
 parce que ce qui apparaît comme une île unique imposante à marée basse
devient, à marée haute, six ou sept écueils quand seuls les sommets se découvrent.

La mer n'est pas muette,
pas seulement pour les enfants qui collent leur oreille à un coquillage...
 Elle murmure,
 marmonne,
 ronchonne.
 Elle gronde,
 elle hurle,
elle rugit.
Elle raconte.
 Elle berce.
 Peut-être elle rit,
 peut-être elle pleure.
 Pas un instant elle ne se tait.
Le problème, c'est que tout ce qu'elle dit est codé.

Et il en a toujours été ainsi, et il en sera toujours ainsi,
 pour elle comme pour tout ce qui la touche, hommes ou bateaux.
Savoir où on est en mer et la technique du point ?
Secret, l'existence d'une terre ou d'un continent au delà des mers :
celui de l'Atlantique gardé des siècles durant par les Normands et les Basques (c'est pourquoi Christophe Colomb embarquera avec lui deux Dieppois, les frères Pinson).
 En plein XVIIe siècle, les Hollandais parvinrent à cacher leur découverte de l'Australie pendant plus de 45 ans :
déjà suffisamment occupés avec leur empire colonial en Indonésie, ils n'avaient ni le temps ni les moyens d'exploiter un nouveau continent,
 mais pas question que d'autres prennent leur place ! (...)

En mer tout, toujours, est naturellement mystère.
La mer apprend la victoire et enseigne la défaite.
 Mais ces deux satanées menteuses disent aussi des vérités.
 La mer est la plus grande brouilleuse de cartes,
 effaceuse de traces,
 perdeuse de fil.

Elle est pour l'homme le symbole de la liberté,
 et l'homme y vit comme en prison.

 Elle est source de vie,
mais image de linceul.

 Tout y a commencé sans doute.
 Tout y finira peut-être.
 Muette ?
Ah non !
 Mais qui peut saisir son message ?
 Codé, tout est codé.

Elle ne parle qu'une langue, la sienne.

 Quelques-uns, rares, comprennent.
 

 

Jean-François Deniau sait exprimer mieux  que nous l'inexprimable et ses textes éclairent merveilleusement ce que nous goûtons en mer
même si partir était pour nous au départ une fuite, un pari..
cela s'est vite transformé au gré des rencontres, des retrouvailles, des découvertes ,en école de vie, en traité de méditation
en source d'approfondissement essentielle

que ce soit lors de la contemplation de la Canopée, de l'océan immense et de ses typhons,
mais aussi lors de la remontée du Maroni et bien sûr de l'enfouissement amazonien  en pays wayana....tout n'a été que richesse et remise en question

Source de découverte naturelle de nos frères végétaux, humains ou matériels  ( vagues vents et étoiles) et  humaine auquel s'est juxtaposé la constitution d'une cellule d'amitié fraternelle solide de respect et d'amitié entre nous ... basée sur des actes concrets ou des gestes...beaucoup plus rarement que par des paroles.

De plus chacun a du se transcender et faire reculer ses propres limites physiologiques , ses effrois, ses peines... se dévoiler entièrement, se mettre à nu devant l'autre
dévoiler ses pleurs et ses masques
 ouvrir le rideau du futur , croire à des réussites impossibles
ces moteurs remis en marches nous ont transcendés et grandis

Vous nous prendrez pour de curieux ermites, voire des gens fortunes, oisifs  ne songeant qu'à un divertissement sortant des sentiers battus
ceux qui nous suivent depuis longtemps savent qu'il n'en est rien : vivre en mer est moins coûteux que de s'acharner à travailler sur le continent
c' est une forme d'erémitisme vrai et pur  : on peut prendre le désert, la montagne , la forêt, la cellule...ou la mer
l'important étant de couper avec le train train d'un monde que l'on n' accepte point ou qui ne vous accepte pas , pour avancer à son rythme  suivant les inclinations de son coeur savourant chaque minute qui s'écoule en l'intégrant au grand mandalas de l'univers

un mandala changeant qui se forme et reforme au fil du temps qui passe
et dont nous sommes les pièces décoratives et évanescentes

pour un ensemble qui nous échappe  et qui peut-être n'a aucun but ..; ni aucun sens
simplement une conséquence...
une résultante
une histoire

sans plus

Une invitation  pourvous aussi à ne pas vous satisfaire d'une médiocrité routinière
mais à votre manière à vous envoler sur des chemins personnels qui tangentent l'horizon et l'infini

Jess, Nat et moi restons à votre disposition pour vous éclairer, vous aider , vous conseiller ...il suffit de nous écrire ! rmitte@free.fr

en tous cas votre présence même silencieuse si utile souvent fait partie intégrante du voyage
Merci à tous d'avoir été là

et à la prochaine fois !

bien fraternellement

ff+ ( cap'tain Titus)

 

Ô vie heureuse des bourgeois
Qu'avril bourgeonne
Ou que décembre gèle,
Ils sont fiers et contents

Ce pigeon est aimé,
Trois jours par sa pigeonne
Ça lui suffit il sait
Que l'amour n'a qu'un temps

Ce dindon a toujours
Béni sa destinée
Et quand vient le moment
De mourir il faut voir

Cette jeune oie en pleurs
C'est la que je suis née
Je meurs près de ma mère
Et j'ai fais mon devoir

Elle a fait son devoir
C'est a dire que Onques
Elle n'eut de souhait
Impossible elle n'eut

Aucun rêve de lune
Aucun désir de jonque
L'emportant sans rameurs
Sur un fleuve inconnu

Et tous sont ainsi faits
Vivre la même vie
Toujours pour ces gens là
Cela n'est point hideux

Ce canard n'a qu'un bec
Et n'eut jamais envie
Ou de n'en plus avoir
Ou bien d'en avoir deux

Ils n'ont aucun besoin
De baiser sur les lèvres
Et loin des songes vains
Loin des soucis cuisants

Possèdent pour tout coeur
Un viscère sans fièvre
Un coucou régulier
Et garanti dix ans

Ô les gens bien heureux
Tout à coup dans l'espace
Si haut qu'ils semblent aller
Lentement en grand vol

En forme de triangle
Arrivent planent, et passent
Où vont ils?... qui sont-ils?
Comme ils sont loin du sol

Regardez les passer, eux
Ce sont les sauvages
Ils vont où leur désir
Le veut par dessus monts

Et bois, et mers, et vents
Et loin des esclavages
L'air qu'ils boivent
Ferait éclater vos poumons

Regardez les avant
D'atteindre sa chimère
Plus d'un l'aile rompue
Et du sang plein les yeux

Mourra. Ces pauvres gens
Ont aussi femme et mère
Et savent les aimer
Aussi bien que vous, mieux

Pour choyer cette femme
Et nourrir cette mère
Ils pouvaient devenir
Volailles comme vous

Mais ils sont avant tout
Des fils de la chimère
Des assoiffés d'azur
Des poètes des fous

Regardez les vieux coqs
Jeune Oie déifiante
Rien de vous ne pourra
Monter aussi haut qu'eux

Et le peu qui viendra
D'eux à vous
C'est leur fiante
Les bourgeois sont troublés
De voir passer les gueux

Georges Brassens

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