05-06*11.26 am
jJours de mer |
1 |
Distance parcourue hier |
- |
Distance depuis le départ |
24 miles
|
Position actuelle | Lat=
43°48,30 N Long= 2°52,75 W (Entre St Sébastien et Bilbao) |
Cap suivi |
280 |
Vitesse |
5,7 noeuds (10,5 km/h) |
Conditions de navigation |
Excellentes |
Condition de vie à bord |
Bonnes |
Vitesse du vent |
15 noeuds
|
Vagues |
2ft |
Degré Beaufort |
4 |
Ciel | Soleil + qq nuages |
Température |
14°-21° |
Visibilité |
Bonne |
A potron
minet
pas lavés et mal réveillés
nous avons délacés un à un les amarres qui retenaient Kalliste à la terre.
Quelques minutes avant nous avions longuement étreints tous ceux qui
restaient
et dont les yeux au rythme du temps qui s'amenuisait
s'emplissaient de chaudes larmes...
Mado la maman de Nat surtout embrassant le petit dont c'était le premier voyage
seul ( et quel voyage !)...lui donnant ses derniers conseils et
recommandations... et lui glissant quelques billets dans la poche
lui semblant hésiter entre pleurs et sourires... sans bien
réaliser... ne sachant plus si c'était un rêve ou pas...et s'il était bien
réveillé
Je l'ai pris à mon
cou pour qu'il ne bascule pas du côté du cauchemar
et assurer à sa maman que je veillerai sur lui
personnellement
mon regard et un serrement de bras en gage de confiance sembla la rassurer un peu...
ainsi qu'une profonde bise...
C'est
toujours terrible le départ d'un navire
bien pire que celle d'une fusée !
à cause de sa lenteur qui laisse tout le temps
à l'émotion pour "prendre" et se manifester
en plus
Soeur Catherine avait apporté quelques serpentins que ceux qui étaient sur la
quai jetèrent sur le pont...
comme en une ultime tentative pour nous retenir ou ralentir la séparation... en
ce crépuscule sinistre
coutume orientale mainte fois éprouvée au Japon et qui me fait toujours
venir des larmes dans les yeux... quand chaque ruban se brise un à un à la
manière de chaque fibre...de chaque lien, de chaque souvenir...
Comment remercier la gentillesse de cette communauté qui avait complété notre
stock de vivres de fruits et d'oeufs frais la nuit même...
par l'assurance de passer un long automne et peut-être l'hivers avec elle ?
nous en avons parlé avec Jess en cette nuit qui fut blanche d'inquiétude
lui serait bien d'accord pour un hivers
sabbatique hors du Vercors afin d'aider en retour la petite communauté...
moi aussi...
alors...?
on verra...
Peu à
peu la fosse obscure qui nous séparait de ceux qui ne partaient
point se creusait...
matérialisant ce qui inévitablement va se passer à notre insu dans nos têtes... et
hélas dans nos coeurs...
le corps aime à effacer tout ce qui l'espace d'un instant est lié aux
sentiments... pour permettre une analyse "plus objective" et "lucide"...même
si la mémoire demeure, elle ne sera jamais le reflet de ce que nous éprouvions de
compassion les uns pour les autres en ce moment là
compassions réciproques... sans mots...
Tout départ est une déchirure atroce... qui me fait revivre mes anciennes
blessures :
la rupture de mon cocon familial alors que s'éloignait le ferry et mon
père si petit et désemparé sur le quai...
celui de mon couple... et des enfants que j'aimais...
sans compter la ronde des deuils et/ou des "au revoirs" que l'on ne savait point
qu'ils seraient
pour toujours...
et tous les manquements qui surgissent de ce que l'on aurait voulu apporter ou échanger encore mieux,
encore plus fort, encore toujours...
l'homme a tellement besoin d'éternité qu'il l'invente
mais s'il n'a pas pu libérer ses verrous.. il en est malade...
"
parce qu'on est comme ça Monsieur !"
Même Zigo pour couronner le tout
et ajouter à l'ambiance
eut l'humour noir devant tant de tristesse de hurler
à la mort !
...et on dit après cela que les animaux n'ont pas de sentiment !
"Tôôôttt ! "
Heureusement
José d'un coup de corne de brume semblable à un nez que l'on mouche pour
respirer à nouveau a rappelé chacun à ses masques... et à sa tâche
sur le pont...
à la vie qui continue
monter et ranger les défenses,
rouler les amarres proprement dans leurs coffres
et puis le gros diesel s'est mis à hoqueter puis à vombrir et ronronner comme
une horloge, comme pour mieux
cacher les chuintements et le clapots des pleurs et des mains agitées en ultime
impuissance...
comme pour se donner raison d'arrêter de pleurer...
on s'est promis... on s'est juré... on s'est dit... reste à accomplir et à ne jamais oublier ce que coûtent les déchirures...
la page se
tourne
l'aile du temps passe
un peu plus bas et fort cette fois
quant elle appuie fort ça fait mal et ça écrase
mais elle passe tout le temps
et nous n'y prenons garde qu'à certains instants
Alors que la
petite troupe de ceux qui nous avaient accompagnés n'étaient plus qu'une masse
serrée dans l'ombre déchiquetée par la lumière crue d'un réverbère trop pâle...
Kaliste glissait et se faufilait sur la pointe des pieds sans faire de bruit sur l'encre lisse du
port vers le courant de l'Adour
tous feux allumés...
laissant passer les thoniers et les chalutiers gaillards qui partaient
pleins d'énergie pour une journée ou une semaine en mer...
et nous primes à leur suite lentement la route du large
ignorants les avertissements répétés des balises rouges et vertes
signalant le domaine de l'immensité océane... et la sortie du port
Le ciel
commençait à s'éclaircir. ..et de se zébrer de jaune vert à l'horizon
même si le temps était couvert arrivé à la hauteur de la digue comme il n'y avait
plus de bâtiment en vue José cria d'une voix de ténor
" -hissez la toile !"
et chacun à
son signal de tirer de toutes ses forces sur les drisses et les winchs pour
faire monter le génois d'abord qui se gonfla aussitôt comme en une érection
incontrôlée sous la faible brise
puis la grand voile ensuite qui fit sursauter et bondir le bateau en silence et
en ravissement,
comme frémissant de plaisir l'esquif alors commença à osciller peu à peu et à se
cabrer délicieusement sous l'orgasme du souffle
propulseur...
Zigo qui avait surveillé le bon déroulement de la manoeuvre avec l'oeil aguerri
d'un gardien de troupeaux ( à la retraite il est vrai) d'un jappement demanda à descendre sentant que ça allait commencer à
tanguer... et être dur à passer...pour le coeur...
José à la barre me dit qu'il allait continuer encore un peu au moteur pour
vaincre le courant qui ramène sur la côte à cet endroit...
Sans répondre je me suis assis au pied du grand mat le coeur gros avec Nat et Jess
tous deux chaux et
frissonnants mouillés émus dans mes bras... pour enfouir ma tête débordant de larmes sur
leurs
petites laines... trouvant dans leurs tiédeurs innocentes et les confiances
de ces petites vies fragiles
et souffrantes le plus grand
des réconforts...
Je pris conscience que c'est sur eux que reposait l'avenir de ce projet
fou que nous avions rêvé inconscients et préparés sans y penser vraiment
maintenant au pied du mur nous avancerions ensemble pour écrire la vie
les mouettes survolèrent un instant le bateau déçues que Jess ne leur jette rien ce matin là ...et lui se contenta de leur murmurer un " à bientôt ...je vous aime ! " ponctué d'un grand geste du bras ... et de baisers envoyés
Sacré petit Jess quel boulot il a fait depuis quelques semaines !
Au loin la "chambre d'amour" et les plages de Biarritz et leurs casinos illuminés scintillaient encore...
"- cap
280 ! "
brailla encore José avant d'ajouter..avec son accent inimitable
" -dis
donc Jessse
..et la métééo aloorssse ???
c'est coaâ ssssa ,tu pilooottes ou coâ !...
commment veux-tu que je fassse la barrre au juugé ... sans me plannnter sur les
rrroches alllorssse !"
"-un café José ?...avec un peu de rhum ? " répliquai-je alors que le moinillon descendait docilement en rougissant dans la coursive
" - un
rrrhum au
café si tu veux bien fiston !.. mais avé seulement un petit nuage de café !"
" car vois-tu ... le café ça énnnerrrve ... !"
Je savais
que pour lui aussi chaque départ était une épreuve.. vécue dans le silence...
avec l'habitude qui n'empêche rien...
mais dans le sud-ouest on a la fierté en plus...
celle de ne rien laisser paraître... et d'en rigoler !
Le premier
rayon du soleil sur la mer déchirant les nuages éclaira le rocher de la Vierge
au loin...vers la côte des Basques
"Je sais que notre voyage se passerrra bien ! " dit José après avoir avalé
d'un trait sa tasse ... et observé l'horizon
"- regarde...!
la madone, elle nous dit même au revoir !"
" - je vous salue Marie... mer divine..."
Voila Titus
a mis ce texte ce matin sur la table pour que je le transmette lors de mon
premier
contact avec Nico ( soeur Nicole)
moi je me suis mis à l'ordinateur pour consulter la météo ,tracer la route et
évaluer l'état de la mer : c'est mon travail du matin.
Bilan: Tout va bien... mais peut-être que si ça continue comme ça on manquera de vent en descendant vers le sud... on verra bien !
Nat s'est recouché avec Igor dans le carré de devant pour une grasse matinée... maintenant tous les deux ils font du coloriage.. .pas de mal de mer ... c'est vrai que la mer est d'huile !... et quel beau temps... avec un petit vent frais qui nous pousse Grand Largue ( c'est à dire 3/4 arrière)
à 8 h tout
était fait la route tracée avec l'accord de Titus
José a éteint le moteur
si bien que l'on entend plus que le doux sifflement de la brise dans les étais , les ralingues
et les haubans...même pas le bruit des vagues ( elles sont trop petites)
simplement l'eau qui murmure sa berceuse le long de l'étrave...et un peu le
bourdonnement de l'éolienne ( comme le bruit d'un ventilo ) ( ça c'est pour le
courant !)
on a pu mettre le pilote automatique et prendre l'air
tous ensembles sur le pont
on est tranquille jusqu'au cap Ortegal et la Corogne... ( l'angle W
de l'Espagne sur l'Atlantique) car pas trop de gros
bateaux par ici.. alors on aura pas besoin de quart de nuit...
On va monter
manger tous dans le
cockpit à midi...c'est rare !
seul Igor a préféré rester en bas à dormir... au cas où... ça se gâterai
mais sûr s'il y a du fromage il montera "dare dare"
et puis pas de repas
à préparer aujourd'hui ...les soeurs nous on fait un panier pour aujourd'hui
SUPER !
Voilà Bises à tous...merci aux soeurs
Jess+
Que voulez-vous faire maintenant ?